Un important trou dans la couche d’ozone se forme régulièrement au-dessus de l’Antarctique à cause de polluants produits sur Terre, mais leur régulation pourrait dans les prochaines décennies arrêter cette dégradation.
La couche d’ozone est « en bonne voie » pour se reconstituer dans les quatre prochaines décennies, écrit dans un rapport publié lundi un groupe d’experts mandatés par l’ONU. « L’élimination progressive de près de 99 % des substances interdites qui détruisent l’ozone a permis de préserver la couche d’ozone et contribué de façon notable à sa reconstitution », expliquent-ils.
« On a pu voir la stabilisation de la couche d’ozone, c’est-à-dire qu’elle a arrêté de se dégrader, et on voit dans certaines régions une remontée de la couche d’ozone, en particulier au-dessus de l’Antarctique », détaille sur BFMTV Sophie Godin-Beekmann, directrice de recherche au CNRS, présidente de la Commission internationale sur l’ozone (IO3C).
En effet, « si les politiques actuelles restent en place, la couche d’ozone devrait retrouver les valeurs de 1980 (avant l’apparition du trou) d’ici environ 2066 au-dessus de l’Antarctique, 2045 au-dessus de l’Arctique et 2040 dans le reste du monde », indique l’ONU Environnement dans son estimation quadriennale.
• La couche d’ozone, c’est quoi déjà?
Dans la stratosphère (qui s’étend entre 12 et 50 km d’altitude), l’ozone forme « une couche autour de 20 km d’altitude, que l’on appelle la couche d’ozone », explique l’Institut de recherche en sciences de l’environnement (IPSL). Il faut bien différencier cet ozone de celui que l’on retrouve dans la troposphère, au niveau de notre sol: ce dernier est une « pollution nocive pour l’homme induite par les activités humaines. »
À l’inverse, dans la stratosphère, « la couche d’ozone a un rôle primordial, car elle absorbe les rayons ultraviolets, essentiellement les rayons UV-B nocifs à toute forme de vie animale et végétale », écrit l’IPSL.
Entre 1975 et 1984, des scientifiques ont montré qu’une baisse graduelle et inquiétante des taux d’ozone était en cours dans la stratosphère au-dessus de l’Antarctique. Un « trou » dans la couche d’ozone, qui se manifeste périodiquement durant le printemps austral au Pôle sud, est observé.
Le responsable vient de la pollution humaine, et notamment des chlorofluorocarbures (CFC). Il s’agit d’un « dérivé chloré et fluoré d’hydrocarbure, utilisé notamment dans les bombes aérosols, les isolants, les réfrigérateurs, qui a la propriété de dissocier les molécules d’ozone » et qui arrive à monter dans la stratosphère, définit Le Larousse.
• Pourquoi le trou est-il au-dessus de l’Antarctique?
Un trou dans la couche d’ozone a été observé au-dessus de l’Arctique mais il est moins important que celui observé en Antarctique explique à BFMTV.com le climatologue Didier Hauglustaine, chercheur au CNRS. On l’observe « surtout au-dessus de l’Antarctique où les conditions sont réunies, parce que c’est là où il fait le plus froid », détaille-t-il.
L’appauvrissement de la couche d’ozone est en effet « directement lié à la température de la stratosphère », explique l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM). Les nuages stratosphériques qui peuvent se constituer en Antarctique « contiennent des cristaux de glace capables de transformer des composés non-réactifs en composés réactifs, lesquels peuvent ensuite détruire rapidement l’ozone » avec l’effet des rayons du Soleil.
Pendant tout l’hiver, dans la nuit polaire, « sur ces particules de glace, une chimie se joue avec les particules de chlore » déposées par les CFC, détaille auprès de BFMTV.com Christa Fittschen, directrice de recherche au CNRS, spécialiste en chimie atmosphérique. Et dès que le Soleil arrive avec le printemps, la réaction chimique entrainant la destruction de l’ozone se fait.
Le trou dans la couche d’ozone s’agrandit ainsi pendant le printemps austral, d’août à octobre, explique l’OMM et « il atteint son maximum entre la mi-septembre et la mi-octobre. » Mais lorsque les températures de la stratosphère recommencent à augmenter, « l’appauvrissement de la couche d’ozone ralentit, et le vortex polaire s’affaiblit et finit par se décomposer. Ainsi, fin décembre, les concentrations d’ozone reviennent à la normale. »
• Comment la couche d’ozone va-t-elle se reformer?
En 1987 le protocole de Montréal est conclu pour protéger la couche d’ozone: il prévoit une réduction drastique de l’utilisation des CFC. Cet accord, ratifié par 195 pays, a fortement réduit la quantité de CFC dans l’atmosphère, ce qui doit permettre à la couche d’ozone de se reconstituer complètement dans les prochaines décennies, selon les estimations de l’ONU.
Le danger des CFC, c’est « qu’ils peuvent vivre des décennies dans notre atmosphère » explique Christa Fittschen, mais aussi qu’ils peuvent atteindre la stratosphère alors qu’il « n’y a pas beaucoup d’espèces qui arrivent jusque-là ».
Elle souligne également que les CFC se retrouvent dans la stratosphère un peu partout dans le monde, où ils dégradent également la couche d’ozone, mais ils n’ont pas la même incidence car les conditions ne sont pas aussi « favorables » qu’en Antarctique. Toutefois, « le protocole de Montréal a permis de quasiment tous les éliminer », souligne la directrice de recherche.
Depuis sa mise en place, ce protocole a intégré d’autres substances qui appauvrissent la couche d’ozone et réglemente aujourd’hui « la production et la consommation de près de 100 produits chimiques appelés ‘substances appauvrissant la couche d’ozone' », écrit l’OMM.
• Peut-on être optimiste?
Les conclusions optimistes des scientifiques de l’ONU ne sont pas une nouveauté, explique Christa Fittschen, « cela fait des années qu’on l’observe » une diminution du trou dans la couche d’ozone et, même s’il y a des saisons où il se fait beaucoup plus grand que d’autres, sur le long terme « on voit que ça se referme ».
Didier Hauglustaine souligne un « rapport positif » des experts de l’ONU, mais rappelle que nous sommes encore loin de la fermeture de ce trou dans la couche d’ozone. En septembre 2020, il avait ainsi atteint 24,8 millions de kilomètres carrés, soit plus de 40 fois la superficie de la France.
Il souligne également l’existence d’autres dangers pour la couche d’ozone comme le protoxyde d’azote N2O, « qui est à la fois un gaz à effet de serre et dangereux pour la couche d’ozone ». La présence d’avions supersoniques dans la stratosphère entraîne également « des émission d’ocyde d’azote qui peuvent détruire la couche d’ozone », prévient le climatologue.
Les experts de l’ONU ont également alerté dans leur rapport sur les potentiels effets sur l’ozone de projets de géo-ingénierie destinés à limiter le réchauffement climatique, comme l’injection d’une quantité considérable de particules de soufre dans la couche supérieure de l’atmosphère. Cela pourrait entraîner une grave baisse du niveau de l’ozone.
Il faut donc rester vigilant sur ces sujets, prévient Didier Hauglustaine, « même si les nouvelles sont bonnes ».
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