AVIS D’EXPERT. La baisse du seuil d’émissions de CO2 de 15% sur les véhicules neufs vendus en Europe agite les pouvoirs publics, les constructeurs et la filière automobile… Est-ce que des constructeurs vont vraiment payer des milliards d’euros d’amendes à cause des émissions de CO2 de leurs véhicules neufs?
Depuis le 1er janvier 2025, les constructeurs automobiles doivent réduire leurs émissions de dioxyde de carbone de 15% par rapport à 2021, selon le règlement « CAFE » (Corporate Average Fuel Economy). De 2025 à 2029, il fixe le seuil maximum à ne pas dépasser pour les constructeurs, soit 93,6 grammes de CO2/km en moyenne. Les constructeurs automobiles doivent suivre leurs ventes de véhicules au plus près. En effet, les émissions de CO2 dépendent des modèles vendus en Europe et donc de la répartition entre thermiques (essence ou diesel), hybrides et électriques.
Les stratégies de consortium de certains constructeurs
Tout d’abord, la plupart des constructeurs automobiles offrent des véhicules hybrides et hybrides rechargeables pour réduire la consommation de carburants, ce qui est bon pour les consommateurs. En plus, ils proposent une gamme de véhicules électriques pour réduire les émissions de CO2. Ensuite, l’Union Européenne autorise les constructeurs à s’associer entre eux pour acheter des « droits à polluer » aux constructeurs de véhicules « 100% électriques », comme Tesla ou Polestar. Comme leurs véhicules n’émettent pas de CO2 en roulant, ils permettent de contrebalancer les émissions de CO2 de véhicules thermiques ou hybrides d’autres constructeurs.
Il y a quelques jours, le constructeur Stellantis (dont les marques françaises Peugeot, Citroën et DS) s’est associé aux constructeurs Toyota, Ford, Mazda et Subaru pour former un consortium. Ensemble, ils représentent environ 30% du marché européen avec 3,05 millions de voitures vendues en 2024. En se basant sur les ventes du premier semestre 2024, la moyenne des émissions de CO2 de ces constructeurs devrait se situer aux alentours de 105 grammes de CO2, pour l’ensemble de l’année. L’association avec Tesla leur permettrait d’atteindre moins de 95 grammes de CO2 par kilomètre, soit très proche du seuil de 93,6 grammes. Avec les améliorations technologiques et un mix plus favorable, Stellantis, Toyota, Ford, Mazda et Subaru devraient passer sous le seuil et éviter de payer des amendes à l’Union Européenne. Bien évidemment, Tesla vend ses droits à polluer et devrait empocher autour d’un milliard d’euros des autres constructeurs du consortium.
Pour sa part, Volvo a vendu 36% de véhicules électriques en 2024. Le constructeur sera largement sous le seuil et peut vendre des crédits CO2. C’est ce qu’il fait avec sa société sœur Polestar, 100% électriques, au constructeur Mercedes. Grâce à cet accord, Mercedes abaissera d’environ 10 grammes de CO2 sa moyenne pour s’approcher de son objectif.
Les stratégies solitaires des autres constructeurs
Le Groupe Renault compte sur ses propres forces. Au dernier trimestre 2024, le groupe a vendu 12% de véhicules 100% électriques. Avec la Renault 5, élue voiture de l’année, la Mégane, le Scénic, en attendant la Renault 4, et pour Dacia, la nouvelle Spring, l’offensive électrique est conséquente et avec des prix plus accessibles pour les consommateurs sur les citadines. Le Groupe Renault a besoin de se rapprocher de 20% de véhicules électriques et tout en accroissant ses ventes de véhicules hybrides (déjà un quart des ventes en 2024). Donc, le Groupe Renault se donne les moyens d’atteindre le seuil fixé par l’Union Européenne pour éviter une amende.
Côté constructeurs étrangers, le groupe munichois BMW avance rapidement sur la transition vers les véhicules électriques, avec 17% de ses ventes mondiales en 2024. De nouveaux modèles électriques sont en cours de lancement et les modèles hybrides couvrent toute la gamme. Il se montre confiant pour atteindre son objectif CO2. Enfin, le Groupe VW est en mauvaise posture. Seulement 12% de ses ventes sont des véhicules électriques et en légère baisse en 2024 par rapport à 2023. Sans consortium, le Groupe VW doit compter uniquement sur ses propres forces. Avec plus de 3 millions de véhicules vendus en Europe, le leader du marché peut difficilement se priver de centaines de milliers de véhicules thermiques qui font tourner ses usines… et augmenter sa moyenne d’émissions de CO2. Une amende CO2 semble inéluctable pour le constructeur allemand.
Par conséquent, la plupart des constructeurs automobiles devraient se trouver très proche de l’objectif CO2 pour 2025, sans devoir sacrifier des ventes de véhicules thermiques. Pour les constructeurs Tesla, Polestar ou Volvo, la vente de droits à polluer est la récompense d’investissements plus précoces et donc plus risqués.
En conclusion, la baisse des émissions CO2 décidée par l’Union Européenne permet à notre industrie automobile de monter en puissance face à la Chine, leader mondial des véhicules électriques, et Tesla. En France, trois usines de batteries sortent de terre dans les Hauts-de-France, et tout un écosystème est en train d’éclore jusqu’au recyclage des batteries.
En ce qui concerne les amendes potentielles, l’Union Européenne devrait se montrer clémente et réduire drastiquement le montant des amendes pour l’année 2025. L’enjeu n’est pas de faire payer des amendes aux constructeurs automobiles. Il s’agit d’une part, d’inciter les constructeurs à investir dans la transition écologique, et d’autre part, de réduire les émissions de CO2 grâce à des véhicules que les consommateurs peuvent acheter.
Enfin, pour préserver la filière automobile européenne, en particulier les PME, à l’instar des États-Unis (avec l’Inflation Reduction Act), il faut instaurer un contenu minimum de 70% de composants européens dans les voitures électriques vendues sur le continent. L’objectif commun des européens n’est pas de tuer leur industrie automobile, mais de la transformer en même temps que la transition écologique.
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