Dans plusieurs territoires français, dont l’Île-de-France, la mortalité est en hausse. En 2021, 2700 enfants sont morts avant leur premier anniversaire.
En France, des milliers de parents connaissent la souffrance d’un enfant parti trop tôt. Parfois, cette douleur se manifeste seulement quelques heures, jours ou semaines après la naissance. Une récente étude de l’Insee a révélé qu’en 2021, 3,7 enfants français sur 1000 sont morts avant leur premier anniversaire. Un phénomène encore difficile à cerner.
La mortalité infantile est un fléau qui ne concerne pas uniformément toutes les zones de France. Ce jeudi, Le Parisien a sonné l’alerte sur la situation en Île-de-France. Dans cette région « l’augmentation est plus rapide et plus importante que ce qui est observé au niveau national », comme l’a expliqué l’épidémiologiste Babette Matulonga.
Le cas de l’Île-de-France n’est pas isolé. Si en 100 ans la France est passée de 101 décès pour 1000 naissances à 3,7, la tendance n’est plus la bonne. Il n’est plus question de décrue depuis 2005. Pire, entre 2014 et 2017, ce taux a « légèrement augmenté » note l’Insee.
Certains départements s’en tirent bien. D’autres, principalement les territoires ultramarins, sont particulièrement mal lotis, avec un nombre parfois trois fois plus élevé de décès pour mille morts. Dans l’ordre, Mayotte (8,9), la Guyane (8,2), la Guadeloupe (8,1), la Martinique (7,2) et enfin La Réunion (6,7), qui restent largement au-dessus de la moyenne nationale.
« Jamais je n’enverrais mes filles accoucher dans une petite maternité! »
Comment la France, puissance mondiale de premier ordre avec un système de santé avancé peut-elle connaître un tel phénomène? Dans sa page dédiée à la mortalité infantile dans le monde, l’Unicef avance plusieurs causes générales. Le premier point, et certainement le plus prévalent, la précarité.
Une naissance dans un milieu considéré comme « très pauvre » fait bondir de 40% la probabilité de décès précoce. Le niveau d’étude de la mère joué également un rôle, avec une probabilité moindre lorsque celle-ci a complété des études dans le secondaire.
« Les autres pays de l’Europe ont aussi ces problèmes généraux, ils ne peuvent pas à eux seuls expliquer la surmortalité spécifique à la France », appuie Jean-Christophe Rozé, pédiatre et chef de service de médecine néonatale au CHU de Nantes.
Pour le spécialiste, les failles des services de santé français pêchent à deux occasions et provoquent « 1000 drames par an ». D’abord, dans le cas des naissances extrêmement prématurées, celles qui surviennent à moins de 28 semaines d’aménorrhée.
Pendant des années, les praticiens français ont eu peur de mettre au monde ces bébés trop jeunes par crainte qu’ils ne portent un handicap. « Une mauvaise appréciation médicale » chez les médecins plus âgés reconnaît-il. Hormis ce biais, dans ces cas d’extrême prématurés, il souligne le manque de disponibilité – et la répartition disparate – des lits de réanimation.
Autre problème, les décès lors (ou peu après) les naissances à « bas risque ». Lorsque la mère est bien portante et que l’accouchement semblait s’être bien déroulé mais que se produit un accident imprévisible « comme un coincement du cordon ombilical ». Des cas rares auxquels il est difficile de réagir par manque de pratique.
Un problème particulièrement vrai lors d’accouchements à « basse sécurité », dans les « petites maternités » aux effectifs réduits ou lors de naissances à domicile. « Jamais je n’enverrais mes filles accoucher dans une petite maternité! », assure-t-il.
Les conséquences de ces situations, un décès immédiat ou des séquelles qui entraîneront la mort dans les premiers jours de la vie.
« Une priorité » du gouvernement
La France doit prendre ce problème à bras-le-corps car la situation se dégrade. En 1980, la France était le 5e pays avec la mortalité infantile la plus faible de l’OCDE. En 2020, le pays a dégringolé à la 18e place, derrière la Grèce, la République Tchèque ou la Lituanie. Même au sein de l’UE seule, la France fait aussi figure de mauvaise élève.
Un déclassement dont le gouvernement a « conscience », comme l’a expliqué à BFMTV.com Charlotte Caubel, secrétaire d’État auprès de la Première ministre chargée de l’enfance.
« Le gouvernement a conscience de la hausse de la mortalité infantile dans certains territoires. Pour y répondre, de nombreuses actions ont déjà été engagées », pointe la membre de l’exécutif.
Parmi les dispositifs en place, celui des « 1000 premiers jours » déployé depuis 2020, une mission sur les maternités lancée le 3 mai dernier « mais aussi une amélioration de la prise en charge et du suivi des enfants prématurés ».
Pour aller plus loin, la secrétaire d’État assure que cette problématique est « une des priorités des travaux des assises de la santé des enfants qui sont en cours de finalisation ».
Pour Jean-Christophe Rozé, qui préside également la Société Française de Néonatologie, la France n’a pas besoin de tergiverser. Les solutions efficaces ont déjà fait leurs preuves dans les pays d’Europe du Nord, notamment en Suède où le nombre réduit de maternités, mais avec davantage d’effectifs, a permis de sauver de nombreuses jeunes vies.
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