Dans le bassin d’Arcachon, plusieurs milliers d’habitants sont contraints de fuir les feux qui ont déjà ravagé 15.500 hectares de forêt en Gironde. Un crève-coeur pour certains. Comment réagissent les pompiers lorsque des habitants refusent de quitter les lieux, malgré le danger?
Quelques affaires sous le bras, des milliers d’habitants se voient forcés de laisser derrière eux leur maison, menacée par les flammes depuis mardi. Les évacuations se multiplient dans le bassin d’Arcachon, à mesure que progressent les deux gigantesques incendies qui touchent la Gironde.
« La situation est très compliquée, (…) le vent permet l’extension du feu », a fait savoir la préfète Fabienne Bucccio lundi après-midi, précisant que plus de 30.000 personnes avaient ainsi été évacuées de façon préventive depuis la semaine dernière, dont 16.000 uniquement ce lundi.
Prévenir la population suffisamment en amont
Mais laisser son logement derrière soi représente souvent un crève-cœur pour certains habitants, et les évacuations peuvent parfois se révéler plus compliquées que prévues. Alors, dans quelle mesure les pompiers et les autorités, peuvent-elles contraindre une population à évacuer en cas de danger, comme c’est le cas lorsque menace un feu de forêt?
« En cas de feux de forêt, la population évacue avec relativement de facilité », explique à BFMTV.com Mathias Lavolé, ingénieur en prévention des risques à l’IRMA (l’Institut des risques majeurs de Grenoble), une association qui sensibilise les populations aux risques majeurs et co-écrit les guides de prévention pour le ministère de l’Intérieur.
Selon lui, « dans 80 à 90% des cas, les gens comprennent que leur vie est en danger. Mais il peut arriver que ce soit trop dur psychologiquement pour certaines personnes, qui pensent être solidaires du bâtiment ou pouvoir le protéger en restant à l’intérieur. Ce qui n’est pas le cas ».
« Ce qui fait la différence, c’est quand les pompiers ont le temps de prendre contact avec les gens et de leur expliquer le pourquoi du comment, ça facilite le processus. L’objectif, c’est de prévenir la population suffisamment en amont ».
Engager une discussion avec les récalcitrants
Mathias Lavolé explique que si la discussion suffit la plupart du temps, il peut parfois s’avérer ardu de convaincre des familles de laisser leur maison derrière eux. « On commence d’abord par envoyer un sapeur-pompier, puis deux, puis un responsable pour parler avec les habitants récalcitrants. Les élus, de préférence le maire, peuvent venir dans un second temps pour essayer de raisonner la personne. C’est un fonctionnement en cascade ».
Jean-Marc Pelletant, maire de Landiras (Gironde), a par exemple passé sa journée à « essayer de convaincre » les habitants de sa commune de 2000 habitants de quitter les lieux.
« J’ai réussi à en convaincre une bonne soixantaine mais je n’ai pas réussi à convaincre tout le monde », souffle l’élu. Certains « n’ont pas envie », il n’y en a pas beaucoup mais il y a des personnes âgées qui n’ont pas envie de bouger, qui disent: ‘On en a vu d’autres, et on ne nous a pas évacué pour autant’. J’ai essayé de les raisonner mais il n’y a pas d’obligation… Quand ça veut pas, ça veut pas ».
Si rien n’y fait et que les habitants restent indélogeables alors que le danger est proche, les sapeurs-pompiers déploient alors un dispositif spécifique, ne serait-ce que le temps de parvenir à les convaincre de partir. « C’est vraiment la solution de dernier recours », souligne Mathias Lavolé.
Une équipe et un véhicule de sapeurs-pompiers viennent alors spécifiquement sur zone en renfort, sur ce qui est appelé une « défense de point sensible ». Celles-ci sont mises à disposition en complément des équipes qui luttent sur le front des incendies, et veillent à des opérations de « sécurisation » et de protection des habitants, par le biais d’opérations de refroidissement des façades de l’habitation par exemple.
Sur le plan légal, le maire dispose quant à lui de certains outils pour « prévenir les actes de petite délinquance, les incivilités et les comportements irritants dans le cadre de ses pouvoirs de police », comme le rappelle Mathias Lavolé. Il peut ainsi user d’un « rappel à l’ordre » pour réprimander des actes qui ne méritent pas d’être traduits en justice mais doivent être réprimandés, dans le but d’éviter la récidive.
L’évacuation forcée, le dernier recours
Et dans un second temps, avec l’accord du procureur de la République, le maire peut même engager une évacuation forcée d’un bâtiment à l’aide des forces de l’ordre. Toutefois, rappelle cet expert, « cela peut sembler difficile à réaliser dans des délais contraints, sans s’exposer ou exposer les forces de l’ordre à un risque ».
Pour cela, explique Mathias Lavolé, de nombreuses communes font signer une décharge aux habitants refusant d’évacuer, dans le but de perdre le moins de temps possible. En effet, négocier pendant 10 minutes avec une personne refusant d’évacuer son logement retarde en cascade de 10 minutes l’alerte ‘évacuation’ de la personne suivante. L’idée est ensuite que l’élu se rende de nouveau sur place avec les forces de l’ordre pour procéder à une évacuation forcée.
« On en arrive tout de même rarement là », note l’ingénieur de l’INRA. « Ce qui arrive plus souvent en revanche, c’est qu’on ait du mal à convaincre les gens dans un premier temps et qu’on perde trop de temps. Que les habitants soient contraints d’évacuer un poil trop tard, donc dans de mauvaises conditions. Lorsque la fumée toxique est devenue trop épaisse notamment ».
Dans le cas où votre commune ou quartier est soumis à une obligation d’évacuer, il est recommandé de couper le gaz et l’électricité avant de partir; de fermer les volets, notamment ceux en bois ainsi que toutes les portes à l’intérieur de l’habitation; et de prendre les animaux domestiques dans la mesure du possible. Mathias Lavolé conseille également, dans le cas où les délais le permettent, de prendre ses papiers d’identité, de l’argent, des médicaments et ordonnances, et dans une moindre mesure quelques vêtements, des snacks et un peu d’eau, ainsi qu’un nécessaire de toilette.
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