à 24 ans, elle a mis "sa vie de côté" pour s'occuper de sa mère malade

À 49 ans, les enfants de Béatrice ont appris qu’elle était atteinte de démence fronto-temporale. Méconnaissance de la maladie, soins lourds, démission forcée, difficultés financières et marathon administratif: Sarah, une jeune aidante de Pau, raconte à BFMTV.com comment elle a dû « mettre sa vie entre parenthèses » pour prendre soin de sa mère.

La vie de Sarah Vitarela a basculé il y a 8 mois, lorsque les médecins lui ont appris que sa mère de 50 ans était atteinte de démence fronto-temporale (DFT): la même maladie neurodégénérative rare et incurable dont souffre l’acteur américain Bruce Willis, âgé de 67 ans.

Une dégénérescence cérébrale « trop peu connue » pour la jeune femme. Souvent affiliée à la maladie d’Alzheimer, ce sont les comportements sociaux et le langage qui se détériorent dans le cas des DFT, et non la mémoire.

À seulement 24 ans, cette hôtesse de caisse dans un supermarché près de Pau (Pyréenées-Atlantiques) estime qu’elle « n’a eu d’autre choix » que de démissionner en catastrophe à l’annonce de cette nouvelle, afin de s’occuper à plein temps de sa mère Béatrice. En seulement quelques mois, cette « femme pleine de vie », agent d’entretien ayant élevé ses trois enfants toute seule, a perdu toute autonomie.

Deux longues années d’errance médicale

Apathie, changement de personnalité, paranoïa, indifférence… Les premiers symptômes psychiatriques de cette maladie neurologique ont véritablement commencé il y a deux ans, mais la famille reste de longs mois dans le flou de l’errance médicale. « Ni nous, ni les médecins ne comprenaient. On ne reconnaissait plus notre mère, mais ses symptômes étaient difficiles à expliquer », se rappelle-t-elle.

Sarah se souvient par exemple qu’il arrivait soudain à Béatrice de « laisser traîner des cigarettes allumées sur le plan de travail de la cuisine. Elle pouvait aussi aller taper chez ses voisins et s’énerver parce qu’ils ne venaient pas l’aider à ranger ses placards… Elle partait dans des colères noires, chose qu’elle n’aurait jamais faite auparavant ».

« Aux urgences, on nous renvoyait chez nous en nous disant qu’elle faisait de la comédie. On nous parlait de dépression, d’épilepsie… Elle a été hospitalisée deux fois en neurologie mais personne n’arrivait à mettre le doigt sur ce qu’elle avait vraiment ».

« Le début de la maladie est insidieux », confirme Isabelle le Ber, neurologue à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière et chercheuse à l’ICM au sein de l’équipe bases moléculaires, physiopathologie et traitement des maladies neurodégénératives. « Quand l’ensemble des symptômes évocateurs ne sont pas réunis, il peut y avoir une confusion avec un diagnostic de dépression ou de maladie d’Alzheimer. »

« Comme un enfant à charge »

Mais depuis le diagnostic posé en juin dernier, l’ancienne caissière voit sa mère diminuer de jour en jour. « C’est comme si j’avais un enfant à charge: 24h/24, 7 jours sur 7 », confie à BFMTV.com Sarah, qui ne peut plus la laisser seule car « son état se dégrade très vite ». Sarah décrit une femme « de plus en plus désorientée », « dans son monde, un peu comme un zombie ». Selon elle, sa mère a perdu « toute notion de temps et d’espace ».

« Même son regard a changé en quelques mois. Elle ne peut plus s’habiller toute seule, elle commence à ne plus pouvoir marcher, elle a des troubles du comportement comme de grosses crises de larmes ou d’agressivité », raconte Sarah Vitarela.

Cuisine, toilette, médicaments, promenades… Sa vie est désormais rythmée par les soins prodigués à sa mère. Mais aussi par les rendez-vous de stimulation cognitives, censés améliorer le confort de Béatrice, comme la kiné, l’orthophonie, ou la psychiatrie. Sans oublier la lourde paperasse administrative qu’elle doit gérer seule pour que le handicap de sa mère soit enfin reconnu par la MDPH (Maison départementale pour les personnes handicapées – ce qui n’est pas encore le cas en raison de son âge), qu’elle puisse être licenciée pour incapacité comme il se doit, ou encore pour espérer avoir un logement adapté à sa condition physique.

Même la nuit, elle n’est pas tranquille. À cause de ses troubles du sommeil, Béatrice se réveille toutes les nuits entre minuit et 2h du matin avec l’envie de parler, de manger voire de se promener. « Elle est devenue très exigeant, ne supporte plus la frustratrion et ne se rend absolument pas compte de la charge de travail » que tout cela représente.

La débrouille et les sacrifices des aidants

« C’est hyper compliqué à vivre. J’ai dû mettre ma vie de côté », reconnaît Sarah, qui souhaite que sa mère reste à domicile le plus longtemps possible. Elle dit s’être dévouée plutôt que ses frères et soeurs, étant donné que la première est maman d’une petite fille de 8 ans, et que son petit frère est plus jeune qu’elle.

« Honnêtement, l’aidant vit autant la maladie que le malade! », note-t-elle. « Non seulement on souffre, mais en plus on a l’impression de devoir se battre contre le monde entier ». L’été dernier, son employeur a par exemple refusé de la licencier de manière à ce qu’elle puisse toucher le chômage. À cause de ce qu’elle juge être un « pur manque de compréhension », Sarah dit être « obligée de trouver des solutions » pour s’en sortir financièrement.

« Les différentes administrations me font rire », déplore encore cette aidante, qui doit jongler tous les mois entre les quelque 500 euros de pension d’invalidité de sa mère et les 500 euros de RSA qu’elle touche. « On me dit de na pas m’inquiéter parce qu’à terme je serais dédommagée… En attendant quand on a pas d’argent de côté il faut bien avancer tous ces frais! ».

La seule aide dont elle bénéficie véritablement, selon elle, c’est celle de l’association France Alzheimer, qui a tout de suite pris en charge Béatrice. Une fois par mois, les bénévoles l’emmènent ainsi faire une sortie de groupe, afin de laisser un peu de temps à Sarah pour souffler, ou « avancer dans les papiers ».

En août dernier, Sarah a voulu créer son compte Tiktok « Le combat de Béa », afin de mettre en lumière cette maladie que « beaucoup de gens ne connaissent et ne comprennent pas du tout. On le voit même au sein de notre famille ». De la sorte, elle souhaitait aussi documenter l’évolution de la maladie de sa mère, d’avoir des souvenirs des moments heureux avec elle, « quand elle pouvait encore danser, marcher, parler. Car malheureusement, on sait très bien à quoi s’attendre ».

Jeanne Bulant Journaliste BFMTV

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