Canicules, fleuves, paysages... Que changerait un réchauffement climatique de +4°C en France?

Le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, a affirmé vendredi qu’il était nécessaire de commencer à s’adapter à un réchauffement climatique de 4°C en 2100. L’ex vice-président du Giec, Jean Jouzel, explique à BFMTV.com que des pics de chaleur « frôleront les 50°C » d’ici à la fin du siècle si ce scénario se réalise.

Le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, appelle à « sortir du déni ». Ce vendredi, sur Europe 1, il a expliqué pourquoi il jugeait nécessaire l’installation du Comité de pilotage ministériel sur l’adaptation au changement climatique, annoncé la veille.

Ce comité s’appuie sur un rapport rendu en décembre par l’Inspection générale de l’Environnement et du développement durable (Igedd). Pour ce service, chargé de conseiller le gouvernement sur la transition écologique pour élaborer des plans d’adaptation au dérèglement climatique, « il paraît indispensable de prendre en compte des risques tels que ceux résultant » d’un réchauffement climatique de 4°C à la fin du siècle.

« Se préparer à une France avec +4 degrés, ça n’a rien à voir » avec d’autres scénarios, comme celui de l’accord de Paris qui veut limiter le réchauffement planétaire causé par les activités humaines à 2°C, explique Christophe Béchu ce vendredi.

« S’adapter à cela, c’est sortir du déni », a-t-il estimé. « Il faut qu’on investisse dans des matériaux qui nous permettent de résister à ces températures, ça veut dire penser l’organisation des services publics, les lois sur l’eau, la protection de la biodiversité, des sols, des règles sur les assurances… »

Des effets déjà visibles

Concrètement, quelles seraient les conséquences d’un réchauffement de 4 degrés d’ici 2100? Tout d’abord, selon la modélisation de l’Igedd, cela signifie un réchauffement de 2,4°C d’ici le milieu du siècle (2041-2060).

Ensuite, il ne s’agit pas d’une hausse de 4 degrés par rapport à aujourd’hui, mais à l’ère pré-industrielle. À l’heure actuelle, la température moyenne de la France est déjà supérieure de 1,7 °C à celle du pays entre 1900 et 1930, selon une étude menée par des chercheurs du CNRS, de Météo France et du Centre européen de recherche et de formation avancée en calcul scientifique et publiée en octobre dans la revue Earth Systems Dynamics.

Cette situation a déjà de nombreux effets, note le climatologue Jean Jouzel auprès de BFMTV.com. Les nombreux feux de forêts connus par la France lors de l’été 2022 et le manque de pluie précoce observé en ce début d’année 2023 en sont des signes.

« Mais plus le réchauffement est important, plus ses conséquences sont intenses », rappelle le vice-président du Giec de 2002 à 2015.

Des pics de chaleur à 50°C

Jean Jouzel anticipe dans le scénario à +4°C « des pics de chaleurs encore plus fréquents et intenses, qui dépasseront les 45°C voire frôleront les 50°C ». Météo France modélisait en 2020 que la fréquence des vagues de chaleur doublerait en 2100 en France si le réchauffement climatique s’élevait à +3,9°C, comparé à +2,1°C.

« Même dans la moitié Nord de la France, le débit des fleuves et des rivières pourrait diminuer de 20 à 30% d’ici 2050 », ajoute le climatologue.

« Avec près de 4°C de plus en 2100 », la France « subirait des canicules quasi-permanentes en été, des sécheresses beaucoup plus longues, la moyenne montagne ne verrait presque plus de neige et les gelées disparaîtraient pratiquement de la plupart des régions », avertissait aussi Météo France dans un article de février 2021

Une surmortalité liée à la chaleur

Un réchauffement de 4°C entraînerait « un changement des paysages dans les Alpes et les Pyrénées », l’arrivée de paysages méditerranéens vers le Nord et « une élévation du niveau de la mer de 50 à 80 cm d’ici la fin du siècle », explique Jean Jouzel.

En 2010, un rapport du ministère de l’Écologie estimait qu’en limitant le réchauffement climatique à 1,8°C, le niveau de la mer s’élèverait de 40 centimètres en France en 2100 par rapport à la fin du XXe siècle. Le document soulignait qu’il s’agissait d’une « hypothèse optimiste ».

La santé des personnes dépend également directement du réchauffement climatique, puisque la chaleur extrême entraîne une surmortalité. Une étude de l’Agence européenne de l’environnement publiée en novembre affirmait que « sans mesures d’adaptation et dans un scénario de réchauffement climatique de 3°C d’ici 2100, 90.000 Européens pourraient mourir de chaleur extrême chaque année ». Ce chiffre est réduit à 30 000 décès par an avec un réchauffement de 1.5°C.

« Il n’y a pas de secteur d’activité qui ne serait pas touché » en cas de réchauffement à 4°C, alerte Jean Jouzel, citant la montagne, le tourisme, l’alimentation, la santé…

Une adaptation nécessaire

D’où l’idée de préparer au mieux l’adaptation du pays à une telle perspective. « Il faudrait tout faire pour éviter ces 4°C, mais il est logique que le gouvernement prenne en compte ces risques », juge-t-il. Le rapporteur du Giec, François Gemenne, ne dit pas autre chose: « personne ne souhaite cela, mais il serait aujourd’hui suicidaire de ne pas envisager ce scénario », assure-t-il sur Twitter.

Il illustre en réponse à un internaute: « on peut être ambitieux en matière de sécurité routière et imposer quand même aux constructeurs d’équiper les voitures d’airbags ».

D’autant que l’étude publiée en octobre dans Earth Systems Dynamics évaluait que « si les tendances actuelles d’émissions de carbone se maintiennent, la température moyenne de l’Hexagone sera 3,8 °C supérieure à celle du début du XXe siècle », selon le communiqué publié par le CNRS.

Des mesures pour chaque secteur

L’adaptation passe par des mesures ajustées à chaque secteur. Pour l’urbanisme par exemple, il s’agit d’aller vers plus de végétalisation des villes, une amélioration des systèmes d’eau pour économiser cette ressource et une meilleure isolation des bâtiments.

Pour la mobilité, il s’agit de penser des transports compatibles avec des événements climatiques extrêmes, comme des inondations ou des vagues de chaleur: « il est difficile de prendre son vélo par 45°C », souligne Jean Jouzel.

Ce dernier plaide pour « plus de recherches en adaptation » et de suivi des plans décidés pour limiter le réchauffement climatique d’origine humaine: « il faudrait de l’ambition dans la réalité, pas que dans les textes ». « En aucun cas ce n’est une façon de dire qu’on va baisser les bras », martèle-t-il.

Christophe Béchu a annoncé vendredi que son ministère rendra publics ses travaux sur l’adaptation en avril.

Cliquez ici pour lire l’article depuis sa source.

Laisser un commentaire