Le procès de Jean-Marc Reiser pour l’assassinat de Sophie Le Tan s’ouvre ce lundi à Strasbourg. Le meurtrier présumé a déjà un lourd casier judiciaire à son nom.
Le 19 septembre 2018, les journaux titrent sur le placement en détention provisoire d’un suspect dans l’affaire Sophie Le Tan. Un homme « au profil très inquiétant », ou « aux lourds antécédents judiciaires », précisent-t-il, selon la formule choisie.
Le mis en examen est finalement renvoyé devant la cour d’assises du Bas-Rhin pour l’assassinat de l’étudiante de 20 ans, tuée après avoir répondu à une petite annonce pour un appartement à Schiltigheim, en banlieue de Strasbourg.
Ce lundi s’ouvre le procès de Jean-Marc Reiser, son assassin présumé. Alors qu’il encourt la réclusion criminelle à perpétuité, son casier judiciaire regorge déjà de nombreuses mentions, allant du vol simple au viol.
À l’origine, des photos à caractère pornographique
Juin 1997. Au hasard d’une simple opération de contrôle à Villers-le-Lac (Doubs), les douaniers font une découverte qui n’a, elle, rien de banal: dans le coffre de l’un des véhicules qu’ils arrêtent, ils tombent sur un scalpel, un couteau, une cagoule et des menottes, ainsi que plusieurs armes à feu.
Encore plus glaçant, ils découvrent trois clichés à caractère pornographiques, présentant des mises en scène scabreuses de femmes nues, qui semblent endormies ou inconscientes, visiblement violées à l’aide de différents objets.
Le propriétaire du véhicule s’appelle Jean-Marc Reiser, 37 ans à l’époque des faits. Les photos? Réalisées avec des prostituées à Prague, avec leur consentement, prétend-il. Or, après vérification, l’une des femmes identifiées sur les clichés est une ancienne maîtresse du suspect. Interrogée, celle-ci déclare, choquée, n’avoir aucun souvenir d’avoir été photographiée et mise en scène d’une telle manière.
Condamné pour deux viols
En creusant dans le passé de Reiser, les enquêteurs font également le lien avec une plainte pour viol déposée par une touriste allemande qui faisait de l’auto-stop dans les Landes en 1995. Le suspect s’y trouvait au même moment, en vacances. La plaignante finit d’ailleurs par identifier Jean-Marc Reiser sur les portraits qu’on lui présente.
S’il reconnaît avoir drogué son ex-maîtresse pour réaliser un fantasme, le suspect nie formellement avoir violé la seconde plaignante. Malgré tout, il est mis en examen puis jugé, en 2001, pour les deux viols. Plusieurs de ses anciennes compagnes décrivent par ailleurs des scènes d’une violence inouïe. L’une d’elles dit avoir été traînée par Jean-Marc Reiser en forêt pour y être battue pendant près d’une heure.
« C’est l’un des dossiers les plus compliqués que j’ai eus à plaider », déclare son avocat de l’époque, commis d’office, Me Jean-Pierre Degenève, contacté par BFMTV.com.
« À l’époque, je faisais beaucoup d’assises. Mais Jean-Marc Reiser était tout à fait à part dans mes clients. Il était très directif, exigeait que je fasse ci ou ça, refusait de négocier. »
« Comment pouvez-vous dire que c’est moi! »
L’avocat relate un épisode advenu au cours des audiences: « La jeune Allemande avait eu un courage incroyable. Le président lui a demandé de se tourner vers Reiser, de le regarder, et de dire s’il s’agissait de son violeur. Elle s’est retournée vers lui et a dit ‘Oui, c’est bien lui’. À ce moment-là, il s’est emporté, lui a demandé de le regarder de nouveau en disant ‘Comment pouvez-vous dire que c’est moi!’. Mais elle était catégorique. »
À l’issue de ce procès, Jean-Marc Reiser écope de 15 ans de réclusion criminelle, une peine confirmée en appel l’année suivante.
À un dossier déjà chargé s’ajoutent différents délits pour lesquels Jean-Marc Reiser a également fait de la prison. Une tentative d’évasion rocambolesque du tribunal de justice de Besançon lui vaut 8 mois de détention en 2000. Il écope de deux ans, puis quatre mois de prison ferme pour des cambriolages de cabinets vétérinaires en 2012 et 2016 – des produits anesthésiants avaient été retrouvés chez lui. Sept mois pour recel de vol en 2017, puis six mois pour tentative de subornation de témoin, en mai dernier.
