Le président Emmanuel Macron a reçu une pluie de critiques de la part des élus écologistes, mais aussi de plusieurs climatologues de renom, après ses voeux aux Français pour 2023.
Lors de ses voeux aux Français samedi, le président de la République Emmanuel Macron a fait le bilan de l’année écoulée et, entre l’épidémie Covid-19 et la guerre en Ukraine, il a évoqué la crise climatique en cours. « Qui aurait pu prédire la vague d’inflation ainsi déclenchée? Ou la crise climatique aux effets spectaculaires encore cet été dans notre pays?« , a-t-il lancé.
Avec cette phrase, le chef d’État a donné l’impression de découvrir le changement climatique et son incidence. Cette interrogation a beaucoup agacé du côté des élus écologistes, mais aussi des scientifiques qui alertent depuis plusieurs années sur les événements climatiques dramatiques en cours, et à venir, si les comportements ne changent pas.
« Comme beaucoup on a trouvé cela consternant et dangereux », déclare à BFMTV.com Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France pour qui cette déclaration « sape le travail réalisé sur ce sujet depuis plus de 20 ans et donne du grain à moudre à ceux qui minimisent le changement climatique. »
« Cela fait des décennies que les scientifiques le disent »
« Je cherche une explication sérieuse de comment on peut mettre ça dans un discours », a lancé, consternée, l’ex-ministre de l’Écologie Cécile Duflot lundi. « C’est extrêmement grave », écrit de son côté la sénatrice écologiste Mélanie Vogel, pour qui « n’importe quelle personne s’étant informée sur les rapports du GIEC » ne poserait pas cette question.
« Cela fait des décennies que les scientifiques le disent, rapport du GIEC après rapport du GIEC », s’est également agacée sur Twitter Marine Tondelier, secrétaire nationale d’EELV.
« Il lui aurait suffi d’en lire ne serait-ce qu’une synthèse. Ou d’écouter les écologistes dont il préfère criminaliser l’action. »
La députée Clémentine Autain a elle aussi critiqué le président de la République sur ce sujet, rappelant sur France Inter lundi « que le premier rapport du GIEC c’est 1990, le rapport Meadows [rapport sur les limites de la croissance, ndlr] c’est 1972, et on en est à la 27e COP. Donc que le président de la République nous explique que pour 2022 il ne pouvait pas prédire la crise climatique c’est quand même l’impression d’un président qui est coupé totalement du réel. »
« Dire en 2022 qu’on ne savait pas, c’est simplement une ‘fake news' »
Plusieurs scientifiques de premier plan ont également pointé du doigt la déclaration du président de la République, rappelant eux aussi les conclusions du GIEC. « Le GIEC avait prévenu depuis 30 ans. Vous n’avez pas reçu leurs derniers rapports, le 6e? », lance sur Twitter le climatologue Christophe Cassou, co-auteur de ce rapport.
« Allô Jupiter, ici la Terre: il fait 22°C à 22h, un 1er janvier 2023, je répète: 22°C à 22h, un 1er janvier! Et ça dure! », ironise-t-il.
Valérie Masson-Delmotte, paléoclimatologue française et coprésidente du groupe nᵒ 1 du GIEC, a de son côté mis en liens les dernières conclusions du GIEC sous la phrase d’Emmanuel Macron.
« ‘Qui aurait pu prédire la crise climatique?’ C’est amusant, c’est exactement une de mes boutades préférées pour moquer les politiciens qui vivent hors du réel », se moque de son côté Gonéri Le Cozannet, coauteur du rapport du GIEC.
Le climatologue Jean Jouzel se souvient lui, auprès de France Info, d’une réunion de 2013 pour présenter le 5e rapport du GIEC à François Hollande (alors président de la République), lors de laquelle Emmanuel Macron était présent. « Cela fait dix ans quand même, je ne comprends pas qu’il ait pu dire ça », déclare-t-il, ajoutant qu’il aurait « pu parier que, pendant son mandat, il y aurait au moins une année d’événements extrêmes. La surprise, ce serait qu’une année comme 2022 n’existe pas. »
Magali Reghezza-Zitt, géographe et membre du Haut Conseil pour le climat (HCC), déplore, également auprès de France Info « un discours qui rate le sens de l’histoire. Il aurait pu être tenu dans les années 1980, pas en 2022 ». De plus, « dire en 2022 qu’on ne savait pas, c’est simplement une ‘fake news' ».
Un « faux procès » à Emmanuel Macron
La majorité est montée au créneau pour défendre les propos du président. Sur France 2 ce lundi, Aurore Bergé, présidente du groupe Renaissance à l’Assemblée nationale, a ainsi expliqué que ce qu’avait en fait voulu dire Emmanuel Macron, c’est que « tout d’un coup, cette crise climatique s’est exprimée directement sur notre territoire », avec notamment les incendies cet été.
Pour Jean-François Julliard, il s’agit clairement d’un « exercice de rattrapage » de la majorité, « si Emmanuel Macron voulait dire ‘qui aurait pu prédire les feux en Gironde’?, c’est ce qu’il aurait dit ». Il souligne d’autre part que cette intervention n’était pas une improvisation mais un texte préparé et certainement validé à plusieurs reprises et à différents niveaux et « personne n’a tiqué visiblement ».
« Ça peut être vu par certains comme maladroit. Il a surtout voulu exprimer ce que les Français ont ressenti, c’est-à-dire une accélération des phénomènes que même certains scientifiques n’avaient pas envisagé voir arriver à cette vitesse », explique auprès du Monde le député européen du parti présidentiel Pascal Canfin. Pour lui, « ce serait vraiment un faux procès d’en conclure qu’il n’est pas conscient de la situation. »
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