Une étude publiée ce mercredi souligne le rôle jusqu’ici méconnu que jouent les papillons de jour et de nuit dans le processus de pollinisation.
Les papillons ne se contentent pas de convoiter le nectar des fleurs, mais peuvent aider leur pollinisation grâce à une charge d’électricité statique qu’ils emmagasinent en volant, selon une étude parue ce mercredi 24 juillet.
Les lépidoptères, c’est-à-dire les papillons de jour et de nuit, font partie des insectes pollinisateurs, transportant le pollen d’une plante à fleurs vers une autre pour sa reproduction.
Un rôle minimisé par certaines études qui en ont fait avant tout un « parasite », plus assoiffé de nectar qu’autre chose, remarque le biologiste Sam England, à l’Institut allemand Leibniz de science de l’évolution et de la biodiversité.
L’étude qu’il signe dans la revue Interface de la Royal Society britannique est la première à mesurer leur capacité de pollinisation grâce à l’électricité dont l’animal se charge en volant.
Le rôle des forces électrostatiques
Les principaux pollinisateurs, comme le bourdon ou l’abeille, ont longtemps été réputés collecter le pollen et le libérer par contact avec les organes reproducteurs des fleurs.
C’est seulement à partir des années 1980 que les biologistes ont supposé que des forces électrostatiques pouvaient aussi jouer un rôle dans ce processus indispensable à la reproduction sexuée des plantes à fleurs.
« C’est quelque chose qui n’a pas été exploré en détails en termes d’écologie », constate Sam England.
L’idée est qu’en volant, le corps de l’insecte accumule une charge électrique positive, produite par le frottement des ailes avec l’air. Or « une bonne proportion du pollen de fleurs est chargé négativement », poursuit le biologiste.
Des charges opposées s’attirant, ce pollen serait dirigé naturellement vers l’abdomen de l’insecte pollinisateur. Il prendrait alors une charge positive pendant son transport jusqu’à une autre fleur. Où il serait naturellement attiré par le champ électrique négatif de cette fleur.
« On a montré que les abeilles accumulent ainsi des charges électriques conséquentes », selon lui, mais « personne ne l’avait quantifié pour les papillons ».
Pollinisation « sans contact »
Pour son étude, tirée de sa thèse de doctorat à l’Université britannique de Bristol, Sam England a mesuré la charge électrique nette de onze espèces de papillons, natifs de cinq continents.
A l’aide notamment d’un picoampèremètre, -un instrument mesurant des charges électriques infimes-, disposé à la sortie d’un tunnel dans lequel chaque papillon volait au moins 30 secondes.
Résultat: « la plupart des lépidoptères accumulaient une charge électrique positive » selon le chercheur, qui a utilisé ensuite un logiciel de simulation numérique pour modéliser le champ électrique établi entre l’insecte et la fleur, ainsi que son action sur le pollen.
L’étude conclut qu’en moyenne, la charge électrique de l’insecte fournit une force électrostatique suffisante pour soulever une centaine de grains de pollens sur 6 millimètres de hauteur en moins d’une seconde, jusqu’à l’abdomen du papillon. Le tout débouchant sur une pollinisation « sans contact » entre la fleur et l’insecte.
Des variations entre espèces
L’étude a constaté que la capacité de charge des papillons variait singulièrement entre espèces. Le chercheur émet l’hypothèse que cela ait un lien avec la pression de l’évolution. « Ce sont des spéculations à ce stade, mais il existe des corrélations avec différents facteurs écologiques », selon Sam England.
« Certains animaux pourraient trouver un bénéfice à être de bons pollinisateurs », avec une charge électrique élevée, « car cela voudrait dire qu’il y aura plus de plantes dont ils se nourrissent ».
Inversement d’autres pourraient avoir intérêt à porter une charge électrique plus faible. Car l’accumulation de pollen pourrait les ralentir, et les rendre plus vulnérables à des attaques de prédateurs.
« On a aussi découvert récemment que des animaux peuvent en détecter d’autres grâce à la charge électrique qu’ils véhiculent », comme avec des chenilles prévenues ainsi de la proximité d’une guêpe.
Le but alors serait d’être pour certains insectes d’être « électriquement invisibles ou camouflés », imagine le chercheur.
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