Si de nombreux spécialistes estiment qu’une agression nucléaire n’est pas dans l’intérêt russe, le changement de discours de la part de Vladimir Poutine a de quoi inquiéter.
« Ce n’est pas du bluff. » Lors de son adresse à la nation russe ce mercredi, le président de la fédération de Russie, Vladimir Poutine, s’est dit prêt à utiliser contre l’Occident « tous les moyens » de son arsenal, y compris nucléaires « si jamais les intérêts nationaux de la Russie sont menacés. »
« Ceux qui font le chantage de l’arme nucléaire doivent savoir que ce chantage peut se retourner contre eux. Les citoyens russes doivent savoir que notre intégrité territoriale, notre liberté, notre souveraineté seront défendus par tous les moyens nécessaires », a-t-il déclaré, peu après avoir ordonné une mobilisation partielle dans son pays.
« C’est une fuite en avant »
Quelques heures plus tard, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a affirmé « ne pas croire » à ces menaces pourtant à peine voilées. Il n’est d’ailleurs pas le seul à dénoncer le grand bluff de l’homme fort du Kremlin, de plus en plus critiqué en terre russe. Pour Sylvie Bornmann, consultante diplomatie BFMTV, ancienne ambassadrice de France en Russie, Vladimir Poutine cherche surtout à « effrayer et à dissuader de continuer à envoyer des armes en Ukraine ».
« Je ne pense pas qu’il aura recours à l’arme nucléaire, c’est une fuite en avant. Il dit qu’il y a un chantage nucléaire fait par l’Otan, mais c’est lui qui le premier en a parlé. Tout le discours, la responsabilité est inversée. Il s’adresse aux Occidentaux mais beaucoup aux Russes », ajoute-t-elle.
Invitée sur le plateau de BFMTV, Aline Le Bail-Kremer, co-fondatrice du collectif « Stand with Ukraine », rappelle de son côté que Vladimir Poutine « fait ça depuis 20 ans » lorsqu’il est « en difficulté. »
« Il n’a plus que ça comme arme, il est en difficulté militaire et l’Ukraine va gagner. Quand il est en difficulté il peut se promener sur un ours, être en tenue de judo pour impressionner les fouler, il n’a plus que ça à faire, menacer de bombarder et détruire », avance-t-elle.
Quelles armes nucléaires?
Pour autant, les États-Unis ont de leur côté déclaré « prendre au sérieux » les menaces de la Russie, annonçant de « sévères conséquences » si le président russe passait à l’acte. En réalité, il pourrait ne pas s’agir d’attaque nucléaire contre les forces occidentales, mais l’utilisation d’armes nucléaires tactiques sur certaines zones, comme cela avait été annoncé il y a déjà plusieurs mois par Moscou.
« Dans la doctrine russe l’emploi de l’arme nucléaire tactique est prévu. Ce type d’armes peut être utilisé contre les forces ukrainiennes pour essayer de provoquer une panique », assure auprès de BFMTV le général Jérôme Pellistrandi.
« Il peut les utiliser n’importe où dans les plaines de l’Ukraine pour sidérer le monde et l’armée ukrainienne », reprend de son côté Anthony Bellanger, toujours à notre antenne.
Outre la menace atomique, ce dernier évoque également « d’autres possibilités dont les méga bombes dont les Russes disposent, de plusieurs tonnes, qui permettent de raser des quartiers entiers. » « Un intermédiaire qui permettent de tester la réaction des Ukrainiens et des Occidentaux », ajoute-t-il encore.
En mai dernier, la Russie avait déjà menacé d’utiliser des armes nucléaires tactiques, Moscou avant simulé des « lancements électroniques » de systèmes de missiles balistiques mobiles à capacité nucléaire. La CIA avait depuis désamorcé l’affaire, assurant ne pas disposer de preuves de l’utilisation de ce type d’armes par Moscou, qui avait également mis de côté cette menace.
Changement de doctrine russe?
Il existe toutefois une différence entre la dernière menace proférée par Vladimir Poutine et celles qu’il avait déjà lancées plus tôt durant le conflit. « C’est difficile de complétement l’ignorer parce que ce n’est pas la première fois que les Russes agitent cette menace et parce que Poutine change les paramètres des situations dans lesquelles la Russie pourrait y avoir recours », explique, auprès de BFMTV, Marie Dumoulin, ancienne diplomate et directrice du programme Europe élargie.
« Si les intérêts vitaux de la Russie étaient menacés, ils y auront recours, c’est la doctrine nucléaire russe, dans ce dernier discours cela se transforme en atteinte à l’intégrité territoriale, ce qui élargit le champ des possibles », ajoute-t-elle.
Un élargissement du territoire russe favorisé par les référendums d’annexion organisés les jours à venir dans certaines zones ukrainiennes.
Autre facteur à également prendre en compte, le caractère « jusqu’au boutiste » dont semble faire preuve Vladimir Poutine dans ces dernières sorties. « Sa rhétorique est guerrière, agressive et totalement hors de propos par rapport à ce que vont lui répondre occidentaux et OTAN », souligne le colonel Peer De Jong, vice-président de l’Institut Themis, dont les thématiques sont liées à la paix et sécurité.
« On sait qu’il est prêt à aller au sacrifice, évidemment les Russes ne reculeront pas, c’est un paramètre que nous devons prendre ne compte, il n’y aura pas de recul, de défaite historique de la Russie, il ira jusqu’au bout s’il pense qu’il peut perdre », ajoute-t-il.
Là encore, le dialogue semble difficile, alors que bon nombre des chefs d’État, dont Emmanuel Macron, se succèdent à la tribune des Nations unies ces dernières heures, appelant au dialogue. « Poutine ne saisit pas l’occasion de cette semaine pour trouver des solutions de secours. C’est un peu le mauvais élève de la classe, le garnement qui en fait remet une pièce dans la machine », conclut Peer De Jong.
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