Rihanna, Jay-Z et le groupe Coldplay lors de la cérémonie de clôture des Jeux paralympiques de Londres, le 9 septembre 2012. (BEN STANSALL / AFP)

Une édition à part. En ce dimanche 9 septembre 2012, des feux d’artifices illuminent le ciel de Stratford, dans la banlieue est de la capitale anglaise. Il y a dix ans jour pour jour, dans l’enceinte du stade olympique flambant neuf, on célèbre la fin des Jeux paralympiques de Londres, une 15e édition marquante à plus d’un titre.

Après la parade des athlètes, les tableaux se succèdent jusqu’à un momentum. Aux sons des tambours, disséminés ici et là sur la pelouse, deux voiliers mobiles font irruption au centre du terrain, transformé pour l’occasion en salle de spectacle. Sur l’un des navires, la chanteuse des Barbades, Rihanna, se dévoile. Sous les acclamations de la foule, elle accompagne alors Chris Martin, le leader du groupe Coldplay, sur le morceau « Princess of China ». Quelques minutes plus tard, les deux stars sont rejointes par le rappeur Jay-Z, autre vedette de rang international, venu se mêler à la fête.

Dix ans après, la quadruple médaillée paralympique de judo (catégorie déficient visuel) Sandrine Martinet se souvient encore de cette cérémonie de clôture. « C’était incroyable, un moment gravé à jamais. Avoir de telles célébrités pour conclure les Jeux, c’était un message fort », ajoute-t-elle. D’autant plus fort que bien avant sa conclusion, Londres 2012 avait donné le ton d’une édition à part. Au point qu’aujourd’hui encore, l’événement fasse office de point de bascule dans le monde du parasport.

Premier skipper en situation de handicap (il est né sans main gauche) à avoir bouclé le Vendée Globe en 2021, Damien Seguin était le porte-drapeau de la délégation tricolore lors de la cérémonie d’ouverture. Il a vécu aux premières loges cet engouement inédit dans la capitale britannique. « Le plus frappant, c’était le monde qui était mobilisé pour venir voir les athlètes dans les stades, les piscines etc. », se rappelle-t-il. « Il y avait des volontaires presque partout dans la ville pour aiguiller les gens, on a vraiment senti qu’une marche avait été franchie dans la qualité d’organisation », précise celui qui a participé à quatre éditions des Jeux paralympiques, de 2004 à 2016 (pour deux titres et une médaille d’argent).

Pour Sandrine Martinet aussi, l’atmosphère qui régnait à Londres était sans commune mesure avec ses expériences précédentes. « On a senti une espèce d’émulation qui a fait qu’on était obligés de parler de nous. Le public était beaucoup plus connaisseur des différentes disciplines, des sportifs et sportives… Là on s’est dit : ‘OK, les mentalités commencent à évoluer' », ajoute-t-elle.

En coulisses, nombreuses sont les personnes à avoir oeuvré pour la candidature britannique, et cela dès 2002. Rapidement, l’objectif d’offrir un nouveau visage aux Jeux paralympiques est mis en avant. « Ce qui a été unique, c’est que le Comité d’organisation a compris très vite que cet événement pouvait être porteur », explique Lambis Konstantinidis, directeur de la planification et de la coordination au Comité d’organisation de Paris 2024 et qui a travaillé sur la plupart des dernières éditions. « Les Jeux paralympiques n’étaient pas perçus comme une annexe dans les contrats derrière les JO, c’était quelque chose sur lequel il (le Comité) voulait investir pour le repositionner comme un événement planétaire majeur. »

À la tête des équipes de Londres 2012 en tant que directeur de l’intégration, Chris Holmes avait la casquette de grand ordonnateur. Sous son impulsion, un seul et même Comité d’organisation, oeuvrant à la fois pour les Jeux olympiques et paralympiques, a été créé. Un argument de poids qui, de son avis, a participé au succès de cette édition. « Je ne voulais pas que l’on ait simplement une légère progression de la diffusion, du nombre de spectateurs… Nous avions toutes les cartes en main pour créer un tout nouveau paradigme paralympique », explique le nonuple champion paralympique de natation (catégorie déficient visuel). Finis les billets gratuits – « le parasport a une valeur » – et bienvenue aux sponsors historiques des JO dans le giron paralympique.

