Ces dernières semaines, les scientifiques ont tiré de nombreuses fois la sonnette d’alarme. Les mauvaises nouvelles semblent s’enchaîner, juste avant l’été.
L’été n’est pas encore là et pourtant, la planète semble déjà en surchauffe. Alors que le flot des nouvelles inquiétantes sur le climat pouvait presque passer pour un bruit de fond, en ce mois de juin, les experts se font de plus en plus vocaux.
« Ces derniers jours, j’ai rarement vu les scientifiques du monde entier tirer autant la sonnette d’alarme. Tous dénoncent un décrochage de plusieurs paramètres », s’est inquiété sur Twitter l’agroclimatologue Serge Zaka.
Mais quels sont ces nombreux signaux rouges clignotants qui alertent simultanément les experts du monde? BFMTV.com fait le point sur ces phénomènes qui ont marqué les premières semaines de juin.
La nouvelle a fait grand bruit il y a quelques jours: la planète a connu le début du mois de juin le plus chaud jamais enregistré. Cette mesure a été rendue publique le 15 juin par le service européen Copernicus qui surveille le changement climatique. Les moyennes relevées sur le début du mois battent les précédents records avec une « marge substantielle ».
Dans le radar des spécialistes, le phénomène météo El Niño. Il résulte du réchauffement des océans et est généralement associé à une augmentation des températures mondiales, y compris sur la terre ferme. Cette anomalie naturelle se produit de manière cyclique, tous les deux à sept ans, pour une durée d’environ une année, et alterne avec La Niña, phénomène sœur, qui a tendance, elle, à refroidir le climat.
Reste que, les experts redoutent qu’El Niño se renforce progressivement dans les mois qui viennent, comme l’a noté le 8 juin l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA). Et à son tour, ce phénomène risque d’aggraver tous les autres problèmes.
Par ailleurs, la barre des 1,5°C de réchauffement par rapport aux niveaux préindustriels a déjà été dépassée. Le scénario le plus optimiste de l’accord de Paris en 2015 est donc vraisemblablement hors de portée.
· Les mers et océans sont en surchauffe
Moins connue, mais inquiétante, la chaleur persistante et croissante des mers et des océans n’est pas à prendre à la légère. Une carte des mers et des océans a été mise à disposition par la Nasa. Elle permet de constater que la température de l’eau est trop élevée, notamment sur les côtes françaises. Cela s’explique simplement, l’eau captant beaucoup plus la chaleur de l’atmosphère que les continents.
« La température de l’eau de mer est anormalement élevée sur une grande partie du bassin Atlantique, mais aussi aux abords de la France. Dans le golfe de Gascogne et sur nos côtes méditerranéennes, l’excédent est de +3°C à +5°C ! », s’est alarmé le météorologiste Guillaume Séchet.
Si en ce début de saison touristique l’idée de se baigner dans une eau un peu plus chaude pourrait sembler attirante, cette variation a des conséquences dévastatrices pour la biodiversité. Pour le chercheur à l’Institut espagnol d’océanographie David Diaz, ces épisodes « ressemblent à des incendies sous-marins, avec une faune et une flore qui meurent comme si elles étaient brûlées ». Des écosystèmes menacés alors qu’ils servent pourtant de trappe à carbone.
Autre conséquence directe, des phénomènes violents sur les littoraux. En 2022, la France a subi 33 jours de « canicule marine ». Rien qu’à Marseille, des températures de plus de 5°C supérieures à la moyenne ont été enregistrées. Ce qui n’est pas sans conséquences tangibles pour le biologiste marin Raphael Seguin.
« Cette vague de chaleur marine est probablement à l’origine des orages extrêmement violents et meurtriers qui ont frappé la Corse le 18 août 2022 », analyse-t-il pour Bonpote.com.
· Des glaciers déjà « perdus »
Le Giec avait planifié une disparition totale de la glace dans l’océan Arctique pour les environs de 2050. Finalement, la fonte pourrait avoir lieu dès 2030, comme mis en avant par une nouvelle étude publiée le 6 juin dans la revue Nature.
La couche de glace qui recouvre l’Arctique avoisine normalement les 14 millions de km². Elle diminue pendant les mois les plus chauds et se reforme durant les périodes froides. Or, cette deuxième partie du cycle va progressivement s’amenuiser, pour ne laisser qu’une superficie de glace beaucoup plus faible, voire inexistante en fonction des projections.
« La partie est déjà perdue pour les glaciers, car la concentration de CO² est déjà très élevée et l’élévation du niveau de la mer risque de se poursuivre pendant les milliers d’années à venir », déplore Petteri Taalas, le secrétaire général de l’Organisation météorologique mondiale (OMM).
· Des mégafeux au Canada, la Sibérie étouffe
Ces dernières semaines, au Canada, une bonne partie du territoire a été rongée par les flammes. Les mégafeux qui ravagent le Québec ont déjà consumé cette année 5,6 millions d’hectares, soit l’équivalent de la région Bourgogne-Franche-Comté. La crainte de la communauté scientifique: une sous-évaluation des rejets de CO² liés aux incendies. Un facteur qui pourrait, à son tour, empirer la situation.
« Sur ces cinq dernières années, on a eu énormément plus de feux. Il y a vraiment un changement en Sibérie comme au Canada et on peut dire avec beaucoup de certitude que c’est lié au changement climatique. En revanche, il reste compliqué de prédire si cela va s’accélérer à l’avenir », explique Philippe CIais, chercheur au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement, à Reporterre.
Le Canada, comme la Sibérie, est une zone dont le réchauffement est plus rapide que dans le reste du monde, comme l’a expliqué à la RTBF Cathy Clerbeaux, professeur en science de l’atmosphère et du climat à l’Université Libre de Bruxelles:
« L’augmentation de température va plus vite quand on va au nord du Canada ou en Sibérie qui se trouvent près du pôle Nord ».
« Il faut changer en profondeur »
Fonte des glaces, records de température, mais aussi sécheresse, inondations, violents orages… Les problèmes pointés par les experts sont inquiétants lorsqu’ils sont pris seuls. Mais ils sont encore plus alarmants lorsqu’ils sont étudiés ensemble. La plupart de ces phénomènes, en plus de se renforcer eux-mêmes, ont tendance à se nourrir les uns les autres. Pourtant, face à cette accumulation, les spécialistes attendent toujours une réelle prise de conscience du grand public, et des dirigeants.
« J’espère que la prise de conscience va voir le jour (…) Tous les cycles sont déréglés à l’échelle mondiale (…) on va aller vers plus de sécheresses, plus d’inondations. Il faut changer en profondeur, c’est la seule solution », lançait au micro de France Info Emma Haziza, spécialiste dans l’adaptation de notre société au changement climatique.
Point positif: plus les phénomènes violents se succèdent, plus les esprits semblent s’ouvrir, comme l’a mis en lumière une étude de l’Ifop en septembre 2022 centrée sur la France. Ce sont désormais 67% des Français qui se disent inquiet face à l’avenir.
Cliquez ici pour lire l’article depuis sa source.