Si l’impact du manque de précipitations est encore limité, bien que visible, la demande en eau des cultures sera bientôt plus importante, ce qui pourrait poser des problèmes aux agriculteurs.
La France métropolitaine n’a pas connu de véritable pluie pendant 38 jours, la plus longue sécheresse météorologique jamais enregistrée selon Météo-France. Sur BFMTV, le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu a alerté sur le fait que « la totalité des départements sont en dessous de la normale quand on regarde l’humidité des sols ».
Sols secs, manque de pluie… Cette sécheresse hivernale a des conséquences directes sur l’agriculture. « Les situations sur le territoire français sont disparates, on a des zones vraiment très très peu arrosées, mais c’est tout de même relativement sec partout », explique à BFMTV.com Guillaume Charrier, chercheur en écophysiologie des plantes à l’Inrae de Clermont-Ferrand.
Une situation « pas trop catastrophique »
En France, l’immense majorité de la production alimentaire vient d’une agriculture pluviale, c’est-à-dire alimentée par les précipitations, non pas par l’irrigation. Si le dessèchement des sols est marqué, il est encore peu impactant pour les grandes cultures.
En effet, jusqu’ici, la demande en eau reste assez limitée car il n’y a pas encore de croissance des cultures, notamment sur le colza, l’orge ou encore le blé. En outre, ces dernières n’ont pas souffert d’un excès d’eau comme cela peut être le cas certaines années.
« Pour les cultures pluviales que l’on sème à l’automne et qu’on récolte au printemps, la situation n’est pas trop catastrophique », explique à BFMTV Thierry Caquet, Directeur scientifique Environnement de l’Inrae dans notre podcast Le Titre à la Une.
Un développement plus lent des fruits et légumes
Toutefois, c’est au niveau de l’arboriculture que les premiers effets de cette sécheresse hivernale se font ressentir. En fin d’hiver ou en début de printemps a lieu le débourrement, où les bourgeons commencent leur développement. « Ce printemps, on devrait avoir un débourrement plus étalé dans le temps car les arbres devraient avoir du mal à mobiliser l’eau pour leur croissance », explique Guillaume Charrier.
Conséquence: les arbres ont un développement plus lent et tardif. Si cela a un aspect positif concernant la crainte des gelées tardives puisque la végétation est moins en avance que les années précédentes, et donc moins vulnérable, sur le front de la sécheresse, cela s’annonce plus compliqué.
« Il y a un risque de débourrement tardif où les arbres vont puiser de l’eau à une période plus tardive », explique le chercheur à l’Inrae. Ainsi, les végétaux auront besoin davantage d’eau, dans une période plus chaude en termes de températures, ce qui peut entraîner des problèmes de fructification.
« Les plantes vont d’autant plus transpirer et donc avoir encore besoin de plus d’eau ce qui peut limiter leur photosynthèse », poursuit Guillaume Charrier.
Pour Kévin Houmar, maraîcher à Saint-Paër (Seine-Maritime), les conséquences de la sécheresse sont déjà visibles. « La taille habituelle du radis c’est à peu près une balle de tennis. Là, aujourd’hui, on arrive à en avoir quelques-uns, mais très peu par rapport à ce que l’on a habituellement », explique-t-il.
L’azote se dissout « dans des sols humides »
En outre, le manque d’eau dans les sols pose d’ores et déjà problème en ce qui concerne l’apport d’azote pour les cultures. En effet, les agriculteurs utilisent des granules d’azote pour la nutrition des végétaux, pour les aider à pousser et à se développer.
« Elles doivent se dissoudre dans des sols humides », explique Guillaume Charrier.
Ainsi, le stress hydrique actuel complique cet apport d’azote et la pluie est nécessaire pour valoriser cet apport.
Des réserves en eau limitées
Si les conséquences négatives de la sécheresse hivernales sur les cultures restent pour le moment limitées, les périodes de printemps et d’été inquiètent davantage. En effet, l’automne et l’hiver constituent une période de recharge pour les nappes phréatiques et autres réserves en eau.
« Là où on est inquiets, c’est pour les cultures d’été et les fruits et légumes où on a besoin d’eau au printemps et en été, au moment où elle est la plus rare et donc que l’irrigation est indispensable », déplore Thierry Caquet.
« Il nous faut penser l’irrigation plus sobre: plus comme le moyen d’être au maximum de la production mais pour sécuriser la production », complète-t-il.
Avant même les fortes chaleurs de l’été, les réserves d’eau peuvent également aussi servir pour protéger les bourgeons par aspersion lors des périodes de gelées, détaille Guillaume Charrier.
Le problème des semis
La perspective de sols secs et d’absence de pluies impacte également les cultures de printemps, celles qui ne sont pas encore semées. Actuellement, la France connaît une sécheresse météorologique: il y a un déficit de précipitations.
Toutefois, si la situation perdure lorsque les températures augmentent, avec une évaporation de l’eau dans les sols et les plantes vont pomper l’eau des sols, on entrera dans une phase de sécheresse agronomique: des sols trop secs qui ne permettent pas de faire des cultures.
Dans l’Ariège, Nicolas Pujol utilise l’eau du lac artificiel de Monel pour ces terres. Aujourd’hui, il est déjà quasiment à sec. « On on a diminué notre assolement en cultures irriguées, on le substitue par du tournesol, du sorgho… Des cultures qui demandent peu ou pas d’eau », explique-t-il au micro de BFMTV.
« Dans certains secteurs, il y aura même de la jachère, des secteurs qui ne seront pas exploités », regrette-t-il.
Pour éviter une sécheresse cet été, il est donc nécessaire qu’il pleuve. Toutefois, toutes les précipitations ne se valent pas. « Les pluies faibles et étalées dans le temps sont en général plus efficaces », rappelle Guillaume Charrier, les précipitations intenses sur des sols secs ne pouvant pénétrer en profondeur.
Selon les récentes prévisions de Météo-France, il devrait y avoir des « précipitations plus marquées » sur le pays dès le début de la semaine prochaine.
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