Stockage Objet : où en est-on ?

Est-ce que votre expérience personnelle dans la vente de logiciel pour stockage objet vous permet d’établir un premier état des lieux ? En d’autres termes, existe-t-il un véritable intérêt pour cette nouvelle stratégie de gestion des données et des fichiers ?  

E.G : D’une certaine manière il n’y avait pas grand suspense, ce qui explique également la raison pour laquelle ce nombre de fabricants se lancent dans cette aventure. En ce qui concerne mon domaine, à savoir l’archivage des données, c’est-à-dire l’accumulation des données sur le long terme, l’arrivée du stockage objet correspond à ces changements de cycles qui se produisent lorsque la quantité globale de données générées sur le marché informatique appelle à plus de flexibilité quant à l’accès aux fichiers.

Une grande révolution a eu lieu à la fin des années 2000 lorsque les utilisateurs informatiques prirent la décision de convertir leurs données de format papier en données numériques. Le papier était, dans l’absolu le meilleur format possible : pas cher, plus écologique que la donnée numérique, et qui propose une durée de vie en archivage de près de 100 ans. Le papier était l’option idéale jusqu’à une certaine quantité de données à conserver. Le problème étant que l’accès à une information perdue dans des salles d’archives contenant des milliers de pages de données devenait fastidieux. D’où la donnée numérique. De la même façon, l’incroyable explosion de création de nouvelles données au cours de la précédente décennie finit par convaincre les utilisateurs d’opter pour une gestion des données plus ergonomique, plus confortable.

La structure plate que propose le stockage objet, avec cette capacité à laisser les objets (ou fichiers) de manière non-structurée, réduit considérablement la charge de travail en termes de rangement des fichiers et favorise la localisation rapide des données grâce aux moteurs de recherches enrichis par les métadonnées qui deviennent une sorte de mots clés. De manière vulgaire, on peut dire que certains utilisateurs, qui sont confrontés à une création trop importante de fichiers, ne vont plus ranger leurs fichiers dans les ‘’dossiers jaunes’’, comme il nous arrive à tous de le faire, et, qu’en échange, ils vont travailler avec un moteur de recherche particulièrement puissant afin de retrouver rapidement leurs fichiers. Encore une fois, le File System qui est une solution particulièrement pratique est l’option idéale pour un grand nombre d’utilisateurs. Il peut toutefois imposer une charge de travail très importante à certaines entreprises qui stockent une quantité importante de fichiers.

Maintenant, et après toutes ces explications, nous avons constaté un autre facteur clé dans le succès actuel du stockage objet : la transmission et le partage des données. 

Qu’entendez-vous par transmission et partage ?  

E.G : Nous observons un besoin grandissant dans certains segments de l’économie de faciliter la transmission des données et leur accès à un plus grand nombre d’individus au sein des entreprises. C’est un fait dans le domaine financier, dans les banques. C’est également le cas dans le secteur scientifique où on a besoin de rapatrier des résultats de recherches effectuées dans différents bureaux à un point central. Des universités veulent donner un meilleur accès aux données à leurs étudiants.

L’industrie et le Broadcast sont également friands de telles améliorations. Dans ce domaine, la grande utilisation du S3 d’Amazon, combiné à la nature même du stockage objet ont clairement joué un rôle positif. La fonction Multipart Upload, qui n’est pas propre au stockage objet, permet, aujourd’hui, de transférer des fichiers de tailles bien plus importantes que par le passé. Le S3 est un protocole dit ‘’ouvert’’, ce qui veut dire qu’il profite des mises à jour effectuées par des centaines d’utilisateurs à travers le monde : le résultat étant qu’il propose un extraordinaire éventail de compatibilités avec les logiciels, applications et langages existants. Cela résulte en une installation plus facile du système et une réduction de la charge de travail.

