Renard, sangliers, ours... Que viennent faire les animaux sauvages en ville?

LES ANIMAUX ET LA VILLE (3/4) – BFMTV s’intéresse cet été à ces animaux qui, malgré le béton, la pollution et la flore plus rare qu’ailleurs, arrivent à vivre avec nous en ville. Dans ce troisième épisode, rendez-vous avec les animaux sauvages qui s’aventurent en ville, et y restent.

Un sanglier dans les rues de Rome (Italie), un renard à l’aéroport d’Orly (Île-de-France) ou encore un ours dans la banlieue de Los Angeles (États-Unis)… Ces scènes mêlant des animaux associés à la nature, au sauvage, aux milieux urbains peuvent surprendre. Mais elles sont récurrentes.

Certains animaux, comme les rats, les pigeons ou même les chats, sont considérés comme des habitants « normaux » de la ville, contrairement à ceux dont la présence surprend davantage, comme les sangliers, les cerfs ou les fouines.

« C’est vrai que c’est incongru, on ne s’attend pas à voir un renard sur un parking de supermarché », déclare à BFMTV.com Marc Giraud naturaliste et porte-parole de l’ASPAS (Association pour la protection des animaux sauvages). « Il y a un choc des cultures entre ces animaux sauvages et libres et l’aspect minéral et rigide de nos villes. »

En ville « ils peuvent trouver sécurité et nourriture »

La présence a priori atypique de ces animaux dans de grandes villes est due à plusieurs facteurs, explique Patrick Haffner, spécialiste des mammifères à PatriNat (OFB – MNHN – CNRS). D’une part, « la nourriture est parfois plus abondante en milieu urbain », explique-t-il, notamment à travers les déchets laissés par l’homme, sur lesquels se nourrissent déjà des populations citadines, comme les rats ou les cafards.

Il souligne d’ailleurs que les mammifères qui colonisent les villes sont principalement omnivores, et peuvent se nourrir de différentes sources, à l’inverse « il y a peu d’herbivores ou de carnivores stricts qui vont s’installer ».

D’autre part, la ville peut représenter pour certaines espèces, comme les renards, un lieu plus à l’abri, « il n’y a pas de chasse, et ils peuvent se cacher » explique Marc Giraud. Des renards vivent ainsi dans le cimetière de Père Lachaise, un lieu plein de recoins qui permet aux individus vivant sur place de ne pas se montrer. En somme, en zone urbaine « ils peuvent trouver sécurité et nourriture », déclare le naturaliste.

Charlotte Récapet, maîtresse de conférences à l’université de Pau et des pays de l’Adour, explique également à BFMTV.com que « l’on peut retrouver en Île-de-France des lacs dans des zones urbaines où il y a beaucoup d’oiseaux car il y a peu de chasse ».

Il y a en effet « peut-être moins d’hostilité de la part des hommes en ville qu’à la campagne », ajoute Patrick Haffner, « il ne faut pas oublier que le renard est un prédateur, cela reste des animaux qui peuvent faire des dégâts » sur les poulaillers par exemple, que l’on retrouve moins dans les métropoles.

« C’est nous qui envahissons leur territoire »

Il faut toutefois rappeler que si les animaux sauvages se retrouvent en agglomérations, c’est surtout parce que « la ville colonise la campagne » et les zones d’habitats naturels de ces espèces, souligne Patrick Haffner, « c’est une cohabitation qui peut être forcée ». « On peut aussi considérer que c’est nous qui envahissons leur territoire, c’est plutôt la ville qui envahit la campagne que le contraire », abonde Marc Giraud.

Patrick Haffner cite l’exemple de Mumbai en Inde, qui s’étend autour du parc national Sanjay Gandhi, où il y a une confrontation directe entre le bâti et la forêt. Sur place « des léopards peuvent fréquenter la ville, il y a une interpénétration directe du très sauvage et de la ville », explique-t-il. Ces animaux voyant leur espace vital grignoté « ont appris à manger chats et chiens errants ».

Cette situation où le sauvage se voit directement confronté à l’urbain se retrouve également en Floride (États-Unis) où les marécages des Everglades, connus pour leurs alligators, sont accolés à la métropole de Miami, ou encore dans la réserve naturelle de Nairobi (Kenya) – où on trouve des lions, des rhinocéros ou encore des buffles – collée à la capitale.

En France pas « de grands carnivores » dans les villes

Mais si des loups et des ours sont présents en France, « on n’est pas prêt du tout de voir débarquer ces grands carnivores » dans les villes, déclare Patrick Haffner, « les ours sont trop peu nombreux, très forestiers et ils ont peur de l’homme ». Et quant au loup « c’est possible de le croiser mais cela restera un phénomène marginal et occasionnel car ils ont besoin d’un très grand territoire, ils sont très mobiles », et craintifs de l’homme également.

