Tirs, exercices militaires, ombre de la Russie... Pourquoi les tensions dans la péninsule coréenne ont de quoi inquiéter

Ces derniers jours, la Corée du Nord a procédé à une série inédite de tirs en direction des eaux du voisin du sud et du Japon. Au point que ces régions se sont retrouvées en état d’alerte. Une tension particulièrement préoccupante à l’heure où Américains et Sud-Coréens mènent des exercices militaires conjoints et où la situation géopolitique mondiale apparaît très instable.

Des tirs de missiles balistiques depuis la Corée du Nord échouant non loin des eaux sud-coréennes et japonaises, des déclarations belliqueuses d’un côté et de l’autre, et une bronca internationale contre Pyongyang. À première vue, la tension qui agite l’Extrême-Orient ces derniers jours aurait presque des airs de routine. En effet, les sempiternelles tentatives de la dictature nord-coréenne ont fini par habituer l’opinion mondiale à une forme d’indifférence devant ces fièvres sans lendemain.

Celle-ci est pourtant d’un tout autre acabit. Car tandis que l’agressivité du régime communiste de Kim Jong-un va crescendo, la colère de ses voisins et des Américains se renforce. Pire, la situation géopolitique mondiale, sur fond de guerre russo-ukrainienne, alourdit encore ce climat déjà délétère. BFMTV.com fait le point sur cette crise singulière ce jeudi.

La menace n’a jamais été aussi proche depuis 70 ans

23 tirs. C’est le nombre des lancements de missiles balistiques auxquels la Corée du Nord a procédé en direction des flots bordant la Corée du Sud, et encore s’agit-il d’une estimation minimale. Surtout, la menace se rapproche.

En effet, l’un de ces tirs, frôlant l’île sud-coréenne d’Ulleungdo, y a occasionné une alerte au raid aérien. Le président sud-coréen a très clairement exprimé son courroux dans un communiqué.

« La provocation nord-coréenne est une invasion territoriale de fait », a-t-il affirmé.

Le chef de l’État a affirmé que c’était « la première fois » qu’un missile franchissait « la ligne de limite du Nord depuis la division ».

La division est actée depuis 1953 et la conclusion d’un accord suspendant officiellement les hostilités entre le Nord (communiste) et le Sud (pro-Américains), ouvertes par l’invasion du second par le premier. Depuis, les deux pans de la péninsule se regardent en chiens de faïence de chaque côté du 38e parallèle, une frontière découpant également leurs zones maritimes respectives. Frontière que la Corée du Nord est donc accusée d’avoir outrepassée ce mercredi.

Sans confirmer cette transgression, l’armée sud-coréenne a d’ailleurs elle aussi fait référence à ce conflit vieux de 70 ans, déclarant que le missile ayant jouxté l’île d’Ulleungdo constituait le tir tombé le plus près des eaux territoriales nationales depuis 1953.

Des tirs qui s’emballent

Au-delà de cette proximité, l’emballement qu’elle traduit retient l’attention. « La Corée du Nord a testé quasiment autant de missiles balistiques en une journée que pendant tout le règne de Kim Jong-il entre 1994 et 2011 », a ainsi observé Antoine Bondaz, chercheur spécialiste de la Corée au sein de la Fondation de la recherche stratégique, auprès du Parisien après la journée de mercredi.

Selon le décompte du quotidien, pour la seule année 2022, le Corée du Nord a opéré 44 tirs de missiles, soit bien plus que lors des années précédentes. Un total auquel il faut ajouter, comme l’a noté l’Agence France Presse, une centaine de tirs d’artillerie autour de la ligne de partage maritime.

Évidemment, un tel feu d’artifices ne pouvait pas rester sans réponse. Aussi, Séoul a répliqué par trois tirs de missiles sol-air dans cette même zone.

« Tempête vigilante » en eaux troubles

Cet échange de salves est particulièrement sensible dans la mesure où il prend place au milieu de manoeuvres conjointes des aviations sud-coréennes et américaines. Celles-ci sont actuellement engagées dans l’opération « Vigilant Storm » à laquelle participent des centaines d’appareils pour chacun des deux États.

Il s’agit tout simplement de l’effort commun le plus important dans l’histoire des deux nations. Une « tempête vigilante » que la Corée du Nord considère comme une « provocation » justifiant la menée de ses propres actions.

Le Japon aux premières loges

Et l’affaire ne se réduit pas à un duel à fleurets – de moins en moins mouchetés – entre les Corées, les parties prenantes étant plus nombreuses.

Le Japon est ainsi aux premières loges de ce conflit larvé. Dans la nuit de mercredi à jeudi aux alentours de minuit pour l’Hexagone, la Corée du Nord a tiré trois missiles balistiques – dont un missile intercontinental – en direction de la Mer du Japon et de l’archipel nippon. Ce qui a poussé la télévision japonaise à diffuser des messages d’alerte, tandis que l’État a brièvement suspendu la circulation ferroviaire.

Il faut dire que, si ces projectiles se sont abîmés en Mer du Japon, l’empire a un temps cru à un survol de son territoire. S’il n’en était rien cette fois-ci, un missile nord-coréen s’est bien profilé au-dessus des terres japonais le 4 octobre dernier, une première depuis cinq ans.

Un écho de la guerre en Ukraine

Depuis le Japon, dont le Premier ministre Fulio Kishida a évoqué un « outrage intolérable », jusqu’à la France d’Emmanuel Macron qui a fustigé mercredi « les nouvelles provocations inacceptables » de Pyongyang, la condamnation à l’égard de la Corée du Nord est générale.

Et les commentaires américains les plus récents ne sont pas de nature à calmer les angoisses internationales. John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale, a accusé mercredi la Corée du Nord de « fournir de manière dissimulée une aide à la guerre de la Russie contre l’Ukraine ». En l’espèce, Washington assure que la Corée du Nord a livré de nombreux obus à Moscou tout en essayant de faire croire à des importations venues d’Afrique et du Moyen-Orient.

Vers un nouvel essai nucléaire?

On pourrait croire que l’escalade a atteint son sommet, à l’exception du déclenchement d’un conflit ouvert. Reste pourtant un échelon: les États-Unis, la Corée du Sud mais aussi l’Agence internationale de l’énergie atomique craignent à haute voix que Kim Jong-un et les siens entreprennent un nouvel essai nucléaire, renouant un fil interrompu en 2017.

Ce serait la septième expérience de cette nature pour l’État totalitaire. De quoi étendre encore un peu plus son pouvoir de nuisance, et accroître la nervosité ambiante.

Robin Verner Journaliste BFMTV

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