Enfin, la structure plate du stockage objet, mentionnée plus haut, contribue à un accès plus facile aux données. Toutes ces améliorations contribuent à cette idée que, demain, une donnée ne sera plus seulement accédée par l’individu qui l’a enregistrée mais par un plus grand nombre d’utilisateurs. Dans mon domaine, l’archivage des données, le stockage objet est clairement perçu comme une solution allant dans ce sens. Cela dit, nous ne pouvons pas nous contenter d’analyser le mécanisme du succès du stockage objet en listant les avantages qu’il procure. Si nous devons établir de manière objective une description schématique de la pénétration d’un produit dans le monde informatique, nous devons observer l’attrait que le produit a généré chez les utilisateurs, autant que la place que le stockage objet prend dans l’offre des fabricants de stockage vers ces utilisateurs.

Nous avons, ici, ce qui est très commun à notre métier une double pression : de la demande vers l’offre, autant que de l’offre vers la demande. Je vois chez mes confrères qui vendent des solutions sur HDD ou sur bandes une mutualisation plus importante de l’offre de Hardware avec des solutions pour stockage objet. Ce fut même le cas chez nous : des utilisateurs nous ont contactés afin de les aider à dessiner des architectures de systèmes de stockage de données, et nous y avons naturellement inclus notre logiciel. Le renouvellement du Hardware contribue, donc, également à la diffusion du stockage objet sur le marché. Je peux, enfin, ajouter qu’il faut toujours prendre en compte le prisme à travers lequel je regarde ce marché du stockage objet qui est celui d’un fabricant de solutions de stockage sur bandes. Nous, Fujifilm, faisons partie de cette famille de fabricants qui ont développé des logiciels afin de répondre à une demande forte des utilisateurs de pouvoir stocker des Objets sur bandes. 

Alors, justement, où en est le marché de la bande ?  

E.G : Aujourd’hui la bande s’est clairement imposée comme la solution la plus usitée lorsqu’il s’agit de conserver les données sur le long terme. Elle est une solution sans égal sur des questions clés telles que la durée de vie en archivage, l’intégrité des données, la protection contre les virus et hackers, le coût d’utilisation, l’empreinte écologique, l’espace au sol requis pour accumuler les données dans le temps et la vitesse d’écriture.

La solution qui combine le disque avec la bande est celle qui est pratiquée par environ 90% des 1000 plus grandes entreprises Européennes. En caricaturant on pourrait même dire que toutes vos données sont sur bandes : les films que vous regardez, les données de vos enfants à l’école, vos dossiers médicaux, vos impôts, vos posts sur les réseaux sociaux…même les prévisions météo sont sur bandes. La bande, c’est une drôle d’histoire. Elle fut utilisée comme un produit de sauvegarde jusqu’à l’essor du disque dur, à l’époque où les gens conservaient leurs archives sur papier. Elle déclina, dès lors, tout au long des années 2000. Ce fut la concomitance de trois évènements qui déclencha la croissance spectaculaire de la bande au début des années 2010.

Le premier évènement fut la vague importante de conversion de données du papier et du format analogique vers la donnée digitale dans la deuxième moitié des années 2000. Le deuxième fut la réaction naturelle des autorités publiques vers cette vague chaotique de création de données digitales, qui rappelons-le, proposait une durée de vie en archivage bien moins importante que le papier. Devant ce risque important de pertes de données au sein des entreprises Européennes, nous avons assisté à un boom de réglementations et lois sur la conservation des données numériques sur le long terme. Ceci a clairement joué en faveur de la bande qui peut conserver les données durant des décennies, 7 à 8 fois plus longtemps que le disque dur. Elle offre également une intégrité des données 10 000 fois supérieure à celle du disque dur SATA Enterprise. Le troisième évènement, et non des moindres, fut que les fabricants de technologie bande furent capables de produire des innovations technologiques afin de pouvoir absorber cette masse importante de données qu’il fallait sécuriser sur le long terme. A ce sujet, je ne peux que rendre hommage au travail effectué par les équipes de R&D de Fujifilm et de IBM. Il est facile de vouloir augmenter la capacité de stockage ou la vitesse d’un produit, encore faut-il que cela fonctionne. Dans notre monde du magnétique, toute amélioration de capacité ou de vitesse met en péril la qualité des signaux émis par les données vers les têtes de lecture ou écriture. Je pourrais en parler durant des heures, mais je me dois, ici, de citer pêle-mêle les innovantes technologies de couchage sur bandes de Fujifilm, les Barium Ferrite et Strontium Ferrite, couplées aux développements d’IBM avec la tête Terzetto, les multiples canaux d’écriture, leur technologie TMR, etc.. Ces développements sont autant d’innovations qui ont permis de proposer des produits sans concurrence, aujourd’hui sur le marché, en termes de très haute capacité de stockage. C’est pour toutes ces raisons que la bande s’est imposée comme le produit standard dans le domaine de l’archivage des données, et que les utilisateurs demandent des logiciels leur permettant de stocker des objets sur bandes. 

