Mise en lumière pendant la pandémie de Covid-19, l’ARNm était déjà étudiée depuis plusieurs années pour lutter contre le cancer, et plusieurs études sont en cours sur le sujet.
L’acide ribonucléique messager, plus connu sous le nom d’ARN messager ou encore ARNm. Ce terme a été grandement popularisé avec la pandémie de Covid-19, car c’est le nom de la molécule qui a permis de créer rapidement des vaccins efficaces contre ce virus, qui s’est propagé en quelques semaines sur la planète.
Mais avant d’être utilisé contre le SARS-CoV-2, l’ARN messager était étudié depuis plusieurs années déjà, et était notamment envisagé comme un traitement potentiel contre le cancer. La pandémie a eu comme effet secondaire positif de permettre aux laboratoires d’avancer plus rapidement sur ce sujet.
Les laboratoires américains Moderna et Merck ont annoncé mercredi dernier avoir noué un accord pour développer et commercialiser ensemble un vaccin à ARNm contre le cancer de la peau. Les patrons de BioNTech ont de leur côté évoqué la possibilité qu’un vaccin ARNm contre le cancer soit disponible « avant 2030 ».
L’ARN messager, c’est quoi déjà?
Les ARNm « servent de patron lors de la fabrication des protéines », explique l’Inserm. Ces molécules sont produites à partir de notre ADN, c’est « une photocopie de la page du génome où sont inscrites les instructions pour produire une protéine donnée ». Un ARNm est donc en quelque sorte un plan de construction transmis à une cellule, qui va lui dire comment produire la protéine dont elle a besoin.
Dans le cadre des vaccins contre le Covid-19, c’est un ARNm codant la protéine Spike qui était utilisé et injecté, car c’est cette protéine qui permettait au virus de pénétrer nos cellules.
Après le vaccin, avec le plan donné par l’ARNm, « nos cellules fabriquent alors cette protéine et la ‘présentent’ à leur surface. Le système immunitaire la reconnaît comme si elle était portée par le virus lui-même et active les mécanismes de défense et la réponse mémoire », explique l’Inserm. Le système immunitaire saura donc reconnaître le virus si l’organisme est infecté à l’avenir.
La même technique que celle contre le Covid-19
Quand on parle de vaccin ARNm contre les cancers, on ne parle pas seulement de technique préventive, comme c’est le cas avec le Covid-19, mais aussi de méthodes curatives: il ne s’agit pas de préparer le système à une potentielle infection, la maladie est déjà là et il faut la combattre.
L’ARNm reste toutefois utilisé pour le même principe: « faire en sorte d’exposer aux cellules immunitaires des échantillons représentatifs des cellules cancéreuses », explique la Fondation ARC, pour la recherche sur le cancer.
« On prélève des cellules de la tumeur et on va étudier les séquences, c’est à dire la carte d’identité de ces tumeurs », explique Alain Ducardonnet, cardiologue et consultant santé pour BFMTV.
« On va à ce moment-là synthétiser l’ARNm et on va l’injecter dans l’organisme, et là on va donner en quelque sorte l’information aux cellules immunitaires d’attaquer spécifiquement les images qu’apporte l’ARNm. Donc elles vont attaquer les cellules de la tumeur spécifiquement. »
Le cancer plus difficile à appréhender
Toute la difficulté avec le cancer réside dans le fait de trouver la protéine à reproduire pour réussir à combattre la tumeur. Les virus sont ainsi « porteurs de certaines caractéristiques qui indiquent au système immunitaire qu’ils sont des ennemis », explique sur ARTE Mustafa Diken, immunologiste.
Mais « le cancer est différent parce que les cellules cancéreuses viennent de nos propres cellules et normalement, au premier regard, le système immunitaire ne peut pas toujours identifier qu’il s’agit d’un ennemi », explique-t-il.
Il faut en effet « s’assurer que ce ciblage ne puisse pas monter le système immunitaire contre des cellules saines qui exprimeraient, elles aussi, la protéine codée par les ARNm vaccinaux », souligne la Fondation ARC. Les chercheurs essayent donc de cibler « certaines des mutations génétiques présentes dans les cellules cancéreuses » qui « se répercutent directement sur la nature des protéines produites par ces cellules. »
D’autre part, chaque cancer agit différemment, et les individus affectés ont une réponse immunitaire différente, ce qui entraine une demande de réponses personnalisées.
L’ARNm associé à d’autres méthodes
Plusieurs dizaines de recherches sont actuellement en cours sur le sujet, la pandémie ayant mis en lumière la méthode de l’ARNm et accru le nombre de financements lui étant consacrés.
« Certains ARN-médicaments en développement sont conçus pour cibler directement les processus fondamentaux du cancer: la prolifération, l’acquisition de la résistance au traitement, la formation de métastase, etc », explique la Ligue contre le cancer, « d’autres visent plutôt l’environnement permissif qui soutient le développement du cancer et agissent, par exemple, en activant la réponse immunitaire anticancéreuse. »
Il reste très difficile pour le moment de donner la date de sortie d’un traitement et l’ARNm, bien que révolutionnaire dans son approche, n’est pas une réponse miracle et pourrait ne pas suffire seul. Des immunothérapies « pourraient donc, évidemment, à terme, être associées aux éventuelles stratégies vaccinales. Elles sont d’ailleurs déjà intégrées aux essais de vaccination en cours contre les cancers », écrit la Fondation Arc.
Au-delà du cancer, les traitements utilisant l’ARNm pourraient « permettre la prise en charge personnalisée d’un grand nombre de maladies comme notamment les maladies génétiques », explique Palma Rocchi, biologiste, directrice de recherche à l’Inserm. « C’est une véritable révolution pour la médecine de demain. »
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