Les botanistes du monde entier, réunis actuellement à Madrid, ont voté à plus de 60% pour le changement de nomenclature de centaines de plantes, champignons et algues. En ligne de mire: le mot « caffra », un terme péjoratif historiquement utilisé pour désigner les Noirs.
Une décision importante qui va faire date dans le milieu scientifique. Les botanistes du monde entier, qui se réunissent actuellement pour le 20e Congrès international de botanique, à Madrid, ont voté pour renommer les plantes ayant des noms à connotation raciste. Ainsi, à partir de 2026, des centaines de plantes, champignons et algues vont être rebaptisés.
“Pour être adoptée, cette mesure doit recueillir une ‘super-majorité’ de 60%”, signalait la revue Nature peu avant le vote. Ce dernier a donc été adopté de justesse avec précisément 63% des 556 experts en botanique présents qui ont accepté ce changement.
Notion de supériorité blanche
La raison en est l’utilisation de noms d’espèces contenant le mot latin « caffra » (caffre en français), un terme péjoratif historiquement utilisé pour désigner les Noirs, en particulier durant l’apartheid en Afrique du Sud. Ce terme, venu de l’arabe « kafir », qui désigne un non-croyant. Il est associé à un imaginaire marqué par le racisme et la notion de supériorité blanche, rapporte le journal of South Africans Studies.
L’historien Jochen S. Arndt y explique que le terme a été initialement utilisé par les navigateurs portugais pour désigner l’ensemble des populations noires, puis pour différencier les populations du sud de l’Afrique des « vrais nègres » (« true negroes »). À l’époque, on croyait que certains habitants d’Afrique australe n’étaient pas autochtones, contrairement aux « Hottentots », et qu’ils étaient supérieurs.
Cette distinction, influencée par une vision biblique et missionnaire de l’Afrique, s’est estompée au fil des siècles, mais le terme a continué à être utilisé pour désigner les Noirs d’Afrique du Sud. Au début du XXe siècle, un « caffre » était simplement un Noir africain, considéré comme une race inférieure. Dans le contexte de l’apartheid, ce terme devenait bien plus qu’une insulte, servant de justification linguistique à un régime raciste.
Inquiétudes sur les conséquences
Selon les propositions de Gideon Smith et Estrela Figueiredo de l’université Nelson Mandela en Afrique du Sud, « Erythrina Caffra » sera renommée « Erythrina Affra », « Protea Caffra » deviendra « Protea Affra », et « Dovyalis Caffra » sera rebaptisée « Dovyalis Affra ». L’objectif est de remplacer « caffra » par « affra » pour reconnaître leur origine africaine.
« Nous sommes satisfaits de la suppression d’une insulte raciste des noms scientifiques des plantes, des algues et des champignons. Et nous sommes contents de voir que plus de 60 % de la communauté botanique mondiale s’est exprimée en faveur de notre proposition », a réagi Gideon Smith auprès du Times.
Pour autant, certains biologistes expriment des inquiétudes quant aux conséquences de ces modifications sur la nomenclature. Ils estiment que celles-ci pourraient semer la confusion et engendrer des erreurs dans les bases de données, avec le risque de nuire aux espèces en danger en provoquant des malentendus dans les cadres légaux.
Cette décision historique contraste avec la position de la Commission Internationale de la nomenclature zoologique. Pour l’instant, elle s’oppose à tout changement de nom pour les animaux.
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