Les députés font leur retour dans l’hémicycle ce lundi et devront s’atteler à plusieurs textes à haut risque politique. Le recours au 49.3 pour le budget de l’État et celui de la sécurité sociale semble très probable.
« Avoir une majorité relative ne change en rien notre programme. Ce qui change, c’est la méthode et la façon de faire voter les textes ». Ces propos d’un pilier de Renaissance résument à grand trait l’ambiance sur les bancs de la majorité pour le retour des députés dans l’hémicycle ce lundi.
Les choses sérieuses commencent en effet à l’Assemblée nationale, avec plusieurs projets de loi qui pourraient nécessiter l’usage du 49.3 pour être adoptés, à commencer par le budget. Car l’exécutif, avec seulement 250 élus acquis à sa cause, n’a pas la majorité absolue dans l’hémicycle.
Mais d’autres textes portés par la majorité devraient être adoptés sans encombre grâce aux voix des LR.
• L’assurance chômage: un texte a priori sans grand risque pour la majorité
Premier dossier sur la table: celui de l’assurance chômage, qui est examiné à partir de ce lundi. Le gouvernement veut conditionner la durée de versement des allocations à la conjoncture économique.
Le but « est de faire en sorte que, lorsque la conjoncture est très bonne, les règles soient plus incitatives et à l’inverse, lorsque la croissance ralentit, que les protections soient plus fortes », a expliqué le ministre du Travail Olivier Dussopt devant la Commission des affaires sociales fin septembre.
La durée nécessaire avant d’avoir le droit d’accéder à une indemnisation chômage pourrait également être sur la table, à l’issue des discussions avec les partenaires sociaux. Elle est actuellement de 6 mois sur les 24 derniers mois. L’accès aux allocations chômage après « un abandon de poste » pourrait également s’arrêter.
La réforme inquiète sur les bancs du RN qui a regretté par la voix de la députée Laure Lavalette « la fin d’une protection effective face au risque du chômage ». La Nupes n’a guère été plus tendre: François Ruffin a par exemple dénoncé « une violence tranquille » et « une couche de maltraitance supplémentaire ».
Même s’ils regrettent un « contenu qui reste un peu timide », les Républicains et leurs 62 députés devraient, eux, voter le texte et permettre son adoption, malgré la majorité présidentielle relative.
• Le budget 2023: un 49.3 très probable
Ce texte qui porte sur le financement du budget de l’État pour l’année à venir est toujours très scruté. Il prend une tournure particulière avec une majorité étriqué pour le gouvernement, mais aussi avec l’impact de la hausse des prix sur le quotidien des Français. Notamment au menu de ce budget, dont l’examen doit commencer le 10 octobre: la limitation de l’augmentation de 15% du prix du gaz et de l’électricité et l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu sur le niveau de l’inflation.
Les oppositions ont déjà fait connaître leurs désaccords avec ce texte. Du président du groupe PS, Boris Vallaud, qui a dénoncé « un budget de l’esbroufe », à Marine Le Pen qui a annoncé que le groupe RN « voterait contre le budget, marqueur d’une politique que nous contestons ».
Ce budget pourrait cependant être l’occasion pour la Nupes d’essayer d’avancer ses pions sur une éventuelle taxation des « superprofits », après que plusieurs mastodontes de l’énergie et du transport maritime ont récolté des bénéfices sans précédent ces derniers mois.
Si Emmanuel Macron a renvoyé vers un mécanisme de taxation européen, le président de la commission des Lois, le député Renaissance Sacha Houlié, s’est dit dans Les Échos « favorable à une contribution exceptionnelle sur les entreprises qui ont dégagé des profits liés à une situation de rente ». De quoi laisser augurer d’éventuels couacs au sein de la majorité.
Autre inconnue: la posture adoptée par les LR. Si Éric Ciotti a déjà annoncé « ne pas vouloir être la béquille du gouvernement », plusieurs figures de la droite comme Olivier Marleix, le président du groupe, ou Annie Genevard, la chef par intérim du parti, ont voté respectivement 96% et 78% du temps dans le sens de la majorité. Bercy s’est d’ailleurs efforcé d’arrondir les angles en recevant toutes les oppositions.
Le gouvernement n’exclut cependant pas le recours à l’article 49.3 pour faire passer le premier budget du second quinquennat d’Emmanuel Macron. « S’il y a encore une voie (pour se passer du 49.3), elle est étroite », a d’ailleurs déclaré Bruno Le Maire, lors d’une conférence de presse au ministère de l’Économie.