Quelles sont les principales préoccupations ou demandes des utilisateurs quant à l’utilisation du stockage objet et quels sont les principaux défis auxquels les fabricants sont confrontés ?  

E.G : Nous pouvons séparer la réponse en deux segments. Je vous répondrai sur la partie logicielle en premier, et, dans un deuxième temps, j’évoquerai la partie Hardware et support de stockage.

En ce qui concerne le logiciel FUJIFILM Object Archive, le cahier des charges que nous avons établi lors de l’élaboration du produit, indiquait une forte demande de flexibilité quant à la compatibilité de notre logiciel. En d’autres termes, les utilisateurs nous demandaient de leur fournir une grande liberté de choix quant à la composition de leurs solutions de stockage : nous avons dû créer un logiciel qui proposait une large palette de compatibilités avec les librairies de bandes existantes, ainsi qu’avec les logiciels de sauvegarde qu’ils utilisaient. Dans cette même philosophie, il leur était essentiel que nous leur proposions une politique de sortie facile et gratuite. Très concrètement, nous devions développer une solution qui leur permette de pouvoir lire, localiser le fichier, et les enregistrer sur un nouveau logiciel même après avoir perdu les fonctionnalités propres au notre. Reconstituer l’index après l’avoir perdu, comprendre la nature des fichiers malgré la perte du logiciel etc…

En ce qui concerne le lecteur et la bande, étonnement, nous n’avons pas constaté une forte demande pour améliorer la vitesse d’écriture des lecteurs, qui est déjà bien supérieure à celle du disque dur. Clairement, les utilisateurs nous demandent de produire des solutions sur bandes de très forte capacité afin de pouvoir contenir le coût en espace au sol de la conservation des données. Nous avons mené une enquête auprès d’un large panel d’utilisateurs qui nous ont expliqué que le coût de conservation d’une cartouche de bande fluctuait entre 0.10 et 0.15 Eu par mois. C’est dans cet esprit qu’IBM est en train de préparer le lancement de la nouvelle bande 3592JF sur des lecteurs TS1170, dont la date de lancement reste à confirmer dans les prochaines semaines, mais nous savons déjà que cette nouvelle génération de bandes va atteindre un niveau de performance sans précédent dans notre métier. D’un point de vue technologique, nous pouvons parler d’un véritable tremblement de terre. La capacité est à confirmer elle aussi, mais les roadmaps indiquent que la 3592JF pourra contenir au minimum 40TB de données.

Il existe, donc, de fortes chances qu’en 2023, un utilisateur puisse contenir 50PB de données sur un espace au sol de 6.3m2, zone de service incluse !!! Nous devons attendre encore un ou deux mois pour en savoir plus. En ce qui concerne Fujifilm nous entrons dans la phase de transition de notre technologie Barium Ferrite vers la Strontium Ferrite, une technologie qui pourra permettre de réduire considérablement la taille de nos particules tout en maintenant une puissance de sortie importante. En laboratoire, Fujifilm et IBM ont réussi à démontrer qu’il était possible de fabriquer une bande pouvant contenir jusqu’à 580TB de données. Nous avons, encore, d’énormes perspectives de développement sur ce chantier de capacité de stockage et de réduction d’espace au sol. 

Retrouvez plus d’informations sur notre site : https://www.fujifilm.com/fr/fr/business/data-management/data-archive/object

Elisabeth Gameiro
Directrice des ventes
Fujifilm Recording Media France

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