Les associations, déboutées de leur demande d’amende d’1,1 milliard d’euros à l’encontre de l’État, déplorent que le tribunal « ne force pas » plus « à agir ». Et dénoncent le faux bilan carbone positif du gouvernement.
Les associations de « l’Affaire du siècle » ont annoncé ce jeudi 22 février avoir déposé un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État, deux mois après avoir été déboutées de leur demande d’astreinte de 1,1 milliard d’euros à l’encontre de l’État qu’elles accusent d’inaction climatique.
« Le tribunal refuse de mobiliser les outils à sa disposition pour forcer l’État à agir » s’inquiètent les associations Greenpeace France, Notre Affaire à tous et Oxfam France.
Cette décision « risque de créer une jurisprudence dommageable pour l’avenir de la justice climatique », estiment-elles, ajutant qu’elle « donnerait un feu vert à une transition subie et non planifiée ».
« Réparation tardive, mais complète selon le tribunal »
Le 22 décembre dernier, le tribunal administratif de Paris avait refusé de prononcer une astreinte financière de 1,1 milliard d’euros réclamée par ces ONG à l’encontre de l’État français, qu’elles accusaient de ne pas agir suffisamment pour lutter contre le réchauffement climatique.
Dans son jugement, le tribunal avait estimé que la « réparation du préjudice écologique a été tardive mais était désormais complète ».
Jugeant ainsi que « l’État, conformément à l’injonction qui lui avait été faite, avait adopté ou mis en oeuvre des mesures de nature à réparer le préjudice en cause ».
Une illusion d’action
Le rapporteur public avait déclaré que les dernières données en date concernant les émissions nationales de CO2, à savoir une baisse de 4,3% pour l’année 2023 et de 2,7% en 2022, « permettaient de considérer que le préjudice avait entièrement été réparé ».
Mais pour les associations, cette baisse n’est pas imputable aux efforts du gouvernement, mais à des facteurs conjoncturels. Selon des données quantitatives produites par le CITEPA (Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique) pour analyser les chiffres permettant de quantifier la trajectoire carbone de la France.
D’après les ONG, l’État, pour établir son bilan positif, inclut les facteurs extérieurs à son action », comme la crise du Covid ou la guerre en Ukraine. Entretenant ainsi une illusion d’action.
Déjà deux condamnations obtenues
Greenpeace France, Notre Affaire à tous et Oxfam France avaient déjà fait condamner l’État deux fois en 2021.
D’abord en février, où le tribunal administratif de Paris avait jugé l’État responsable de manquements à ses engagements et du « préjudice écologique » qui en découle. Puis en octobre 2021, la justice avait ordonné que soient compensés le « 31 décembre 2022, au plus tard » les 15 millions de tonnes d’équivalent CO2 émis en trop par rapport aux objectifs de la France en 2015-2018.
Jugeant que ces jugements n’avaient pas été suivis d’effets, les ONG avaient entamé une nouvelle procédure en juin 2023, cette fois pour réclamer une astreinte financière.
Les ONG considèrent que depuis les décisions de 2021 « le retard climatique pris par la France s’est accru », notamment en raison de l’effondrement des puits de carbone comme les forêts qui du fait de leur dégradation stockent moins de CO2, et que le « préjudice écologique s’est accru ».
« Paresse climatique »
Par ailleurs, le calcul du retard climatique de la France effectué par le tribunal occulte l’utilisation et le changement d’affectation des terres et de la foresterie (UTCATF). « Pourtant de 2019 à 2022, entre 83 et 92 mégatonnes équivalent CO2 ont été émises en trop, par rapport à ce que les puits de carbone étaient en capacité de réguler, en contradiction avec la Stratégie nationale bas-carbone », soulignent les associations.
« Le gouvernement ne peut plus se permettre tant de paresse en matière de politique climatique », déclare Greenpeace France.
Il doit respecter les objectifs de la France, sans exception de dernière minute, sans tour de passe-passe pour espérer afficher une bonne conduite de façade », fustige le directeur général, Jean-François Julliard.
« En refusant d’agir sérieusement sans attendre, le gouvernement condamne la France à agir à la dernière minute, quand il sera déjà beaucoup trop tard », ajoute Jérémie Suissa, délégué général de Notre Affaire à Tous.
En mai, la France s’est engagée à réduire ses émissions de 50% en 2030 par rapport à 1990, conformément aux engagements européens, ce qui implique une accélération des efforts.
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