Autre argument massue : l’engagement plein et entier de Channel 4 aux côtés du Comité d’organisation. « L’un des plus gros accords conclus en 2012 », précise Chris Holmes. Grâce au soutien de la chaîne de service public et à une campagne de promotion XXL, la mobilisation du public britannique sera au rendez-vous. Les spots de publicité placardés dans toute la ville – « rencontrez les superhéros » – auront leur petit effet.

Pour Charlotte Fairbank, joueuse de tennis fauteuil qui a disputé ses premiers Jeux à Tokyo l’été dernier, Londres a surtout apporté un nouveau regard sur le parasport. « On a eu le sentiment que les athlètes paralympiques ont enfin été perçus comme de vrais sportifs, que les gens se sont rendu compte que c’est aussi dur d’atteindre le haut niveau que chez les valides. » 

C’est ce changement de mentalité qui a évolué avec les Jeux et qui, selon elle, a structuré la question de l’accessibilité dans la capitale. « Les gens se sont dit : ‘ok, les personnes en situation de handicap peuvent être autonomes et peuvent tout faire’, donc on va rendre cette ville la plus accessible possible pour que ces personnes gardent cette indépendance ».

Avec l’essentiel de ses sites olympiques construits ex nihilo, Londres 2012 a pu intégrer les meilleures pratiques sur l’accessibilité des équipements sportifs. En parallèle, le quartier de la South Bank, situé sur la rive sud de la Tamise, autour de la gare de Waterloo, a été grandement modifié. « Nous avons mis en place un projet d’amélioration pour rendre tous ces espaces physiques accessibles et inclusifs, qu’il s’agisse des commerces mais aussi les cafés ou institutions culturelles (Southbank Centre, le National Theatre…)« , ajoute Chris Holmes. Le quartier de Stratford, l’un  des plus pauvres de la capitale britannique, a lui aussi été considérablement aménagé.

Le London Eye au coeur de la South Bank, au bord de la rive sud de la Tamise, en octobre 2012. (EURASIA PRESS / PHOTONONSTOP)

Selon le président du Comité paralympique international (IPC) Andrew Parsons, plus d’un million d’embauches supplémentaires de personnes en situation de handicap ont eu lieu après les Jeux paralympiques au Royaume-Uni. Une progression sociale et sociétale dont la France espère bien profiter en 2024.

« Il ne faut pas sous-estimer l’ampleur du défi qui attend Paris dans deux ans »

Chris Holmes

à franceinfo: sport

Cette dimension héritage a rapidement été établie comme l’une des priorités de la part de Tony Estanguet et du Cojo, mais les résultats seront, quoi qu’il en soit, difficiles à évaluer sur le temps court. L’enjeu pour le parasport et les athlètes, lui, se trouve ailleurs pour Damien Seguin. « Depuis quelques années, on en parle un peu plus, mais la médiatisation reste assez marginale, un petit peu comme l’était le sport féminin il y a quelques années. J’ai l’impression que l’on suit la même courbe, les choses vont s’améliorer et on a besoin de moments symboliques, comme Londres 2012 l’a été. Et, comme je l’espère, Paris le sera. »

Des premiers jalons ont été posés, avec la réunion des athlètes olympiques et paralympiques au sein d’une seule et même équipe de France, avec le partage d’un même emblème… Une volonté d’unité sans précédent qui illustre l’évolution de la prise en compte du parasport. « Si l’on compare les valeurs de la République française et celles du mouvement paralympique, on en retrouve une en commun : l’égalité », soulève, observateur, Chris Holmes. « Ce serait un lien merveilleux de donner vie à cela. C’est aussi ce qui me fait dire que oui, Paris a aussi incontestablement beaucoup plus de pression sur les épaules. »

Cliquez ici pour lire l’article depuis sa source.

Laisser un commentaire