Les États se penchent sur la manière de réduire la pollution plastique. Face à l’opposition des pays pétroliers, la question est de savoir si le traité imposera une limitation de la production, alors qu’après la COP29, la diplomatie climatique semble patiner.
Au lendemain de la signature chaotique d’un accord à la COP29 sur le climat organisée en Azerbaïdjan, les délégués de 175 pays se réunissent ce lundi 25 novembre à Busan, en Corée du Sud, pour un cinquième et supposément dernier cycle de négociations visant à obtenir un traité mondial « légalement contraignant » pour lutter la pollution plastique.
« Cette conférence est bien plus que la rédaction d’un traité international. C’est l’humanité qui se mobilise face à une menace existentielle », a déclaré le diplomate équatorien qui préside les débats, Luis Vayas Valdivieso.
Chaque année, 400 millions de tonnes de déchets plastiques sont produites dans le monde. Les négociateurs doivent s’entendre sur des problématiques majeures telles que le plafonnement de la production de plastique ou l’interdiction éventuelle de substances chimiques toxiques.
« Sans intervention significative, la quantité de plastique entrant dans l’environnement chaque année d’ici 2040 devrait presque doubler par rapport à 2022 », a mis en garde Luis Vayas Valdivieso lors de la séance d’ouverture des négociations.
Divergences profondes
Les pays sont très divisés sur la question. Il y a d’abord la « Coalition des hautes ambitions » (HAC) qui regroupe plus de soixante États, dont l’Union européenne. Ces pays veulent un traité couvrant l’ensemble du « cycle de vie » des plastiques, de la production aux déchets.
La HAC milite pour des objectifs contraignants de réduction de la production et des déchets, et pour imposer des changements dans la conception des plastiques pour faciliter leur réutilisation. Au sein de ce groupe, les plus ambitieux sont le Rwanda et le Pérou, qui ont mis sur la table un objectif global de baisse de la production de 40% d’ici 2040.
« Nous prônons un texte ambitieux, c’est-à-dire un texte qui ne se contente pas d’augmenter l’effort de collecte et de recyclage, mais qui prend le problème à la racine et qui fixe des objectifs de baisse des productions de plastique », a indiqué la ministre française de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, dans des propos rapportés par Libération.
Le camp adverse, principalement composé des gros producteurs de pétrole comme la Russie, l’Iran et l’Arabie saoudite, milite pour un traité peu contraignant qui ne concernerait que le recyclage et la gestion des déchets, sans remettre en cause la production. Le pétrole, le gaz et dans une moindre mesure le charbon sont les principales matières premières utilisées pour fabriquer les plastiques.
Aucune limitation de production?
La question centrale est donc de savoir si la quantité de plastique que les entreprises seront autorisées à produire sera limitée, malgré l’opposition de l’industrie pétrochimique.
« Où finissent ces plastiques? Ils finissent dans nos océans, dans nos décharges, dans nos jardins. Et la décomposition des plastiques en petites substances a des effets néfastes, non seulement sur l’environnement, mais aussi sur nous en tant qu’individus, sur notre santé », a lancé Sivendra Michael, ministre du climat des Fidji.
Comme le rappelle Reuters, lors de la COP29 qui vient de s’achever, la France, le Kenya et la Barbade ont évoqué la mise en place de taxes mondiales sur certains secteurs qui pourraient contribuer à augmenter le montant d’argent qui pourrait être mis à disposition des pays en développement pour faciliter leur transition vers les énergies propres et faire face aux conséquences dévastatrices du changement climatique. Les groupes industriels ont rejeté l’idée, affirmant que cette mesure entraînerait une hausse des prix.
Les négociateurs doivent également décider si le traité permettra de réduire ou d’éliminer les plastiques à usage unique. Ils devront décider s’il faut mettre fin à l’utilisation de produits chimiques dangereux dans les plastiques et si ces mesures seront obligatoires ou simplement encouragées.
L’incertitude Trump
Les yeux sont notamment rivés sur les positions des États-Unis et de la Chine, qui n’ont jusqu’à présent ouvertement pris parti pour aucun des deux camps. La Chine et son voisin, l’Inde, premier émetteur mondial de déchets plastiques selon une étude récente, sont perçues comme moins obstructionnistes que les pays pétroliers, mais ne sont pas non plus enthousiastes à l’idée de réduire leur production.
De leur côté, en août, les États-Unis ont déclaré qu’ils pourraient soutenir les plafonds de production de plastique dans le traité. Mais l’élection de Donald Trump au début du mois et son retour à la Maison Blanche l’année prochaine soulèvent des interrogations. Certains négociateurs se demandent aussi à quoi bon essayer de rallier les États-Unis à un traité qu’ils risquent de ne jamais ratifier ou de ne jamais mettre en œuvre.
Des « discussions difficiles » et un « accord incertain »
En raison de ces divisions entre les États, les quatre premières cycles de négociations avaient abouti à un projet de traité de plus de 70 pages très loin de faire consensus.
Pour débloquer la situation, Luis Vayas Valdivielso a rédigé un projet alternatif de 17 pages mettant l’accent sur les terrains d’entente, comme la nécessité de promouvoir les plastiques réutilisables. Mais ce texte ne contient aucune limite de production.
Il a remporté une première victoire ce lundi en obtenant que les négociations de Busan aient lieu sur la base de ce « papier » simplifié. Initialement opposés à cette perspective, la Russie, l’Arabie saoudite et l’Iran ont finalement accepté.
Pour la ministre française de la transition écologique, Agnès Panier-Runacher, ce texte ne constitue « pas une bonne base de négociations » et augure des « discussions difficiles » et un « accord incertain », rapporte Le Monde.
« Après l’échec de deux sommets consécutifs sur la nature et le climat, Busan doit être un refuge contre l’inaction en matière de nature et de climat », a imploré de son côté l’ONG WWF.
La diplomatie climatique mondiale en peine
Cette réunion du Comité intergouvernemental de négociation des Nations unies intervient en effet juste après l’accord de la COP29 pour financer à hauteur de 300 milliards de dollars par an les pays pauvres menacés par le changement climatique.
Les 45 pays les plus défavorisés de la planète ont dénoncé un accord « pas ambitieux ». Du point de vue de la France, le texte est « décevant » et « pas à la hauteur des enjeux », a souligné Agnès Pannier-Runacher.
Autre discussion, la 16ème conférence des Nations unies (COP16) sur la biodiversité s’est, elle, terminée début novembre avec quelques avancées, notamment au sujet des peuples autochtones ou des ressources génétiques, mais aucun accord n’a été trouvé sur plusieurs points clé.
90% du plastique n’est pas recyclé
Climat, océans, ressources, biodiversité… La pollution plastique perturbe déjà l’ensemble du système terrestre et on en retrouve partout, notamment dans le corps humain.
En 2019, le monde a fabriqué environ 460 millions de tonnes de plastique, un chiffre qui a doublé depuis 2000, selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Et la quantité risque encore de doubler d’ici 2040. En outre, plus de 90% du plastique n’est jamais recyclé, et plus de 20 millions de tonnes finissent chaque année dans la nature, notamment dans les océans.
Le plastique, produit à partir d’énergies fossiles, représente aussi 3% des émissions mondiales de CO2. Un chiffre qui pourrait grimper à 15% d’ici 2050, selon les estimations du programme des Nations unies pour l’environnement.
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