« Son casier judiciaire montre que c’est un criminel très dangereux », estime Me Gérard Welzer, avocat de la famille de Sophie Le Tan, interrogé par BFMTV.com.
Une connaissance parfaite de ses dossiers
Diplômé de l’Institut régional d’administration de Bastia à l’âge de 35 ans, Jean-Marc Reiser avait repris des études d’archéologie avant d’être interpellé dans le cadre de l’affaire Sophie Le Tan. Les avocats qui ont croisé sa route, et aux côtés desquels il a consciencieusement préparé chacune de ses comparutions, le décrivent comme « méthodique », « autoritaire », « d’une grande intelligence ».
Me Eric Braun a assuré sa défense, aux côtés de Me Jocelyne Klopfenstein, lorsque Jean-Marc Reiser a été jugé pour le meurtre de Françoise Hohmann – une jeune Alsacienne disparue en 1987, jamais retrouvée. « La première fois que je l’ai rencontré, c’était en maison d’arrêt, à quelques semaines du procès », entame-t-il, interrogé par BFMTV.com.
« C’était quelqu’un avec qui l’on pouvait travailler. Parfois, les clients ne comprennent pas le dossier volumineux avec lequel on arrive. Lui avait fait quelques études, il était très impliqué et contestait sa culpabilité avec véhémence. On avait épluché une à une les pièces du dossier », se souvient Me Eric Braun.
Un travail de fourmi qui avait valu à son ancien client d’être acquitté, laissant les parties civiles démunies. Aujourd’hui encore, les proches de Françoise Hohmann se disent convaincus de l’implication de Reiser dans cette disparition jamais résolue.
L’affaire Hohmann, angle mort du parcours de Reiser
Un matin de septembre 1987, Françoise Hohmann, commerciale de 23 ans, entame un porte-à-porte pour vendre des aspirateurs pour le compte de la boîte qui l’emploie. Direction un immeuble strasbourgeois. Mais après cela, la jeune femme se volatilise. Seule sa voiture est retrouvée, trois jours plus tard, dans le quartier de la gare.
Remontant le fil de la dernière journée où Françoise Hohmann a été vue vivante, les enquêteurs finissent par interroger l’ultime client chez qui elle est venue toquer… un certain Jean-Marc Reiser.
À l’époque, les preuves ne sont cependant pas suffisantes pour conclure à son implication. L’affaire n’est relancée qu’une dizaine d’années plus tard, quand le suspect est de nouveau interrogé, cette fois pour les viols commis sur son ex-maîtresse et l’auto-stoppeuse.
Un acquittement malgré les doutes
Malgré l’absence de corps et les dénégations du suspect numéro 1, ce dernier est renvoyé devant les assises en 2001 pour la disparition de Françoise Hohmann. Les avocats de la partie civile construisent un dossier le plus solide possible, mettant en avant le faisceau d’indices désignant Jean-Marc Reiser comme le coupable.
Parmi les arguments avancés, un constat fait dans le véhicule de Françoise Hohmann: le siège conducteur est totalement reculé, tandis que la victime ne mesurait que 1m63. Jean-Marc Reiser, lui, est très grand.
« Ça ne suffisait pas à condamner un homme à 30 ans de réclusion criminelle », déclare Me Eric Braun. Les jurés sont du même avis: après deux heures de délibération, ils prononcent l’acquittement.
« Deux jeunes femmes… à 30 ans d’intervalle »
« À l’époque, il n’y avait pas de portable ou de géolocalisation, pas d’analyse ADN », justifiait de son côté Me Valérie Gletty, en 2018, au micro de France Bleu Alsace. L’avocate représentait la famille de Françoise Hohmann lors du procès.
« Nous avons, à trente ans d’intervalle, deux jeunes femmes qui ont sonné à l’appartement de Jean-Marc Reiser, et qui potentiellement n’en sont jamais ressorties vivantes », poursuivait au micro de nos confrères l’avocate, toujours intimement convaincue de l’implication de l’Alsacien dans l’affaire.
Définitivement acquitté, Jean-Marc Reiser ne pourra plus jamais comparaître pour le meurtre de Françoise Hohmann. Mais le dossier a été rouvert sous d’autres chefs, notamment de « recel de cadavre », en 2019, donnant l’espoir aux parties civiles de pouvoir, 35 ans plus tard, y mettre un point final.
Concernant l’assassinat de Sophie Le Tan, si les jurés valident la préméditation – ce que Jean-Marc Reiser nie toujours – le criminel, représenté par Me Pierre Giuriato et Me Francis Metzger, pourrait écoper d’une peine de réclusion à perpétuité.
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