LES BONNES MANIÈRES EN VACANCES (3/6) – Les voyageurs se bousculent dans les avions cet été. En cette période de forte affluence, les stewards et hôtesses de l’air doivent faire preuve de patience pour gérer au mieux les exigences et caprices parfois démesurés des passagers.
Si l’avion est le deuxième moyen de transport privilégié par les Français pour partir en vacances cet été, selon un sondage OpinionWay, cette étape du voyage est loin d’être une partie de plaisir.
De la préparation des valises à l’embarquement, en passant par les contrôles de sécurité ou le vol en lui-même, avec des voyageurs parfois pressés, bruyants ou encore désagréables… Prendre l’avion peut vite devenir le parcours du combattant, pour les vacanciers comme pour le personnel de bord.
En première ligne face aux incivilités, un steward et une hôtesse de l’air ont listé pour BFMTV.com les comportements qu’ils ne supportent plus.
1. Rester sur son portable pendant la présentation des règles de sécurité
« Lorsque les gens partent en vacances, ils sont à la cool. Ils plaisantent entre eux, parlent de leur voyage… Et c’est là qu’ils tendent à négliger les règles de sécurité de base », explique à BFMTV.com Mathieu Allouch, steward. « Or l’avion n’est pas un espace anodin », insiste le professionnel, en poste depuis quatre ans.
Cela commence au moment où le personnel de bord énumère les consignes de sécurité, avant le vol. « Beaucoup n’écoutent pas du tout, continuent d’écouter leur musique ou de regarder leur film », regrette Mathieu Allouch.
« Mais en réalité c’est important, on fait appel à leur mémoire à court-terme en cas de problème, et les masques à air ne sont par exemple par si évidents à mettre que ça… », poursuit, le steward.
Et la première règle de base – qui n’est pas toujours respectée – concerne le port de la ceinture de sécurité au décollage et à l’atterrissage.
« On passe dans les rangées pour vérifier et on doit parfois même réveiller des gens pour leur demander de la mettre », raconte également Estelle*, hôtesse de l’air. « Ce que je conseillerais personnellement, c’est de la garder tout au long du vol dans la mesure du possible – même si ça n’est pas obligatoire. Ça ne coûte pas grand-chose et ça nous facilite la tâche. »
2. Demander à changer de place ou à être surclassé
S’apercevoir que vous et vos proches êtes dispersés dans l’avion n’est jamais très réjouissant. Néanmoins, le tumulte de l’embarquement n’est jamais le moment idéal pour demander au personnel de bord à changer de place.
« Des passagers peuvent nous monopoliser 25 minutes d’attention simplement parce qu’ils souhaitent absolument être à côté d’untel ou untel, ou à côté du hublot », raconte Matthieu Allouche.
« C’est toujours compliqué quand l’avion est complet », ajoute Estelle. « On essaie toujours de faire au mieux, notamment quand il s’agit d’enfants et de familles. Mais on ne peut pas forcer des gens qui ont choisi exprès leur siège à changer de place. »
Et ne tentez pas de négocier pour être surclassé: c’est inutile, assure Estelle.
« Ça ne sert à rien, ce n’est pas nous qui gérons », balaie-t-elle. « Et puis ça ne se fait pas comme ça, ça se fait informatiquement et il faut un certain nombre de points de fidélité pour pouvoir y prétendre. »
3. Commencer (ou poursuivre) la fête dans l’avion
Quoi de plus désagréable que d’être bloqué à côté d’un passager hyperagité ou bruyant, parfois pendant de longues heures d’avion?
« Les groupes de copains ou de copines qui partent faire la fête, c’est souvent le pire », témoigne Matthieu Allouche.
« Il faut comprendre que chacun voyage pour des raisons et dans des circonstances différentes, même l’été », rappelle le steward. « Tout le monde ne part pas faire la fête à l’autre bout du monde. Certains voyagent pour le travail, avec leurs enfants en bas âge, d’autres se rendent à des funérailles. »
Pour gérer les bandes les plus turbulentes à bord, Matthieu Allouche a développé des petites techniques: « J’essaie de plaisanter avec eux dans un premier temps, de me les mettre dans la poche pour ensuite leur poser des limites. » « Testé et approuvé », sourit-il.
Quant aux bébés qui pleurent en vol, « on ne peut pas faire grand chose », confie-t-il. Mais que les parents angoissés se déstressent! « On propose des boules Quies aux personnes à proximité, mais les parents sont souvent les plus gênés, on est conscients que ce n’est absolument pas de leur faute. »
4. Mépriser le personnel de bord
Mathieu Allouch et Estelle s’accordent pour dire qu’ils sont fréquemment victimes de mépris de la part de certains passagers. Certains les regardent de haut ou les considèrent comme de véritables « valets », allant jusqu’à claquer des doigts pour les interpeller.
« C’est hyper désagréable, clairement un manque de respect », s’agacent les deux professionnels, qui notent aussi qu’il n’est pas rare que des voyageurs abusent du bouton d’appel situé juste au-dessus de leurs têtes, qui est censé appeler le personnel de bord.
« Clairement, certains sont persuadés qu’on est là uniquement pour pousser des chariots », déplore le steward de 35 ans.
« Pourtant on a un certain niveau de responsabilité, on est loin de ne faire que de l’accueil de passagers », rappelle Mathieu Allouch. « On est à 10.000 mètres d’altitude, on est formés au massage cardiaque, à la maîtrise du feu. Au moindre problème, ils ne peuvent s’en remettre qu’à nous. »
5. S’autoriser des remarques sexistes
Les hôtesses de l’air, dont le métier a tendance à être particulièrement sexualisé, sont particulièrement exposées aux remarques sexistes et aux comportements déplacés de certains passagers. « Ça peut aller des simples regards à des changements de comportements », explique Estelle.
