Après avoir entamé sous très haute tension le projet de loi de finances lundi, plusieurs députés ont croisé le fer dans l’hémicycle. De quoi donner du relief à des débats qui devraient très probablement se finir par un 49.3.
Des débats pour décider de l’avenir budgétaire de la France, un gouvernement qui peine à convaincre sans majorité absolue, le très probable recours au 49.3… et des députés qui sortent de l’ombre. Depuis le début du projet de loi de finances le 10 octobre, plusieurs élus du palais Bourbon portent haut le verbe sur tous les bancs de l’hémicycle.
• Jean-René Cazeneuve
Le rapporteur général du budget a beau être l’un des piliers de la majorité, il reste très méconnu du grand public. Amateur d’un humour pince sans rire, c’est déjà lui qui était monté au créneau en juillet dernier lors du projet de loi de loi pouvoir d’achat. Il avait alors défendu la possibilité pour les employeurs de racheter les RTT de leurs employés – au grand dam de la gauche.
Cet ancien directeur général d’Apple France et de Bouygues Telecom fut l’un des bons soldats de la macronie lors du précédent quinquennat – apprécié à la fois d’Édouard Philippe et d’Emmanuel Macron.
Grand amateur d’Alexandre Dumas, le député du Gers a donné le ton, ratant rarement une occasion de pointer « les incohérences » de la gauche et sa « volonté d’obstruction ».
« La dernière fois qu’un budget a été jugé insincère par la Cour des comptes, c’était en 2017 quand la Nupes était au pouvoir. Le PS est dans la Nupes seulement quand ça vous arrange. Assumez l’héritage ou clarifiez la situation », a lancé Jean-René Cazeneuve au début des débats.
Le père du député Pierre Cazeneuve devra malgré tout faire preuve de souplesse alors que le gouvernement essaie toujours d’arrondir les angles avec les oppositions et montrer qu’il aura jusqu’au bout tenté de convaincre. Le Conseil des ministres a déjà autorisé le gouvernement à actionner le 49.3 « si la situation devait l’exiger ».
• David Guiraud
Cet ancien porte-parole jeunesse de La France insoumise a vite appris les codes de l’Assemblée nationale depuis son élection en tant que député en juin dernier. Ex assistant d’Éric Coquerel au Palais-Bourbon, il a enchaîné les discours offensifs qu’il manque rarement de partager sur son compte Twitter. Parmi ses cibles fétiches, on trouve le Rassemblement national.
« Jeudi, le RN a préféré fêter ses 50 ans plutôt que de voter sur la première partie du projet de loi de finances (en commission NDLR). J’espère que les pépitos étaient bons. Un petit conseil: si vous voulez avoir l’air sérieux, il ne suffit pas d’avoir une cravate au travail. Il faut aussi aller au travail! », a lancé l’élu du Nord à la tribune lundi, sous les huées du groupe de Marine Le Pen.
Avant de dénoncer « la pénurie de solidarité, de fraternité et de partage des richesses dans ce pays », visant la macronie.
« Depuis quand une manifestation a-t-elle rempli le frigo? », lui a répondu Gabriel Attal, le ministre délégué aux Comptes publics, en guise de clin d’œil à la Marche contre la vie chère, organisée par LFI le 16 octobre dernier.
En grande difficulté politique depuis l’affaire Quatennens, le parti de Jean-Luc Mélenchon compte bien sur le budget et l’éventuel recours au 49.3 pour pouvoir reprendre la main.
• Kevin Mauvieux
Après Jean-Philippe Tanguy, bon connaisseur des finances publiques qui s’est fait connaître par son tonitruant « Silence pour la France » et Alexandre Loubet, remarqué après un très vif échange avec Bruno Le Maire, c’est au tour de Kevin Mauvieux de vouloir marquer l’hémicycle.
Cet ancien conseiller en assurances qui a passé plus de 10 ans chez Les Républicains a rejoint le Rassemblement national avant la dernière élection présidentielle. Il fait partie de ces jeunes visages à la tête bien faite qu’affectionne mettre en avant Marine Le Pen depuis qu’elle a fait élire 88 députés en juin dernier.
« Je voulais dire que le gouvernement a dirigé la France pendant le Covid-19 par la menace sur le masque, les attestations pour pouvoir sortir son chien. Mais ici, on est libre et on représente nos électeurs comme on le veut », a lancé Kevin Mauvieux mercredi, à l’attention de Gabriel Attal, sous les applaudissements de son groupe.
Soucieux de marquer leur crédibilité en matière budgétaire, souvent vue comme le point faible de Marine Le Pen, les députés ont eu le droit pour leur séminaire de rentrée à une formation accélérée en matière de finances publiques. Renaud Labaye, le secrétaire général du groupe, n’a d’ailleurs pas hésité à remonter les bretelles des députés jugés trop absents pendant les premières heures du PLF.
• Véronique Louwagie
Députée LR depuis 2012, Véronique Louwagie fait partie des figures de la droite qui comptent, malgré sa relative discrétion médiatique. Dans un parti qui a perdu Éric Woerth, l’un de ses meilleurs spécialistes des finances publiques, désormais à Renaissance, l’élue de l’Orne se serait bien vue présidente de la commission des Finances.
Battue par Éric Coquerel, cette ancienne experte-comptable décoche ses flèches sur le budget contre la majorité présidentielle tout comme le Rassemblement national. La manœuvre vise à garder un équilibre dans un contexte compliqué pour la droite, en pleine course pour la présidence du parti en décembre prochain.
« Ce texte résume à lui seul ce qui nous oppose à vous (…) Il n’y a aucun début de piste d’économies dans le budget que vous nous présentez », a tancé la députée, à destination de Bruno Le Maire.
La droite juge le budget 2023 dispendieux et reproche au gouvernement de ne pas s’inquiéter de la remontée des taux. Mais certains députés LR refusent de s’opposer frontalement au gouvernement sur plusieurs mesures contenues dans le budget et porteuses pour leur électorat, comme l’augmentation du nombre de policiers et de gendarmes. De quoi pousser Véronique Louwagie à s’attaquer aux autres groupes.
« Vous essayez de nous copier parce que nous avons de bonnes idées. Vous essayez de retenir nos propositions parce que nous avons de bonnes propositions. Nous n’avons pas besoin de vous », a ainsi avancé la députée à l’encontre du groupe RN qui venait de voter un amendement déposé par la droite.
La première partie du budget devrait être voté d’ici le 19 octobre prochain. Son examen pourrait aller plus vite si le gouvernement décidait d’enclencher le 49.3 d’ici là.
Cliquez ici pour lire l’article depuis sa source.