• Le budget de la sécurité sociale: un autre 49.3 possible
Ce texte, qui devrait arriver le 20 octobre prochain à l’Assemblée nationale, vise à assurer le financement du système de solidarité français et contient plusieurs mesures emblématiques.
Parmi celles-ci, on trouve la hausse du prix de paquet de cigarettes, la gratuité de la pilule du lendemain pour toutes les femmes, peu importe leur âge, et l’arrêt des remboursements de certains arrêts de travail par téléconsultation. Le gouvernement veut également augmenter de 10% le taux de fraude aux prestations sociales détecté en donnant des pouvoirs de police à certains agents.
Malgré un budget revu en forte hausse, il manque toujours un milliard d’euros aux hôpitaux pour compenser l’inflation, le Covid et les hausses de salaires, a affirmé jeudi la Fédération hospitalière de France, laissant augurer de nombreux bras de fer entre le gouvernement et les oppositions.
Le contexte de majorité relative fait que l’adoption de ce texte par les députés semble peu probable, contraignant peut-être le gouvernement à encore utiliser le 49.3.
• Énergies renouvelables: les LR et EELV pourraient s’unir contre
Passé sous les radars, ce projet de loi « relatif à l’accélaration de la production d’énergies renouvelables » va d’abord arriver au Sénat avant d’être examiné à l’Assemblée nationale probablement en novembre. Il porte sur un sujet hautement inflammable: celui de l’instruction des dossiers pour faciliter l’implantation de nouveaux parcs éoliens et solaires.
Le sujet crispe sur les bancs de la droite et du RN. Marine Le Pen appelait dans son programme présidentiel à arrêter toute nouvelle installation d’éoliennes et à démonter sans remplacer toutes celles arrivées en fin de vie. Olivier Marleix, le président du groupe LR à l’Assemblée nationale, a déjà fait savoir son opposition, accusant les éoliennes de « défigurer la France ».
Si certains au sein de la majorité voyaient les écologistes dire oui à ce texte, les craintes des ONG environnementales changent la donne. Ce projet de loi permettrait par exemple l’installation de projets photovoltaïques le long des routes, des autoroutes ou dans les friches, faisant craindre des menaces sur la biodiversité.
Preuve que le sujet inquiète au sein de la macronie: la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher, qui va porter ce projet de loi, a multiplié les coups de fils avec les présidents de groupes parlementaires au mois d’août.
Une chose est certaine: le gouvernement qui ne dispose que du recours au 49.3 hors textes budgétaires qu’une seule fois par session parlementaire ne grillera pas cette cartouche pour ce texte.
« Je pense qu’on peut y arriver et convaincre. Mais si ce n’est pas le cas, on ne va pas y laisser notre chemise », traduit un député de la commission du développement durable à l’Assemblée nationale auprès de BFMTV.com.
• La loi de programmation du ministère de l’Intérieur: un texte voté avec les voix LR et RN?
Régulièrement attaquée sur son bilan sécuritaire – deux Français sur trois le trouvent mauvais d’après un récent sondage -, l’exécutif a décidé de passer à la vitesse supérieure. Ce texte défendu par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin devrait permettre le recrutement de 8500 policiers et gendarmes sur 5 ans, la réouverture de certaines préfectures et des investissements dans la cybersécurité.
Cette loi devrait passer sans grand encombre grâce aux voix des LR et du RN.
• La réforme des retraites: rendez-vous début 2023?
Les débats les plus explosifs, autour de la réforme des retraites, ne devraient pas avoir lieu dans l’immédiat dans l’hémicycle. L’exécutif a décidé de temporiser, en rouvrant un cycle de concertations pour l’adoption d’un projet de loi « avant la fin de l’hiver ».
Après un dîner à l’Élysée autour d’Emmanuel Macron, Elisabeth Borne a expliqué vouloir présenter « un bilan » de ces discussions avec les partenaires sociaux et forces politiques « avant Noël », avec toujours en ligne de mire une application de la réforme à l’été 2023.
« L’examen du projet de loi devra arriver après les fêtes pour qu’il puisse être adopté à l’hiver 2023 », a expliqué le porte-parole du gouvernement Olivier Véran sur BFMTV, précisant aussi que l’hiver « va jusqu’en février ».
Cliquez ici pour lire l’article depuis sa source.