Carlos Tavares a expliqué hier qu’il ne produirait pas la future Peugeot 208 électrique en France car c’est beaucoup trop cher selon lui. Le ministre de l’Economie lui demande de relever le défi. Renault veut relever le défi avec la R5 électrique à Douai.
Comment produire de manière rentable des petites voitures électriques en France? C’est le fond de la passe d’armes qui oppose depuis ce mercredi Bruno Le Maire et Carlos Tavares.
Le patron de Stellantis a expliqué hier qu’il ne produirait pas la future Peugeot 208 électrique en France car c’est beaucoup trop cher selon lui. Le ministre de l’Economie lui a demandé de relever le défi, mettant notamment en avant la stratégie de Renault. La marque au losange va fabriquer sa R5 électrique à Douai (Nord).
Renault, Stellantis, deux stratégies
Derrière cette joute verbale par médias interposés, ce sont deux modèles de production différents qui sont au coeur des débats. Et donc une vision différente de la rentabilité. Pour Renault, la transition vers l’électrique sera une transition made in France.
Toutes les voitures électriques du groupe -hormis la Dacia Spring qui est fabriquée en Chine- vont être produites dans le nord de la France dans le pôle Electricity, un pôle qui compte trois usines à Maubeuge, Ruitz et Douai. C’est justement dans cette ville que va être produite la fameuse petite R5 électrique à partir de l’année prochaine. Son prix n’est pas encore officiel mais il devrait tourner autour de 25.000 euros.
Le pôle Electricity, c’est la pierre angulaire d’Ampere la filiale 100% électrique que Renault est en train de constituer et qui devrait être introduite en bourse l’année prochaine.
Chez Stellantis, on n’a donc pas fait le même choix. La Peugeot 208 électrique est fabriquée en Espagne, la Citroën C3 électrique en Slovaquie. « Si on prend l’exemple de Citroën, nous fabriquons C5 Aircoss à Rennes, le remplaçant de ce modèle qui arrive d’ici 2 ans aura des versions 100% électrique, donc nous sommes capables de fabriquer des voitures à forte valeur ajoutée, électriques ou pas, en France, se défend ce jeudi sur BFM Business Thierry Koskas, le nouveau directeur général de Citroën. Et cela se fait de manière profitable ». Mais l’équation sur les petites voitures est tout autre.
Pourquoi ce choix?
Pour Carlos Tavares, la structure de coûts du monde occidental est parfaitement inadaptée pour se mesurer avec celles des constructeurs chinois qui arrivent en Europe avec des coûts inférieurs de 20 à 25%. « L’équation économique liée à la relocalisation forcée de ce projet ne serait ni dans l’intérêt de l’entreprise, ni dans celui du pays », a-t-il asséné dans une interview au Figaro.
Une équation impossible à résoudre selon lui en localisant la production de l’e-208 en France.
« Pour les petites voitures, c’est plus de challenge car le contenu des petites voitures est plus contraint, les marges sont plus contraintes, et donc les coûts de production sont un élément très important », poursuit Thierry Koskas.
Cette question des coûts de production a pour conséquence directe le prix de vente, selon les dirigeants de Stellantis. Or, la réussite de la transition énergétique repose sur le prix des véhicules se fera. Il s’agit donc de profiter de structures de coûts low-cost pour proposer dze modèles à des prix attractifs mais cela ne veut pas forcément dire la Chine, explique Carlos Tavares, ça peut être proche de l’Europe ou même en Europe. Comme l’Espagne.
Il faut aussi rappeler que Stellantis est un groupe beaucoup plus porté sur l’international que Renault. Stellantis comme disent certains dans le milieu de l’automobile, « c’est la World Company » avec 14 marques. Des marques françaises bien sûr (Peugeot, Citroën) mais aussi italiennes avec Fiat et Alfa Romeo ou encore américaines avec Dodge, Jeep et Chrysler.
Pour autant, Stellantis tempère l’idée d’un désamour entre le groupe et la France. On rappelle que le constructeur a investit 2 milliards d’euros en France, compte 12 usines dans l’hexagone et qu’il va produire 12 modèles électriques en France d’ici 2025 parmi lesquels la Peugeot e-308 et la Peugeot e-408. Mais pas de petites voitures.
Pas de désamour entre Stellantis et la France
D’ailleurs, Renault, même s’il a choisi de produire sa R5 en France, ne dit pas l’inverse. Oui ça coûte plus cher de produire une voiture en France qu’en Slovaquie ou qu’en Chine.
On peut évidemment essayer de réduire les coûts en fabriquant des voitures moins compliquées avec moins de pièces, moins de puces mais ça ce sont des recettes que tous les constructeurs connaissent, y compris Carlos Tavares.
Luca de Meo et le patron de Stellantis sont en fait sur la même longueur d’onde, ils font le même constat: l’Europe et la France, en faisant le choix du 100% électrique, sont en train de dérouler un tapis rouge aux constructeurs chinois, d’ouvrir grand les portes du marché à BYD, à MG, et cela sans protéger ses constructeurs.
« Je suis également content que l’on puisse dire que la future C3 électrique, ‘ok elle n’est pas fabriquée en France mais c’est une fabrication européenne’. N’oublions pas que nous sommes face à une offensive chinoise de grande ampleur, résume Thierry Koskas. C’est à ça que nous avons à faire face ».
L’Etat doit faire sa part
S’ils partagent le même constat, Renault et Stellantis n’en tirent pas les mêmes conconclusions. Chez Renault, on explique qu’on fait un pari avec la R5 électrique, on joue le jeu du made in France, mais l’Etat doit aussi faire sa part du job. Traduction, donner un coup de pouce aux constructeurs français en faisant en sorte par exemple que le bonus écologique ne puisse pas bénéficier à des voitures chinoises.
Le message de Carlos Tavares à l’Etat est peut-être le même, ‘je ne relocalise pas ma production tant que vous ne mettez pas les moyens’. Faut-il alors parier sur un changement de cap?
« Un dialogue a lieu, avec beaucoup de respect de part et d’autre », précise Carlos Tavares qui ne ferme donc pas complètement la porte. Selon Les Echos, des tractations étaient toujours en cours entre l’Etat et Stellantis sur une possible relocalisation de la production de la 208 électrique en France. « C’est un fait que nous discutons continûment avec nos principales parties prenantes, y compris les gouvernements de nos pays d’origines que sont la France, l’Italie et les Etats-Unis », explique Carlos Tavares. Qui s’interroge: « Demande-t-on à Elon Musk ou à BYD de fabriquer des voitures du segment B en France quand on cherche à les y attirer? »
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