Dans une étude publiée mercredi dans la revue Nature et portant sur plus de 500 restes fossilisé, des chercheurs ont dressé un modèle de domination progressive des dinosaures.
Excréments, vomis et restes fossilisés d’aliments dans l’intestin constituent autant d’indices de la spectaculaire ascension des dinosaures vers la suprématie sur le règne animal, il y a plus de 200 millions d’années, selon une étude publiée mercredi 27 novembre dans la revue Nature.
On en sait beaucoup sur leur existence et leur disparition il y a 66 millions d’années. Mais « on en sait très peu sur leur ascension », une véritable conquête du monde en environ trente millions d’années, rappelle à l’AFP le paléontologue Martin Qvarnström, à l’Université suédoise d’Uppsala, premier auteur de l’étude.
L’équipe de chercheurs supervisée par le paléontologue Grzegorz Niedzwiedzki, lui aussi à Uppsala, livre une revue exhaustive de plus de 500 bromalites, les restes fossilisés de ce que les dinosaures du Bassin polonais digéraient, vomissaient et excrétaient.
En identifiant leur contenu et en le liant à leurs producteurs, les chercheurs « peuvent commencer à connecter qui mangeait qui ou quoi », explique Martin Qvarnström. Et montrer ainsi « comment le rôle écologique des dinosaures a changé avec le temps ».
Des scarabés et des os broyés dans les excréments
Les coprolithes, des excréments fossilisés, ont été sondés avec des techniques de pointe comme la microtomographie par synchrotron. Qui révèle des scarabées presque intacts, des vertèbres ou dents de poissons, fragments de plantes, os broyés.
En croisant ces données avec celles de la paléontologie et de l’évolution du climat et de la flore, ils ont dressé un modèle de domination progressive des dinosaures. Qu’illustrent le diamètre et la longueur moyenne des bromalites de vertébrés, qui triplent pour ceux du bassin polonais en 30 millions d’années. Le gabarit de leurs propriétaires va suivre, sur cette période allant de la fin de l’ère du Trias au début du Jurassique.
Les « précurseurs » de la lignée, les Silesaurus, sont « plutôt petits », avec à peine un mètre à l’encolure et pesant au mieux 15 kilos. Mais là où l’animal dominant du moment, le Dicynodontes, une espèce de barrique quadrupède de quelques tonnes, se nourrit exclusivement de conifères, Silesaurus a un atout de taille, il est omnivore.
« En étudiant ses crottes, on voit qu’il mange toutes sortes de choses, beaucoup d’insectes, de poissons et de plantes », raconte Martin Qvarnström.
Opportuniste et omnivore, il va s’adapter rapidement à des changements radicaux de l’environnement, comme l’épisode pluvial du Carnien. Porteur d’humidité, il entraîne une grande diversification de la flore. Qui surprend les gros herbivores du moment, incapables de s’adapter à ce changement de diète.
« Les dinosaures ont eu un peu de chance »
Silesaurus, et plus tard les dinosaures herbivores à long cou – ancêtres des diplodocus -, vont eux « festoyer avec ces nouvelles plantes ». Devenant de plus en plus gros, ils stimulent la croissance des théropodes, des dinosaures se tenant sur deux pattes et plutôt carnivores.
De façon qu’à l’entrée du Jurassique, le paysage est dominé par des herbivores imposants et de féroces carnivores.
« Les dinosaures ont eu un peu de chance, mais ils étaient aussi très bien adaptés à cet environnement changeant », résume Martin Qvarnström, dont l’étude se garde de trancher le débat sur les raisons de cette suprématie.
Il oppose partisans de « l’exclusion compétitive » – attribuant aux dinosaures des avantages anatomiques et physiologiques – à ceux du « remplacement opportuniste » pour qui ils auraient bénéficié de la disparition d’autres groupes, rappelle le professeur de paléontologie Lawrence H. Tanner, au Le moyne Collège, dans un article accompagnant l’étude.
Un « point de départ pour de futurs travaux »
L’équipe d’Uppsala suppose qu’une combinaison de ces deux approches a sacré le règne des dinosaures, avec des changements environnementaux coïncidant avec une adaptation alimentaire.
Cette recherche doit être vue comme un « point de départ pour de futurs travaux », selon Lawrence Tanner. Car même si elle repose sur une « méthodologie particulièrement créative », avec un éventail de moyens techniques remarquables, elle reste « limitée dans son contexte et son étendue » au bassin polonais, qui faisait alors partie du supercontinent de la Pangée.
Martin Qvarnström n’en fait pas mystère. Et espère que le « modèle construit dans une zone puisse être vrai pour d’autres », notamment dans le sud de la Pangée, qui a vu apparaître les premiers vrais dinosaures.
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