Selon les deux spécialistes, il ne faut pas craindre le loup qui ne s’en prend que très rarement à l’homme.

Et « l’ours peut attaquer si on se rend sur son territoire, qu’il se sent menacé, mais il ne recherche pas l’homme comme proie », explique Charlotte Récapet. « Le grizzly ou l’ours blanc sont des animaux un peu plus imprévisibles et peuvent être dangereux », ajoute Patrick Haffner.

Si les ours sont plus fréquemment observés en bordure de ville sur le continent américain, c’est d’une part parce qu’ils y sont plus nombreux, mais aussi parce que « l’interpénétration de leur territoire est plus forte aux États-Unis car la ville s’étend plus », explique Patrick Haffner.

« Ils savent se cacher de nous »

En réalité, entre les pollutions ou encore les véhicules, c’est plutôt la ville qui est un danger pour l’animal que l’inverse. D’ailleurs, la période où le plus d’animaux sauvages ont été aperçus dans les zones urbaines denses est celle ou les hommes étaient le moins actif: le confinement de 2020 dû au Covid-19.

Deux daims avaient par exemple été filmés dans les rues de Boissy-Saint-Léger (Val-de-Marne), où un troupeau de chèvres sur les trottoirs de Llandudno (Pays-de-Galles).

Mais cela ne veut pas forcément dire que ces animaux ont été plus nombreux à se rendre en ville durant cette période, ils n’ont pas forcément découvert le béton pendant le confinement, explique Marc Giraud. Ceux qui vivent en zone urbaine « sont très discrets, on ne les voit pas » et ils ne sortent habituellement que la nuit, « ils savent se cacher de nous ».

« Certains animaux sont devenus nocturnes pour éviter l’homme », explique Patrick Haffner. Pendant les confinements, « ils étaient certainement plus actifs en journée donc on les voyait plus ».

« La notion de sauvage est construite par l’homme »

Et si les animaux cités plus haut sont encore considérés comme sauvages, le spécialiste des mammifères rappelle que certaines espèces de chauve-souris, « vivent en ville depuis toujours mais on les voit rarement car elles vivent la nuit ». Il déclare également qu’à Orléans (Loiret), « en pleine ville on peut tomber sur des castors qui n’ont pas tellement peur » de l’homme.

« La notion de sauvage est construite par l’homme et fluctue beaucoup avec le temps », explique Charlotte Récapet, « les animaux associés à la ville ont été sauvages un jour, comme le martinet ou le choucas des tours qui vivaient sur les falaises. D’autres sont passés par la case animaux domestiques avant », comme les pigeons.

Charlotte Récapet souligne que ce qu’on appelle « sauvage » aujourd’hui pourrait s’appeler « animal liminaire » demain. Les animaux liminaires sont des espèces vivant dans l’espace urbain, mais n’étant ni réellement domestiques, ni sauvages. Le site GéoConfluences cite parmi elles les rats et les pigeons.

Difficile toutefois d’imaginer aujourd’hui croiser, sans s’étonner, un cerf devant la Tour Eiffel. D’autre part, les sangliers peuvent faire des dégâts sur leur passage, sans compter qu’il s’agit d’une espèce prolifique, et la fouine peut grignoter les composants d’une voiture, ce qui peut s’avérer extrêmement dangereux. Le renard est lui déjà considéré comme nuisible dans plusieurs territoires.

« On doit se réjouir de cette présence »

Mais pour Patrick Haffner, c’est une question d’adaptation, et la cohabitation « est tout à fait possible », même si on parle de plusieurs années d’acclimatation avant d’y arriver, « l’équilibre se fera au fur et à mesure ». Il rappelle d’ailleurs que certaines espèces jouent leur rôle dans l’écosystème urbain, « en mangeant des rongeurs ou des déchets ».

Globalement, les spécialistes interrogés voient surtout l’effet très positif de l’existence de certaines espèces sauvages en ville.

« On doit se réjouir de cette présence » s’enthousiasme Marc Giraud, pour qui « la cohabitation est le mot-clef ».

Cela signifie que les milieux urbains peuvent être favorables à la faune », déclare Charlotte Récapet. Pour elle « il faut amener les gens à s’intéresser aux populations animales en ville pour qu’ils les connaissent mieux, apprennent à les comprendre et peut-être les acceptent davantage » à l’avenir.

Salomé Vincendon Journaliste BFMTV

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