Le dispositif lancé par Emmanuel Macron fait un flop y compris auprès de la majorité. Certains députés Renaissance n’apprécient guère la méthode et craignent de devoir s’effacer. « On ne veut plus accepter tout et n’importe quoi », confie l’un d’entre eux.
À la veille du lancement du Conseil national de la refondation, l’initiative fédère surtout contre elle… jusque dans les rangs de la majorité présidentielle.
« On lance un machin qui fâche même les plus grands fans de l’Élysée », lâche un ancien parlementaire macroniste. « Je n’ai jamais vu ça. »
Annoncée au début du mois de juin par Emmanuel Macron lors d’un entretien à la presse quotidienne régionale, cette « nouvelle méthode de gouvernance » vise à faire plancher des représentants « des forces vives de la Nation », dont les partenaires sociaux, les associations ou encore les partis politiques, sur cinq grands thèmes: « Le plein emploi, l’école, la santé, le bien-vieillir et la transition écologique. »
La politique de la chaise vide
Mais le contexte politique a depuis changé. Le président n’a pas réussi à obtenir la majorité absolue à l’Assemblée nationale et les oppositions ont repris de la vigueur. De quoi leur donner le poids politique pour boycotter unanimement le rendez-vous, de la Nupes au RN en passant par LR.
Gérard Larcher, le président du Sénat, et plusieurs syndicats comme la CGT et FO ont également refusé d’y participer, tout comme dans un premier temps les associations d’élus, avant finalement de changer d’avis.
Les membres de Renaissance ne se bousculent pas non plus pour y participer.
« Si c’est pour prendre des décisions sans même penser à faire voter les parlementaires, ce sera sans moi », avance, remonté, un député de la majorité.
« On ne peut pas travailler comme ça »
L’hostilité est montée d’un cran après l’évocation, dans le Journal du dimanche, de la possible transformation des idées du CNR en décrets ou en lois, sans forcément passer par la case Parlement. « Le président croit tellement à cette nouvelle méthode qu’il est prêt à aller jusqu’à soumettre à référendum des propositions qui en sortiraient », explique l’entourage du chef de l’État cité par le JDD.
« On a eu l’impression de repartir dans une sorte de Convention citoyenne pour le climat avec un président qui dit au départ qu’il sera d’accord avec toutes les idées. On ne peut pas travailler comme ça », juge sévèrement un membre d’Horizons, le parti d’Édouard Philippe.
Yaël Braun-Pivet, la présidente de l’Assemblée nationale, a d’ailleurs posé les lignes rouges. Se disant « extrêment vigilante » sur « le rôle du Parlement », la présidente de l’Assemblée nationale a rappelé au micro de France inter lundi qu’il est le « lieu du débat démocratique où l’ensemble de ceux qui débattent ont été élus ».
Une méthode qui interroge
« Je ne sais pas si le CNR est le bon endroit pour renouer le dialogue avec les Français, assez loin du Parlement, mais je ne sais pas où il existe », nuance le député Renaissance Robin Reda, qui juge que l’initiative a « le mérite d’exister et d’essayer ».
La méthode choisie n’a pas non plus convaincu. Dans les rangs de la majorité, peu ont goûté la nomination surprise de François Bayrou au secrétariat général du CNR. Ni Élisabeth Borne, qui pilote officiellement le dispositif, ni Olivier Véran, porte-parole du gouvernement et ministre chargé du Renouveau démocratique, n’ont été mis au courant.
« C’est symbolique mais ça montre que d’une certaine façon Emmanuel Macron n’a pas compris qu’il ne pouvait plus faire de la politique comme avant », remarque encore un sénateur du parti présidentiel, qui soutient pourtant le dispositif.
L’exécutif veut y croire
Conscient de la nécessité de ne pas se fâcher avec sa majorité, l’exécutif a tenté d’arrondir les angles fin août, Alexis Kohler, le secrétaire général de l’Élysée a tenu à rassurer. « Le CNR ne sera pas un outil de substitution du Parlement », a promis le plus proche collaborateur d’Emmanuel Macron devant les cadres de la majorité, d’après des informations du Parisien.
Même son de cloche de François Bayrou. « Personne n’a jamais dit que le CNR allait faire la loi », a assuré le patron du Modem ce mercredi sur LCI.
De quoi convaincre ? Dans les ministères, on tente en tout cas d’y croire, rappelant que l’abstention record des dernières législatives à 54% au second tour et la hausse des violences contre les élus poussent à tenter de nouveaux formats de débat.
« Personne ne misait un cachou sur le grand débat et ça a permis au pays de sortir de la crise des Gilets jaunes. On ne peut pas dire qu’on a échoué avant même d’avoir essayé », analyse un conseiller de l’exécutif.
Ne pas ajouter de « bazar »
Les premiers pas de la CNR devraient d’ailleurs rassurer la coalition présidentielle en déployant un programme assez classique. « Les informations que nous avons, c’est qu’Emmanuel Macron va expliquer l’esprit qu’il veut impulser, la méthode et un agenda », explique ainsi un cadre du parti.
« On espère qu’il ne va pas lâcher des bombes lors du déjeuner qu’il veut informel et ajouter du bazar à une situation politique très compliquée », soupire cependant un député qui note un changement de climat.
« On était toujours d’accord avec lui lors de la précédente mandature. On lui devait tous notre élection. Là, on s’est battu comme des diables pour revenir à l’Assemblée et on ne veut plus accepter tout et n’importe quoi », remarque-t-il encore.
Certains prédisent au dispositif un destin proche de celui de la Conférence nationale des territoires. Lancée en grande pompe en 2017 pour renouer le lien entre les collectivités et le président, l’instance de dialogue devait se réunir tous les six mois pour bâtir déjà une « nouvelle méthode ». Boycottée par les associations d’élus, elle ne s’était finalement réunie qu’à trois reprises.
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