La découverte récente dans le Tarn et à Nice de dizaines d’animaux entassés chez leur propriétaire met en lumière un trouble méconnu: le syndrome de Noé.
C’est une « maison de l’horreur » que les gendarmes ont découverte dans le Tarn début juillet. Alertés par des vétérinaires, les militaires ont trouvé au domicile d’une septuagénaire des dizaines d’animaux domestiques entassés dans une pièce de 40 m2. Chiens, chats, poules, cochons mais aussi chevaux y survivaient dans des conditions indignes, certains n’ayant plus que la peau sur les os.
Plus grave, les gendarmes ont retrouvé dans trois congélateurs les cadavres de 28 chiens. La propriétaire, connue pour être la « Brigitte Bardot locale », se présentait pourtant comme une protectrice des animaux.
« De bonnes personnes »
Une scène sensiblement similaire a été découverte par les forces de l’ordre à Nice. Dans un appartement, pas moins de 120 chats dénutris, vivant dans leurs excréments. Mais aussi des cadavres.
Là encore, le couple de propriétaires est présenté comme de « bonnes personnes » aimant leurs bêtes. « Il n’y a pas de maltraitance, les animaux, c’était tout pour eux, ils n’ont jamais voulu leur faire de mal », assurent leurs enfants auprès de Nice-Matin. Ce paradoxe porte un nom: le syndrome de Noé.
Ce trouble du comportement, dont le nom fait référence à l’histoire biblique de l’Arche de Noé, se caractérise par le fait d’accumuler des animaux chez soi, sans pour autant avoir les moyens de les héberger, de les nourrir ou de les soigner correctement. À partir d’un certain nombre d’animaux, le propriétaire n’est plus capable de s’en occuper et les cas de maltraitance deviennent inévitables.
Un syndrome qui cache une maladie
« Le syndrome de Noé n’est pas une maladie en soi. Il est nécessairement relié à une pathologie comme la schizophrénie, Alzheimer ou une dépression grave comme la dépression mélancolique », explique à BFMTV.com Jérôme Palazzolo, psychiatre et chercheur à l’université Nice-Côte d’Azur.
Chez chaque personne, « il y a une notion de déni », souligne le médecin. « En psychiatrie, on appelle ça le rationalisme morbide. Le patient trouve des explications rationnelles à des comportements absurdes », explique-t-il.
Dans le cas du syndrome de Noé, les personnes souffrantes vont se persuader que les animaux qu’ils accumulent sont plus en sécurité chez eux qu’à l’extérieur, où ils pourraient se faire renverser par une voiture par exemple.
Des personnes seules
Selon des chiffres publiés en 2018 par la direction de la santé québécoise en 2018, 75% des personnes souffrant du syndrome sont des femmes, vivant majoritairement seules. « La rupture sociale se retrouve chez beaucoup de personnes présentant un syndrome de Noé. On note que cette rupture intervient souvent avant l’apparition du syndrome », souligne le psychiatre.
L’expérience montre aussi que les « Noé » des temps modernes souffrent également de syllogomanie, ou accumulation compulsive. Un syndrome davantage connu qui consiste à accumuler sans but des objets et à ne rien jeter. Sa forme la plus grave est le syndrome dit « de Diogène ».
Au-delà de la maltraitance subie par les animaux, « la personne se met en danger et met en danger les autres », insiste notre expert.
Interdiction de posséder des animaux
Le code pénal punit « le fait par maladresse, imprudence, inattention, négligence (…) d’occasionner la mort ou la blessure d’un animal domestique ou apprivoisé ou tenu en captivité » d’une « amende prévue pour les contraventions de la 3e classe ».
Si une expertise psychiatrique confirme le syndrome de Diogène dans les affaires du Tarn et de Nice, il y a de grandes chances que la justice soit clémente avec les prévenus. Le tribunal peut néanmoins prononcer une interdiction de posséder des animaux pendant un certain temps, voire à vie si la personne récidive. C’est ce qui est arrivé en février à une femme de 33 ans en Dordogne, rapporte Sud-Ouest. « Le tribunal peut aussi demander une obligation de soin », ajoute Jérôme Palazzolo. Dans ce cas, le traitement dépendra de la maladie psychiatrique associé au syndrome.
En cas de condamnation du propriétaire, la loi prévoit que les animaux puissent être remis « à une œuvre de protection animale reconnue d’utilité publique ou déclarée », sur décision du juge.
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