Cette fois, elle a dû patienter. Après avoir plié le Giro dès les trois premières étapes au début du mois, Annemiek van Vleuten a fait le doublé en empochant ce Tour de France femmes nouvelle version. Diminuée par des soucis gastriques en début de semaine, la légende néerlandaise a failli abandonner. Quelques jours plus tard, dimanche 31 juillet, elle a fait son entrée au panthéon de la petite reine.
A 39 ans, Annemiek van Vleuten est au sommet de son art et du cyclisme mondial.
Au départ de Paris, la rouleuse au palmarès hors norme (trois Giro, deux Strade Bianche, deux Liège-Bastogne-Liège, deux Tour des Flandres, un titre olympique, un de championne du monde) la jouait pourtant profil bas malgré ses 92 victoires en carrière. « C’est une grande étape pour moi, je suis très excitée de voir le Tour de France de retour sur le calendrier, mais j’espère que les médias et les supporters auront l’esprit ouvert et parleront des autres, et pas que de moi. »
Quand on lui parlait du maillot jaune, exposé à quelques mètres d’elle, Van Vleuten préférait esquiver. « Je n’ai pas encore la sensation de le porter. Reinterrogez-moi quand je l’aurai (rires). C’était un rêve d’être sur le Tour à mon niveau maximal, déjà. Je suis excitée et fière de voir ce Tour organisé pour nous. Mais non, je ne rêve pas du jaune ». Elle l’a néanmoins endossé à l’arrivée de la 7e étape, au Markstein. On a donc pu lui reposer la question.
« Pour moi, au départ, le maillot jaune c’était plutôt quelque chose qui était réservé aux garçons, donc je n’avais pas de rapport spécial avec. Et puis j’ai vu Marianne Vos avec et… »
Annemiek van Vleuten, gagnante du Tour de France femmesà franceinfo: sport
En dépit de son statut d’hyper favorite et d’une équipe Movistar bâtie pour elle, Annemiek van Vleuten assure pourtant avoir vécu « un petit miracle ». Malade, dans l’ombre de ses compatriotes Lorena Wiebes (Team DSM) et Marianne Vos (Jumbo-VIsma), qui ont tour à tour enfilé le maillot jaune, la diplômée d’épidémiologie a rongé son frein, limitant les dégâts avec une 1’28 de retard à l’heure d’aborder les Vosges. C’est là qu’elle s’est réveillée, éparpillant le peloton et la concurrence.
« C’est quelque chose de spécial car je sais d’où je reviens. Avoir été malade pendant les trois premiers jours de ce Tour, ça rend cette victoire spéciale. »
Au départ de la septième étape, tout le monde était pourtant au courant. Depuis la veille, le bruit courrait que Van Vleuten était rétablie et revenue à 100% de ses capacités. L’appétit était de retour. La concurrence allait se contenter des miettes. Le matin du départ, une consœur néerlandaise l’assurait : « Elle va détruire tout le monde dès le premier col. » Elle a vu juste. Dans le Petit Ballon, Van Vleuten s’est échappée en compagnie de Demi Vollering (SD Worx).
Mais sa cadette attendra pour la gloire du maillot jaune. A un an et demi de sa retraite annoncée pour fin 2023, Annemiek van Vleuten a fait parler la poudre pour faire exploser sa seule rivale. Au terme d’une étape de légende, bouclée avec plus de trois minutes d’avance après avoir roulé seule pendant plus de 60 km, en montagne, elle a enfin enfilé ce maillot jaune. « Mon style, c’est d’attaquer, et de ne pas attendre le dernier moment. J’avais fait une reconnaissance de l’étape, et j’avais vu que le Petit Ballon était une montée difficile. Après six jours passés à ‘survivre’, je voulais faire les plus gros écarts possibles », racontait la patronne à l’arrivée.
En jaune à la veille du finale à la Super Planche des Belles Filles, elle pouvait enfin souffler. « Il y a de la pression, évidemment, mais j’en avais aussi à Tokyo [aux Jeux olympiques, en 2021], je suis habituée (rires). Pour certaines, inexpérimentées, ça peut être perturbant. Pour moi c’est déjà de l’excitation », prévenait-elle avant même le Grand Départ. Si la Super Planche des Belles Filles a, dans un passé pas si lointain, déjà coûté la victoire à un maillot jaune sur le papier intouchable (Primoz Roglic y a perdu le Tour 2020 au profit de Tadej Pogacar, à la veille de l’arrivée), personne ne s’inquiétait vraiment pour l’autre reine des Pays-Bas.
La première gagnante du Tour de France 2022 a l’habitude de revenir de loin. Longtemps joueuse de football, elle a raccroché les crampons en 2006, à cause de problèmes récurrents aux genoux. Pour compenser, elle a eu la bonne idée d’enfourcher un vélo. Un an plus tard, elle a été sacrée championne universitaire des Pays-Bas, et vice-championne du monde universitaire du contre-la-montre.
Sa progression a suivi la même trajectoire linéaire, alors qu’elle a explosé au début des années 2010. Très vite, Van Vleuten a empilé les succès, devenant même numéro un mondiale en 2017. Deux ans après, elle a confirmé en s’offrant le Giro et le maillot arc-en-ciel, et ce, dix ans après avoir été opérée de l’artère fémorale. « Vleuty » a l’habitude de se battre. A l’image de son étape vers la Super Planche des Belles Filles, marquée par trois changements de vélo, et beaucoup de temps passé à rattraper la tête de course.
Mais toujours aussi imperturbable, la maillot jaune a refait son retard, avant d’écœurer la concurrence une nouvelle fois. Surpuissante, elle a terminé seule en tête au sommet, s’offrant une seconde étape en deux jours. Sur le toit du monde, Annemiek van Vleuten n’évolue pas sur la même planète que le reste du peloton. Forte de ses 94 victoires en carrière, la reine du cyclisme mondial peut désormais viser un incroyable triplé Giro-Tour de France-Vuelta.
En attendant, elle va pouvoir rentrer dans sa maison de Livigno, où elle a célébré son Giro comme il se doit. « Dans notre sport, on ne prend jamais le temps de fêter nos victoires. Il faut le faire. Après le Giro, j’allais rouler tous les jours avec mon vélo rose pour savourer ». Annemiek van Vleuten va pouvoir recommencer, avec un vélo jaune, cette fois.
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