Après le troisième 49.3 enclenché par Élisabeth Borne, les insoumis ont déposé une nouvelle motion de censure pour s’opposer au gouvernement. Mais cette fois-ci, ils sont seuls à la manœuvre. Sa très faible probabilité d’être adoptée couplée au coup politique de Marine Le Pen ont refroidi les ardeurs de la Nupes.
Une chorégraphie différente. Après le dépôt de deux motions de censure de la Nupes la semaine dernière suite aux recours au 49.3 portés par Élisabeth Borne, les socialistes, les écologistes et les communistes ne signeront pas pas celle qui sera uniquement déposée par La France insoumise. De quoi enfoncer un coin dans l’unité de la gauche, déjà mise à mal ces dernières semaines.
« Le gouvernement cherche à banaliser le 49.3 pour en faire un instrument de gestion ordinaire. Nous ne voulons pas, parallèlement, banaliser la motion de censure qui doit demeurer un acte solennel », a avancé Olivier Faure, le Premier secrétaire du PS dans les colonnes de Libération ce lundi.
« On ne va pas déposer une motion de censure à chaque fois »
Les socialistes avaient pourtant signé les précédents textes déposés conjointement par la Nupes, tout comme l’ensemble des forces de gauche. Ce dispositif, cité par l’article 49 de la Constitution, est le principal moyen pour les parlementaires de faire entendre leur désapprobation vis-à-vis de l’exécutif. Si 289 députés votent en sa faveur, soit la majorité absolue de l’Assemblée nationale, elle provoque dans la foulée la démission de la Première ministre et de son gouvernement.
Pour expliquer cette décision, plusieurs pointent l’agenda du gouvernement. Les 49.3 devraient encore se multiplier dans les prochains jours avec le retour du budget 2023 dans l’hémicycle et le projet de loi de finances de la Sécurité sociale rectificatif.
« On ne va pas déposer une motion de censure à chaque fois. On pourrait avoir en tout près de vingt 49.3 entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Imaginez un peu si on dépose un texte qui, à chaque fois, finit par un rejet. Ce serait ridicule », décrypte le député PS Philippe Brun auprès de BFMTV.com.
« Pas les forces pour renverser le gouvernement »
En filigrane, c’est la crédibilité de la Nupes qui se joue alors que l’adoption de la future motion de censure semble quasi impossible. Lundi dernier, 239 députés ont voté pour la motion de censure lié au budget 2023, loin des 289 voix nécessaires donc, malgré le soutien du RN. Quelques heures plus tard, même scénario: la motion liée au projet de loi de finances de la Sécurité sociale n’a recueilli que 150 voix.
« On doit être dans le temps long et on ne peut pas dire tous les jours qu’on va renverser le gouvernement si nous n’avons pas les forces parlementaires pour le faire. Ce n’est pas sérieux », avance le député communiste, Sébastien Jumel.
Le coup politique de Marine Le Pen a aussi pesé lourdement dans la balance. À la surprise générale, la patronne des députés RN a finalement annoncé dans l’hémicycle lundi dernier qu’elle voterait en faveur de la motion de censure de la Nupes « parce que seul l’intérêt national guide les paroles et les actes » de ses élus. L’ancienne candidate à la présidentielle expliquait pourtant quelques jours plus tôt sur BFMTV qu’elle ne la voterait pas « a priori ».
« Pas là pour servir les coups tordus de Le Pen »
De quoi faire grincer des dents à gauche et offrir un angle d’attaque tout trouvé à Emmanuel Macron. Le président a pointé mercredi soir sur France 2 « le cynisme » et « le désordre » de la Nupes, « main dans la main » avec le RN. L’ex patronne du RN n’a pas encore annoncé si son groupe voterait celle de lundi prochain.
« Que le RN ait pu voter un texte dont, nous, les écologistes avons été signataires, j’en ai eu la boule au ventre. On n’est pas là pour servir de prétexte aux coups tordus de Marine Le Pen », explique Benjamin Lucas, député écologiste.
Une partie des socialistes anti-Nupes, tout comme le chef de l’État et Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur ont accusé l’union de la gauche d’avoir passé un accord avec Marine Le Pen. La gauche a eu beau fermement démentir- Cyrielle Chatelain, la présidente du groupe écologiste allant jusqu’à parler de « fake news et l’Élysée rétropédaler – la Nupes veut à tout prix refermer cette séquence.
« Nous n’avons aucune leçon de morale à recevoir de la macronie qui a fait voter quasiment tous ces textes avec les voix du RN depuis le début de la mandature et qui n’a pas hésité à appeler à faire battre des candidats Nupes contre des représentants du RN », tance Philippe Brun.
« Liberté de pensée » des élus Nupes
Du côté de La France insoumise, on assume le dépôt de cette nouvelle motion de censure, renvoyant la balle à Élisabeth Borne. Un sondage Ifop a d’ailleurs semblé validé cette opposition frontale. D’après l’institut de sondages, 36% des Français considérent la Nupes comme « la meilleure alternative à la majorité relative » d’Emmanuel Macron.
« Plutôt que de se demander si le dépôt des motions de censure est légitime, il faut plutôt se demander si le recours à trois 49.3 en une semaine est normal. Et c’est un débat très sain que chacun au sein de la gauche ait sa liberté de pensée », répond la députée insoumise Caroline Fiat.
Si les insoumis font contre mauvaise fortune bon cœur, c’est aussi parce qu’il est possible que les écologistes, les communistes et les socialistes votent ce texte. Olivier Faure a d’ailleurs veillé à arrondir les angles. « Bien sûr » que « cela ne signe pas la fin de la Nupes », a ainsi assuré le patron des socialistes auprès de Libération. La danse à 4 continue.
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