AVIS D’EXPERT. La Métropole du Grand Paris a lancé la consultation du public avant d’interdire les véhicules Crit’Air 3, à partir du 1er janvier 2025. Les documents présentés montrent que les ménages franciliens les plus précaires sont ciblés par cette mesure.
En regardant les chiffres au niveau de la Métropole du Grand Paris ou de la région Ile-de-France, un observateur ne peut absolument pas comprendre l’impact du durcissement de la Zone à faibles émissions (ZFE), avec l’interdiction des véhicules particuliers Crit’Air 3.
En effet, il semble que 19% des véhicules qui circulent en Ile-de-France soit Crit’Air 3. C’est déjà énorme puisque cela signifie qu’un véhicule sur 5 ne pourra plus circuler à l’intérieur de l’A86 (un axe de transit exclu de ce dispositif) avec la ZFE-m de la Métropole du Grand Paris, du lundi au vendredi de 8h à 20h. Près d’un million de véhicules sont concernés en Ile-de-France!
Seulement, tous les Franciliens ne sont pas logés à la même enseigne… Déjà, au niveau départemental, 24% des véhicules particuliers en Seine-Saint-Denis, 22% dans le Val-d’Oise et 21% en Seine-et-Marne sont Crit’Air 3. Ils ne sont que 15% à Paris.
Les habitants de la Seine-Saint-Denis ciblés
En Seine-Saint-Denis, ce sont 134.850 véhicules particuliers (1) qui sont Crit’Air 3. Dans le Top 5 des communes franciliennes, elles font toutes partie du département et les compteurs s’affolent: Pierrefitte-sur-Seine (31%), L’île-Saint-Denis (28,8%), La Courneuve (28%), Bondy (27,6%) et Drancy (26,8%).
Malheureusement, l’immense majorité des ménages concernés par l’interdiction de circuler n’a pas les moyens financiers de changer de véhicule pour un Crit’Air 2 ou 1. Le revenu médian (qui partage la population en deux, avec la moitié qui gagne moins et l’autre plus) s’élève à 1.539 euros pour ce département francilien. Il est le plus bas de tous les départements métropolitains (2). Et il faut aussi avoir en tête que le prix des véhicules d’occasion a progressé de plus de 30% entre 2022 et juin 2024.
Santé ou liberté de circulation?
En Ile-de-France, la qualité de l’air s’est améliorée ces dernières années. Les véhicules les plus polluants, Crit’Air 4 et 5 sont déjà interdits de circulation. Cependant, selon les documents de la Métropole du Grand Paris, 5.000 Franciliens sont exposés au-dessus des seuils de dioxyde d’azote, à savoir 40 μg/m3. Airparif (3) estime que la mise en place de cette nouvelle étape de la ZFE-m (véhicules particuliers, utilitaires et bus) aurait le potentiel de réduire les polluants dans l’air de 4%. Par conséquent, l’interdiction de la circulation des véhicules Crit’Air 3 ne résout pas le problème de la pollution atmosphérique francilienne. La seule certitude est la privation de la liberté de circulation d’un million de ménages franciliens.
L’interdiction de circulation des véhicules Crit’Air 3 est injuste socialement, et peu efficace pour la réduction des polluants atmosphériques. Selon les chiffres de l’APUR, environ 405.000 travailleurs franciliens utilisent leur voiture Crit’Air 3 pour se rendre au travail dans la ZFE-m: « Leur forte propension à travailler en horaires décalés, pour partie en dehors des plages de fonctionnement des transports en commun, rend souvent la voiture indispensable » (4).
Durant l’épidémie Covid-19, ces travailleurs étaient « essentiels ». Avec la ZFE-m, ils sont devenus « accessoires » puisque leur sort n’intéresse personne. En 4 ans et demi, la Métropole du Grand Paris a aidé 6.000 ménages, très loin des enjeux exposés.
En conclusion, la Seine-Saint-Denis a fait rêver la France et le monde entier pendant les Jeux Olympiques. Pour 2025, un cauchemar se prépare pour les habitants de ce département, et tous les ménages franciliens modestes. Comment l’éviter?
D’une part, il est nécessaire de retarder l’entrée en vigueur de cette interdiction et surtout la verbalisation de 68 euros pour chaque infraction. D’autre part, il faut se préparer à aider près de 500.000 ménages franciliens pour ne pas les priver d’emploi ou de mobilité. Surtout pour les 100.000 ménages franciliens vivant sous le seuil de pauvreté. Trois milliards d’euros seraient nécessaires pour lutter contre la pollution de l’air et améliorer la santé des Franciliens, ainsi que d’éviter la paupérisation et l’assignation à résidence d’un demi-million d’habitants.
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(1) Mise en œuvre de la Zone Faibles Émissions Mobilité Métropolitaine, Parc de véhicules impactés par la 3ème étape de la ZFE-m — Métropole du Grand Paris, 2024; https://jeparticipe.metropolegrandparis.fr/media/default/0001/01/63253daf580c465ef26167caf6ad3093514fef69.pdf
(2) Les inégalités de revenus selon les départements – Observatoire des inégalités, 19/07/2023; https://www.inegalites.fr/Les-inegalites-de-revenus-selon-les-departements
(3) Étape « Crit’Air 3 » de la ZFE-m métropolitaine: Quels impacts attendus sur la qualité de l’air – Airparif, mai 2024; https://jeparticipe.metropolegrandparis.fr/media/default/0001/01/eeaea3a9c0e49975aaa30c3e5f7632695ace414e.pdf
(4) ZFE-mobilité dans la métropole du Grand Paris – APUR, août 2024; https://www.apur.org/sites/default/files/note257_zfe_mobilite_mgp_synthese_impacts.pdf?token=B7p7bPbU
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