Elle affirme que les remarques et avis sur son physique ou sa tenue sont monnaie courante: On lui a par exemple déjà exposé que les hôtesses de l’air étaient désormais « moins jolies » et « moins minces » que par le passé. Des passagers ont même demandé à certaines de ses collègues si elles proposaient des « services sexuels » à bord.
« Et lorsque j’essaie de régler un problème, qu’il soit d’ordre technique ou relationnel, on me demande régulièrement si on peut parler à mon supérieur, ou à quelqu’un d’autre… Entre les lignes, je comprends maintenant qu’ils entendent par là ‘un homme' », explicite l’hôtesse de l’air, lassée par ces comportements d’un autre temps.
6. Faire un scandale pour les plateaux-repas
« Et bien, on ne propose pas de champagne dans cette compagnie? » Le personnel de bord est habitué à devoir répondre aux passagers excessivement exigeants à bord. Selon Estelle, les voyageurs réguliers comparent les services des compagnies, et n’hésitent pas à leur reprocher les moindres manques, ou différences.
« Au lieu de demander poliment, certains sont vraiment sur la défensive, et nous demandent avec un ton de reproche: ‘c’est inadmissible que vous ne proposiez pas tel ou tel plat’, alors qu’on est justement sur le point de leur offrir », regrette-t-elle.
D’autres, encore, n’hésitent pas à faire à un scandale parce que les collations proposées ne leur conviennent pas, ou parce qu’ils considèrent qu’elles ne sont pas suffisantes. « Parfois en fonction de ce que les gens choisissent, il arrive un moment où les gens du milieu de cabine n’ont plus le choix entre le poulet et le thon par exemple ».
« À chaque fois, j’essaie de dédramatiser la situation et de trouver un compromis », conclut Matthieu Allouche. « Mais on dirait que certains jouent leur vie… »
7. Ne pas maîtriser sa consommation d’alcool avant ou pendant un vol
Les passagers qui boivent de l’alcool avant ou pendant un vol sont plus fréquents qu’on ne le croit, selon Mathieu Allouch. « C’est problématique, dans le sens où la pressurisation de la cabine et l’altitude accentuent la sensation d’ivresse, comme à la montagne », note-t-il.
« Ça peut monter vite à la tête et ça peut aller loin, dans certains cas », insiste le steward. Les passagers alcoolisés « peuvent être violents, gêner les autres passagers, agressent verbalement mes collègues et on ne peut pas leur dire d’aller prendre l’air ».
« Ils sont difficiles à canaliser et on est parfois contraints de les isoler ou d’appeler la police afin qu’ils soient interpellés à l’atterrissage », prévient Mathieu Allouch.
Estelle met en garde: « Il suffit qu’un membre du personnel s’aperçoive qu’un passager est excessivement alcoolisé avant le décollage pour qu’il ne fasse pas long feu à bord. » « Les stewards et hôtesses de l’air ont pour consigne d’avoir un œil sur chacun des passagers, et de repérer le plus vite possible d’éventuels éléments perturbateurs et au contraire les personnes ‘de confiance’ sur lesquelles s’appuyer en cas de souci. »
8. Ne pas tirer la chasse d’eau aux toilettes
Fort de ses quelques années d’expérience, Mathieu Allouch confie avoir l’habitude de retrouver des chasses d’eau non tirées dans les toilettes. « C’est quelque chose de récurrent et je n’ai compris que récemment pourquoi: d’abord, il y a en général deux boutons l’un à côté de l’autre, et il arrive que les gens appuient sur celui pour appeler un membre de l’équipage plutôt que sur la chasse d’eau ».
« L’autre raison, c’est en fait qu’un certain nombre d’individus ont peur d’aller aux toilettes dans l’avion, et encore plus de tirer la chasse d’eau à cause du boucan que ça provoque », assure-t-il.
« Quelqu’un m’a déjà dit qu’il avait peur d’être aspiré avec la chasse d’eau », plaisante le steward.
9. Fumer dans les toilettes
Le pire des scénarios reste le passager qui va tenter de fumer une cigarette ou une cigarette électronique discrètement dans les toilettes de l’avion, alors que la pratique est interdite en vol en Europe depuis 1997. Attention: les petits cendriers placés dans les toilettes ne sont nullement une incitation à fumer mais simplement une exigence des autorités européennes et américaines en matière d’aviation civile.
Quand cela arrive, Mathieu Allouch et Estelle assurent ne pas prendre la chose à la légère. « Il y a toute une procédure d’urgence à suivre et la police attend le passager en question à l’arrivée », préviennent-ils.
Et pour cause, « le feu est l’ennemi public n°1 à bord d’un avion, car le moindre incendie va prendre beaucoup plus rapidement qu’à l’extérieur, et prendre de l’ampleur tout aussi rapidement ».
Mathieu Allouch note toutefois que les passagers peuvent également réserver d’agréables surprises. Surtout ceux qui saluent amicalement le personnel de bord, s’intéressent à eux ou plaisantent avec eux, ainsi que les voyageurs qui sont concilliants et s’adaptent volontiers aux différentes situations.
* Le prénom a été modifié, l’intervenante ayant préféré rester anonyme pour des raisons professionnelles.
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