Le département du sud-ouest de la France est placé depuis ce mercredi matin en stade critique en raison de la sécheresse historique qui le frappe. De nombreuses interdictions courent jusqu’au 13 juin.
Depuis ce mercredi matin, et au moins jusqu’au 13 juin, les Pyrénées-Orientales sont placées en « crise sécheresse », le plus haut niveau d’alerte que peut émettre la préfecture. Depuis plusieurs semaines, les alertes se multipliaient concernant les ressources en eau du département, qui a connu un hiver très sec. Une situation qui n’a pas permis de remplir en quantité suffisante les nappes phréatiques locales.
Le 25 avril déjà, le préfet avait alerté que durant l’été, il n’y aurait pas d’eau « pour tous ». Une alerte qui semble se concrétiser plus tôt que prévu, alors que le passage en « crise sécheresse » ce mercredi s’accompagne de nombreuses interdictions, aussi bien pour les agriculteurs que pour les particuliers.
Elles concernent les zones se trouvant sur « les bassins-versants et nappes de l’Agly et de la Têt ainsi que les nappes des Aspres et de la bordure côtière », en rouge dans la carte ci-dessus, englobant les trois-quarts du département. Le sud et le sud-ouest des Pyrénées-Orientales se trouvent eux en « alerte renforcée ».
· Quelles restrictions pour les agriculteurs?
Dans les zones en « crise », la préfecture indique que « les prélèvements agricoles sont interdits ». Il est donc techniquement impossible pour les agriculteurs de prélever de l’eau dans les nappes phréatiques. Mais des exceptions restent possibles.
Même en zone de crise, il est encore possible d’abreuver les animaux, « sans restriction ». De même, il reste possible d’arroser les cultures maraîchères de plein champ, en réduisant de 80 ou 50% les prélèvements selon le système d’irrigation mis en place. Les arbres, arbustes et vignes plantés « de moins de 3 ans » peuvent toujours être arrosés, en réduisant là aussi les prélèvements de 50%.
Mais pour les agriculteurs de la région, malgré les exceptions prévues, le coup est rude. « On nous a déjà restreints à 50% d’irrigation par rapport aux années habituelles », confie à BFMTV Domitille Zazzi, arboricultrice dans les Pyrénées-Orientales. Pour que ses abricotiers consomment moins d’eau, elle s’est même résignée à élaguer certains de ses arbres.
Car les standards de ce printemps 2023 s’approchent plus de ceux observés dans des régions plus chaudes.
« À ce niveau-là de précipitations, on est plutôt dans un climat désertique. Donc il y a un risque sur l’ensemble de la production agricole », explique Serge Zaka, docteur en agroclimatologie.
Pour le spécialiste, il est même possible que les agriculteurs des Pyrénées-Orientales « sautent une saison », à la vue de l’état hydrique de leurs champs. « Ils ne vont pas s’amuser à planter des légumes puisqu’ils ne pourront pas les récolter jusqu’à la fin », conclut-il.
· Quelles interdictions pour les communes?
Le passage en crise sécheresse a également de nombreuses conséquences pour les communes qui se situent dans la vaste zone qui passe en rouge à partir de ce mercredi dans les Pyrénées-Orientales.
L’arrêté pris par la préfecture interdit ainsi d’arroser les pelouses, massifs fleuris, espaces verts et ronds points. Il est également interdit d’arroser les terrains de sport, « à l’exception d’un terrain par installation sportive, dont l’arrosage est autorisé de 20h à 2h à condition que l’eau soit intégralement issue d’un processus de réutilisation ».
Pour les terrains de golf, une interdiction est également mise en place, sauf de « 20h à 2h à condition que l’eau soit intégralement issue d’un processus de réutilisation ». Enfin, le nettoyage des terrasses, des façades, des toitures et des voiries ne faisant pas l’objet de travaux sont également proscrits, tout comme les douches de plage.
Ces multiples interdictions visent avant tout à préserver l’approvisionnement en eau potable du département.
« Le cas particulier de ce secteur, c’est que la moitié des prélèvements qui se font dans les nappes servent à l’eau potable. Donc forcément, on prélève toute l’année dans ces nappes », détaille Bruno Coupry, directeur du bureau d’études d’Eaucéa.
· Est-il toujours possible de faire fonctionner sa piscine?
La liste des interdictions pour les particuliers est également importante. Fini l’arrosage du potager, bien que certaines communes ont toujours la possibilité d’autoriser une nuit d’arrosage par semaine, hors canal d’irrigation.
Vendredi, le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu annonçait l’interdiction de la vente des piscines hors-sol dans les Pyrénées-Orientales. La préfecture précise ce mercredi que « le remplissage et l’appoint en eau de l’ensemble des piscines et bassins à usage privé » est désormais interdit.
Tout comme l’utilisation des jacuzzis et des spas, à l’exception de ceux qui sont « raccordés à un système de récupération totale et de réusage des eaux ». Enfin, il est interdit de nettoyer son véhicule, sauf dans une station de lavage qui recycle au moins 70% de l’eau utilisée.
· Les pompiers sont-ils concernés par les interdictions?
Cette sécheresse exceptionnelle apporte avec elle la crainte de voir se multiplier les incendies. En avril, à Cerbère, le département des Pyrénées-Orientales a été touché par l’incendie le plus important depuis le début de l’année 2023. Il avait détruit 931 hectares de végétation.
Dans le département, conscients du manque d’eau, les pompiers constituent déjà des ressources. L’eau de cuves à vin désaffectées, mais également de piscines a été pompée, afin de ne pas puiser dans les réserves d’eau potable.
« Dans un camping qui doit vider son eau, on la récupère pour la mettre dans une cuve qui nous servira de réserve stratégique à la période des feux de forêt », avait expliqué sur BFMTV le capitaine Olivier Cyprien, officier expert en service prévision.
· Doit-on craindre une situation similaire à celle de l’Espagne?
Les Pyrénées-Orientales sont frontalières de l’Espagne, pays qui connaît une sécheresse exceptionnelle. En Catalogne, le réservoir de Rialb n’est actuellement qu’à 5% de sa capacité, contre 40% à la même période l’année dernière. Plus généralement, les réservoirs espagnols sont à moins de 50% de leur capacité.
« Les Pyrénées-Orientales sont dans la lignée de ce qui se passe en Espagne. S’il ne repleut pas, on aura la même situation que celle que l’on observe en Catalogne ou en Andalousie », explique Serge Zaka.
Avant de conclure: « C’est tout le bassin méditerranéen qui est concerné. S’il ne repleut pas, on se retrouvera exactement comme les Espagnols ». Dans les Pyrénées-Orientales, pour observer une amélioration de la situation, il faudrait espérer 300mm de précipitations. Soit 10 à 20 fois plus qu’aujourd’hui.
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