Entre la division politique de la population brésilienne, un Parlement à droite et une crise budgétaire, Lula risque de connaître un début de troisième mandat compliqué.
Lula a encore du travail. Cet ancien ouvrier métallurgiste de 77 ans débutera le 1er janvier son troisième mandat, 12 ans après avoir quitté le pouvoir et après avoir passé 580 jours en prison, à la suite de condamnations pour corruption finalement annulées pour vice de forme.
Luiz Inacio Lula da Silva a été élu dimanche président du Brésil, obtenant 50,9% des voix au second tour, contre 49,1% pour le président d’extrême droite Jair Bolsonaro, après une campagne très tendue. Mais son mandat ne devrait pas s’avérer beaucoup plus simple que cette campagne.
Le défi le plus immédiat est celui posé par Bolsonaro, qui ne s’était toujours pas manifesté mardi après-midi pour admettre formellement sa défaite.
• Protection de l’Amazonie
Lula devra par ailleurs réparer les dégâts causés par la politique de son prédécesseur en Amazonie. Durant sa campagne, il a mis en avant sa volonté de protéger la forêt amazonienne et de lutter contre la déforestation. L’Amazonie s’étend sur neuf pays mais la partie brésilienne de la forêt est la plus importante.
Après presque 15 ans de tendance baissière pour la déforestation en Amazonie brésilienne, elle a fortement accéléré depuis la prise de fonction de Jair Bolsonaro en 2019, selon l’Institut national de recherche spatiale du Brésil (INPE). Le gouvernement de l’ex-président a notamment « affaibli les organes gouvernementaux chargés de surveiller l’environnement et de faire appliquer les lois pour protéger la forêt », selon Greenpeace. En 2021, la déforestation a touché plus de 13.000 km² de territoire en Amazonie brésilienne: c’est plus que la superficie du Qatar.
La fin de son mandat approchant, le rythme est devenu encore plus soutenu cette année. En septembre, par exemple, la surface déboisée dans la partie brésilienne de la plus grande forêt tropicale du monde a augmenté de 48% par rapport à septembre 2021, toujours selon l’INPE.
• Financer les politiques promises
Autre défi de taille pour le nouveau président, à l’heure où il devra financer les politiques sociales promises et sans la croissance de ses précédents mandats: les finances de l’Etat brésilien ont été plombées après la distribution, à des fins électorales, de dizaines de milliards de réais d’aides lors de sa campagne par Jair Bolsonaro.
Lula a par exemple promis d’exonérer d’impôt sur le revenu les personnages gagnant jusqu’à 5000 réais par mois (environ 970 euros) et de diminuer les impôts de la classe moyenne.
En juillet, une note de la Direction générale du Trésor français soulignait que les mesures prises par Bolsnoraro (allocation pour le gaz, programme alimentaire) pourraient dynamiser l’économie brésilienne au second semestre 2022. Le document ajoutait toutefois qu’elles risquaient aussi d’entraîner des « augmentations d’impôt à moyen terme pour faire face à la dégradation de la situation budgétaire ».
• Une situation sociale déteriorée
La pauvreté a fortement augmenté au Brésil pendant la pandémie. Entre 2019 et 2021, 9,6 millions de personnes ont vu leur revenu baisser et ont rejoint le groupe des Brésiliens vivant dans la pauvreté. En 2021, 62,9 millions de Brésiliens, soit 29,6 % de la population du pays, disposaient ainsi d’un revenu mensuel par habitant inférieur ou égal à 497 réais (96 euros), selon une étude du think tank brésilien FGV Social menée à partir de données de l’agence nationale de statistiques.
Le pays connaît aussi une crise alimentaire exacerbée par la pandémie. 55,2% des ménages étaient confrontés à un certain niveau d’insécurité alimentaire en 2020, « une augmentation de 54 % depuis 2018 », selon un rapport du Rede Pessan, un centre de recherche indépendant. La sécurité alimentaire est, selon l’indicateur retenu par l’étude, le fait d’avoir accès à une nourriture de qualité et en quantité suffisantes et de ne pas ressentir de menace sur l’approvisionnement dans un avenir proche.
• Une population polarisée
« La moitié de la population est mécontente » du résultat de l’élection présidentielle, note oar ailleurs pour l’AFP Leandro Consentino, un politologue de l’Université privée Insper de Sao Paulo, 58 millions d’électeurs ayant voté Bolsonaro. « Lula va devoir pacifier le pays ».
La violence de la campagne a alimenté cette polarisation. Bolsonaro a insulté Lula: « voleur », « ex-prisonnier », « alcoolique » ou « honte nationale ». Ce dernier a rendu les coups: « pédophile », « cannibale », « génocidaire » ou « petit dictateur ». S’accusant mutuellement de mentir, Bolsonaro et, dans une moindre mesure Lula, ont alimenté la machine à désinformation, qui a fonctionné comme jamais au Brésil.
Il « n’existe pas deux Brésil », a déclaré dimanche Lula. « Je vais gouverner pour 215 millions de Brésiliens ».
Cela n’a pas empêché des partisans de Bolsonaro qui refusent d’accepter sa défaire de bloquer des axes routiers partout à travers le pays mardi. La police routière fédérale faisait état de 250 barrages, totaux ou partiels, dans au moins 22 des 27 Etats du Brésil. Lundi soir, seulement une douzaine d’Etat étaient concernés.
• Un Parlement à droite
Lula va enfin devoir composer avec un Parlement que les élections législatives du 2 octobre ont fait pencher davantage vers la droite radicale, le Parti libéral (PL) de Jair Bolsonaro étant devenu la première formation à la Chambre des députés comme au Sénat.
En se présentant, Lula a réuni une coalition hétéroclite d’une dizaine de formations autour de son Parti des Travailleurs (PT). Il a choisi aussi un vice-président au centre, Geraldo Alckmin, un ex-adversaire battu à la présidentielle de 2006, pour séduire l’électorat modéré et les milieux d’affaires.
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