peut-on prévoir le passage à l'acte d'un proche souffrant de "troubles psychiatriques avérés"?

L’adolescent de 16 ans, suspecté d’avoir poignardé sa professeur mercredi à Saint-Jean-de-Luz, a indiqué aux enquêteurs que des voix lui avaient intimés de passer à l’acte, et qu’il était « possédé ».

Mercredi, une enseignante d’espagnol a été poignardée à mort alors qu’elle faisait cours au lycée Saint-Thomas-d’Aquin à Saint-Jean-de-Luz (Pyrénées-Atlantiques). Le suspect, dont la garde à vue a été prolongée ce jeudi, est un adolescent de 16 ans, scolarisé dans le même établissement.

Peu après les faits, ce dernier a déclaré aux enquêteurs qu’il avait entendu des « voix » et qu’il était possédé. Le procureur de la République de Bayonne, Jérôme Bourrier, a détaillé ce jeudi que lors des auditions, l’adolescent a évoqué « une petite voix qui lui parle, un être qu’il décrit comme égoïste, manipulateur, égocentrique, qui l’incite à faire le mal et qui lui avait suggéré la veille de commettre un assassinat ».

Des déclarations appuyées par une source proche de l’enquête auprès de BFMTV: l’adolescent souffre de « troubles psychiatriques avérés« .

Une bouffée délirante aiguë

Mais dans ce contexte, que se cache-t-il derrière ces « troubles psychiatriques avérés »? Sur notre antenne, la psychologue clinicienne Johanna Rozenblum indique que « tout exprime la notion de bouffée délirante aiguë ».

« La personne est soumise à des hallucinations, elle peut entendre des voix, elle peut voir des choses, avoir des sensations corporelles inhabituelles… Mais aussi avoir des idées délirantes, comme être contrôlée par une pensée ou la voix de quelqu’un d’autre », note la spécialiste.

Contactée par BFMTV.com, la pédopsychiatre Christine Barois rappelle que la manifestation d’une bouffée délirante chez un adolescent « n’est pas un événement inédit », et le site Santé.fr, rattaché au gouvernement, précise que ces bouffées « surviennent le plus souvent chez des adolescents et des jeunes adultes ».

« Un passage à l’acte de la sorte, gravissime, est exceptionnel », tient cependant à préciser Christine Barois.

« Un coup de tonnerre dans un ciel serein »

Mais bien que documentés et connus des spécialistes, ces troubles sont difficilement identifiables en amont par l’entourage. Les élèves du lycée Saint-Thomas-d’Aquin ont tous fait part de leur consternation concernant le possible passage à l’acte de leur camarade, qui bien qu’ayant quelques difficultés de sociabilisation, ne laissait en rien présager qu’il pouvait devenir violent.

« Une bouffée délirante, c’est un coup de tonnerre dans un ciel serein, selon la définition de la pathologie. Il est donc difficile de prédire quand cela va se produire », note Christine Barois.

Quelques signes avant-coureurs peuvent tout de même se manifester, notamment lors de la phase appelée prodromique, qui précède la bouffée. Santé.fr relève que « dans les jours précédant la bouffée délirante, la personne ne dort plus ou très peu ».

Johanne Rozenblum évoque « des symptômes sous-jacents assez discrets », qui « peuvent être repérables par les proches, comme une espèce de bizarrerie dans le langage, une étrangeté dans le comportement ».

Diagnostic plus difficile chez des adolescents

Dans le cadre du drame qui s’est déroulé à Saint-Jean-de-Luz, où le suspect est un adolescent, ces premiers signes ont pu passer inaperçue de par son âge.

« Il peut être difficile pour les parents de s’en rendre compte en amont. Il peut y avoir, avant la bouffée délirante, un changement du comportement. Mais à l’adolescence, de tels changements ne sont pas rares. Les parents n’ont donc pas le réflexe de penser que leur enfant peut avoir une bouffée délirante car il agit de manière anormale », indique Christine Barois à BFMTV.com.

Même constat dressé par le pédopsychiatre Jean-Marc Ben Kemoun, expert près la cour d’appel de Versailles. « S’il y a des signes avant-coureurs, nos proches peuvent passer à côté. Ils peuvent trouver que les bizarreries, ça faire partie de notre caractère. Il y a une compliance du milieu familial avec certains de nos troubles », déclare-t-il sur notre antenne.

Ainsi, auditionnée par les enquêteurs, la mère de l’adolescent suspectée dans le meurtre à Saint-Jean-de-Luz a indiqué aux enquêteurs que son fils lui avait évoqué à une reprise la présence d’une « voix », sans qu’elle n’y prête grande attention.

Des personnes en « grande vulnérabilité individuelle »

Existe-t-il un public plus prédisposé à ces bouffées délirantes? Christine Barois le confirme, et évoque « des jeunes qui ont une grande vulnérabilité individuelle, qui peut être due à des traumatismes durant l’enfance, un entourage absent… ». La pédopsychiatre pointe également du doigt le rôle du cannabis, « qui peut augmenter de 40% les risques de voir apparaître des bouffées délirantes ».

Ce jeudi, le procureur de la République de Bayonne, Jérôme Bourrier, a révélé que l’adolescent mis en cause à Saint-Jean-de-Luz avait subit des faits de harcèlement dans son précédent collège, « qui l’auraient beaucoup affecté ».

« Il était suivi par un médecin psychiatre. Il avait réalisé au mois d’octobre 2022 une tentative de suicide médicamenteuse, et depuis, il faisait l’objet d’une prescription d’antidépresseurs », a ajouté le procureur.

L’adolescent de 14 ans est à l’heure actuelle encore entendu par les enquêteurs, montrant que son état psychique lui permet néanmoins de comprendre et de répondre aux questions des policiers.

« Cela nous dit qu’il est sorti d’un état de crise aiguë », conclut Johanna Rozenblum.

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