Présentes dans une multitude d’objets, les PFAS sont des substances chimiques toxiques et quasi indestructibles. Une enquête montre l’ampleur de la contamination en Europe, qui n’est pas sans risques pour la santé humaine.
Dix-sept médias européens, dont Le Monde, ont cartographié pour la première fois la dissémination massive des polluants PFAS dits « éternels », ces composés chimiques invisibles, inodores et désormais omniprésents mais dont la toxicité nourrit une inquiétude croissante.
« Les PFAS sont une grande famille de substances de synthèse utilisées surtout depuis les années 1960 pour leurs propriétés chimiques: elles résistent à l’eau, à la chaleur et sont imperméables aux matières grasses », explique à BFMTV.com Francesca Mancini, chercheuse à l’Inserm.
On les retrouve dans les poêles anti-adhésives, dans des composants industriels, dans les aéroports, dans les emballages alimentaires… « Certaines de ces substances sont interdites; mais elles sont quasi-indestructibles et restent très longtemps dans la nature et donc dans les organismes vivants », poursuit la spécialiste.
Le Sud de Lyon particulièrement touché
Au total, 17.000 sites sont contaminés en Europe (au-delà de 10 nanogrammes par litre), dont 2100 à des niveaux dangereux pour la santé (plus de 100 nanogrammes par litre), selon les résultats du « Forever Pollution Project ». L’enquête a permis de réaliser la première cartographie européenne des sites contaminés ou suspectés de l’être, en s’appuyant sur des méthodologies d’experts, des données et des « milliers de prélèvements environnementaux » de 2003 à 2023.
Un lac norvégien, le Danube Bleu, une rivière tchèque et des régions immenses autour des bassins de la chimie font partie des plus touchés. Les journalistes ont aussi localisé vingt usines de production et 230 autres utilisatrices de PFAS.
La production se trouve principalement en Allemagne. En France, on compte cinq usines, celles d’Arkema et Daikin, au sud de Lyon, mais aussi de Chemours et Solvay.
L’enquête a aussi identifié 21.500 sites « présumés contaminés », notamment autour d’aéroports, à cause des mousses anti-incendie régulièrement utilisées lors d’exercices.
Trois à sept ans dans le corps humain
« Il y a une amplification de la dangerosité au cours de la chaîne alimentaire, donc l’Homme est le plus exposé car il est tout en haut », explique l’épidémiologiste Francesca Mancini.
« Les PFAS restent dans le corps humain entre trois et sept ans », complète-t-elle.
La contamination à ces substances se fait notamment à travers l’alimentation, surtout celle d’origine animale. Si Francesca Mancini estime qu’il « n’y a pas de doute » sur les effets négatifs des PFAS sur la santé humaine, elle explique qu’il est toutefois difficile de lister ces risques.
« Toute la population est exposée donc on ne peut pas identifier de groupe non-exposé pour faire des comparaisons », poursuit-elle. En outre, « les PFAS ont des effets même à très faible dose donc il faut certaines connaissances techniques ».
Cancers, infertilité, obésité…
Toutefois, certains effets négatifs sont déjà identifiés. « Les PFAS sont des perturbateurs endocriniens qui peuvent interférer sur les organismes hormonaux », décrit Francesca Mancini.
Par conséquent, des études ont montré un lien entre l’exposition aux PFAS et le développement de cancers dits hormonodépendants. « On parle notamment des cancers des testicules et des cancers des reins », détaille l’épidémiologiste.
Selon des scientifiques, ces substances peuvent également avoir des effets sur la fertilité, le développement du fœtus « avec des bébé avec un très faible poids », ajoute Francesca Mancini. Les PFAS ont également une influence sur la réponse immunitaire des enfants, notamment à travers l’alimentation via le lait maternel.
Ils peuvent aussi augmenter les risques d’obésité et le cholestérol. Le coût annuel pour la santé publique européenne est estimé entre 52 et 84 milliards d’euros, selon un rapport norvégien de 2019.
Privilégier une alimentation variée
Comme le montre la cartographie réalisée par le « Forever Pollution Project », les PFAS sont présents sur la quasi-totalité du continent européen. « Il n’y a pas vraiment de choses à faire au niveau des particuliers pour s’en protéger », déplore Francesca Mancini.
Si les PFAS sont par exemple particulièrement présents dans les poissons ou le lait maternel, l’épidémiologiste soutient que « le bénéfice-risque » reste en faveur de leur consommation.
« Il ne faut pas être extrêmement alarmistes », met-elle en garde.
Elle préconise néanmoins d’avoir une alimentation la plus variée possible « pour éviter de manger toujours la même chose et donc d’augmenter les risques ».
Une interdiction difficile
Aux États-Unis, le conglomérat américain 3M, connu pour ses « Post-it » ou ses masques, s’est retrouvé le premier sur la sellette. Attaqué en justice pour ses usines américaines et en Belgique, il a annoncé fin décembre qu’il arrêterait d’ici fin 2025 la production des PFAS.
De l’autre côté de l’Atlantique, les autorités sanitaires allemande, danoise, néerlandaise, norvégienne et suédoise ont déposé mi-janvier auprès de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) un projet visant à bannir ces composants, appuyé par d’autres pays dont la France.
L’organisation des producteurs de PFAS (la FPP4EU) estime difficile de se passer de ces substances, vantant leurs nombreuses propriétés (résistance, lubrification, durabilité…) et leur rôle central dans des secteurs tels que la pharmacie ou l’automobile.
Pour Arkema, l’interdiction proposée dans l’UE serait « trop large », comme le rapporte l’AFP, car elle envisage de bannir tous les composés chimiques persistants et non pas seulement ceux identifiés comme nocifs pour la santé humaine.
La proposition entraînerait l’interdiction de « nombre de polymères fluorés et gaz fluorés » qui « sont au cœur de la transition écologique et énergétique », estime l’industriel, citant les enjeux de souveraineté européenne pour les batteries, semi-conducteurs, l’hydrogène, l’isolation, l’énergie solaire, etc.
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