Si elle est officiellement fixée à ce vendredi au calendrier chrétien, la fête de l’Epiphanie attend le plus souvent le dimanche le plus proche du 6 janvier en France. Peu importe la date, la célébration vise pour l’Eglise à célébrer l’adoration de l’Enfant Jésus par les mages et l’universalité de son message. Mais depuis l’identité des « rois » jusqu’à la galette, l’Epiphanie est avant tout affaire de traditions populaires.
Elle referme la saison des fêtes, inaugurée par Noël et prolongée par le Nouvel an. Et on ne manque pas de dévorer la frangipane (ou la brioche) de sa galette. La célébration de l’Epiphanie est sans aucun doute l’un des rendez-vous les mieux ancrés dans les foyers français.
Toutefois, on en a parfois oublié l’origine et l’histoire. Retour sur la signification de cet événement – et des coutumes qui lui sont associées – officiellement fixé ce vendredi.
Le 6 janvier ou le dimanche qui suit?
Il faut justement s’entendre sur la date de l’Epiphanie. En principe, on l’observe le 6 janvier, selon le site de l’Eglise catholique. Cependant, les Français seront nombreux à attendre dimanche pour l’inviter à leur table. La raison de ce délai est prosaïque plutôt que théologique. L’Epiphanie n’ayant pas été retenue parmi les jours chômés reconnus par le Concordat de 1802, l’Eglise a permis à ses fidèles de la repousser au dimanche d’après, le 8 janvier cette année, afin qu’ils puissent en profiter à plein.
Car l’Epiphanie est bien sûr de nature religieuse. Une dimension inscrite dans l’étymologie: le terme vient ainsi d’un mot grec au double sens. D’abord, il renvoie à la lumière – l’Antiquité ayant remarqué que le jour commençait à rallonger sensiblement en ce début du mois de janvier -, surtout, il évoque la « manifestation » ou « l’apparition ».
Dans un contexte chrétien, il s’agit à l’origine de commémorer l’incarnation divine à travers l’arrivée de l’Enfant Jésus au monde.
Le rappel d’une adoration
Mais la destination de la fête a un peu évolué au fil du temps. En effet, on a réservé le souvenir de la Nativité au 25 décembre et le baptême du Christ au dimanche suivant l’Epiphanie. Celle-ci se concentre donc sur le rappel d’un autre épisode du Nouveau testament: l’adoration de Jésus par « les mages ».
C’est ici que ça se complique. En effet, la scène, mentionnée au chapitre 2 de l’Evangile de Matthieu, ne croule pas sous les détails. De ces « mages », dont l’évangéliste précise qu’ils ont l’intention de se « prosterner » devant le « roi des juifs », on ne connaît ni le nom, ni le nombre. À peine sait-on qu’ils viennent « d’Orient ».
Une unique précision qui a toutefois son importance. Elle indique que les voyageurs ne sont ni de Judée, ni de Galilée, et ne sont donc pas juifs. Ils s’affirment comme le signe de l’universalité de la « bonne nouvelle » apportée par le Christ, et par extension de l’Eglise qui entend en transmettre le message.
Le mystère des mages levé
On sait cependant une chose supplémentaire de la visite rendue par les mages à Jésus. ils n’arrivent pas les mains vides, mais avec un coffret rempli de cadeaux: l’or, l’encens, la myrrhe. Si le texte biblique se passe d’expliquer le choix de ces présents, des générations d’exégètes se chargeront de le faire des siècles après sa rédaction.
C’est notamment le cas de Jacques de Voragine, archevêque de Gênes et surtout chroniqueur italien du XIIIe siècle, comme le note La Croix. La splendeur matérielle de l’or pose la royauté du Christ, les fumées de l’encens élèvent dans l’air un hommage à sa divinité. La myrrhe est d’un plus triste augure: employée dans le soin aux morts, voire leur embaumement, la plante préfigure la Passion du Christ et sa crucifixion.
Ces trois offrandes ont pu pousser à estimer que les mages étaient trois à se pencher au-dessus de Jésus. Rien de certain là-dedans car tout est ici affaire de traditions populaires qui en feront de surcroît des « rois », leur donnant des noms, d’ailleurs, dont Le Télégramme remarque qu’ils commencent à apparaître au VIe siècle. On retrouve Jacques de Voragine qui décline ces identités et caractérise les personnages, signe qu’au Moyen-Âge ceux-ci sont déjà bien plantés:
« Le premier des Mages s’appelait Melchior, c’était un vieillard à cheveux blancs, à la longue barbe. (…) Le second, nommé Gaspard, jeune, sans barbe, rouge de couleur, offrit à Jésus. (…) Le troisième, au visage noir, portant toute sa barbe, s’appelait Balthazar ».
Ces détails physiques, liés aux différents âges de la vie, livrent une dernière information. Chacun est l’ambassadeur d’une partie du monde. À Melchior l’Europe, à Gaspard l’Asie, et à Balthazar l’Afrique.
Une galette étouffe-païens?
Outre le catéchisme pour les uns, la chanson de Sheila ou le film des Inconnus pour les autres, les « rois mages » ont une bonne raison de plus d’être restés dans les esprits: la galette. Mais il en va de la pâtisserie comme de l’ensemble de l’Epiphanie, son histoire est hybride.
Comme le relève notamment le National Geographic, elle semble un héritage des saturnales, festivités romaines hivernales. Dans une logique carnavalesque où les rôles sociaux peuvent s’inverser, les citoyens romains invitent alors leurs esclaves à partager un gâteau avec eux. Et dans ce gâteau? Oui, une fève, déjà. Au sein d’une société romaine, veillant jalousement sur les apparences républicaines, pas question de roi cependant. Celui qui tombe sur la fève n’est que « prince des saturnales ». On lui exauce tout de même ses souhaits pour la journée.
Les saturnales adoptent encore un dernier usage autour de ce gâteau. Le plus jeune convive passe sous la table et désigne en aveugle les destinataires des parts. Une habitude qui, elle aussi, est parvenue jusqu’à l’époque actuelle.
Cliquez ici pour lire l’article depuis sa source.