La chanteuse et compositrice américaine Taylor Swift sur la scène du Groupama Stadium à Lyon, lors de sa tournée Eras Tour, le 2 juin 2024

Autrefois réservées à l’industrie du luxe, ces pièces sont désormais produites en masse par l’industrie de la fast fasion. En seulement quelques années, elles se sont imposées dans nos dressings, ce qui n’est pas sans poser des questions sur leur impact environnemental.

À la veille du réveillon de Noël, les tenues scintillantes ont envahi les vitrines des enseignes de prêt-à-porter. Ces cinq dernières années, le sequin s’est popularisé au point de conquérir les marques grand public, après avoir longtemps été l’apanage de l’industrie du luxe.

Ces petits disques en plastique se déclinent sous toutes les formes, toutes ses couleurs et recouvre désormais tout type de vêtements: du blaser à la robe de soirée en passant par le sac banane ou le pantalon.

L’après confinement a marqué un « véritable tournant », d’après les stylistes de plusieurs marques françaises.

« Dans le vestiaire féminin, les sequins sont devenus des incontournables depuis 2020, ce qui est probablement dû au désir de briller, de célébrer et d’apporter un peu de vie dans sa garde-robe après des périodes moroses », explique Natacha Jacquier-Laforge, directrice de création d’Etam.

La chanteuse et compositrice américaine Taylor Swift sur la scène du Groupama Stadium à Lyon, lors de sa tournée Eras Tour, le 2 juin 2024 © JEFF PACHOUD © 2019 AFP

Une étude réalisée pour la plateforme de paiement Klarna* rapporte qu’en 2022, plus d’une Française sur quatre (27%) optait pour un total look paillettes ou sequins en vue des fêtes de fin d’année.

Autrefois perçues comme très sophistiquées et réservées aux occasions spéciales ou nocturnes, ces tenues se sont démocratisées avec les réseaux sociaux. Les looks et l’esthétique d’artistes comme Taylor Swift ou de séries comme Euphoria, de festivals ou de cérémonies tels que Coachella ou le Met Gala ont aussi contribué à cette popularité.

« Il y a un côté très instagrammable: c’est fun, ça prend bien la lumière », souligne Natacha Jacquier-Laforge.

Chez Promod, Etam, Kiabi ou encore Monoprix, on évoque un « achat coup de cœur ». « On joue sur l’envie de briller », développe Stéphanie Michelotti. « C’est la petite touche de peps que va se permettre la femme qui n’ose pas porter ce genre de choses le reste de l’année. » Directrice du style chez Monoprix, elle intègre « cette tendance de fond » de manière croissante à ses collections hivernales ces dernières années.

Un matériau « indispensable » du prêt-à-porter

« La demande vis-à-vis de ces produits est forte donc ils deviennent omniprésents: les marques tirent profit des achats d’impulsion », analyse Éloïse Moigno, fondatrice de SloWeAre, un label de référence dans la mode éco-responsable qui guide et sensabilise les marques et les consommateurs aux questions environnementales.

Des sequins multicolores (Photo d'illustration).
Des sequins multicolores (Photo d’illustration). © Flickr – CC Commons

« Avant, seul le luxe s’en emparait car ils étaient les seuls à pouvoir se l’offrir », explique Natacha Jacquier-Laforge, directrice de création d’Etam. « La donne a changé aujourd’hui, notamment grâce aux fournisseurs asiatiques, notamment de Chine et d’Inde qui nous permettent de réduire les coûts et d’avoir des matières plus légères. »

Mais cette production de masse n’est pas sans poser des problèmes environnementaux. Ces petites paillettes de 2 à 6 mm, souvent fabriqués à partir de plastiques non biodégradables, contribuent à la pollution microplastique une fois lavées, cassées ou jetées. Pour autant, elles ne sont pas concernées par la nouvelle réglementation européenne sur les micro-plastiques entrée en vigueur en 2023, contrairement aux paillettes utilisées dans les produits cosmétiques.

Du plastique non recyclable

Une bizarrerie qui étonne Kako Naït Ali, ingénieure titulaire d’un doctorat en chimie des matériaux, spécialisée dans la dégradation des plastiques. « Cette nouvelle restriction concerne les micro-billes inférieures à 5mm, qui ont été identifiées comme source importante d’émissions carbone », détaille-t-elle. « Ce qui pose question, c’est pourquoi les sequins, comparables en terme de taille et de composition, sont exclus de cette réglementation. »

En effet selon cette experte, l’immense majorité des sequins est réalisée à base de PVC ou de polyesther – du plastique non recyclable. Des « matériaux polluants à plusieurs étapes de leur cycle de vie »: car le PVC en lui-même contient des plastifiants, des molécules et des additifs qui peuvent assez facilement se retrouver dans l’environnement ».

« On sait que les sequins vendus et confectionnés par l’industrie de la fast-fashion ne sont pas très résistants », poursuit la journaliste britannique Shooka Bidarian, spécialiste de l’impact environnemental de l’industrie de la mode.

Résultat, selon elle: ils se cassent en petits morceaux qui vont contribuer à la pollution des sols ou des eaux, car « leur processus de décomposition risque d’être extrêmement lent, en fonction de là où ils vont se retrouver: 20, 50, 100 ans… voire plus ».

Le prix du « remplaçable à moindre coût »

Et malgré leur petite taille, les expertes mettent en garde contre les dommages qu’ils peuvent causer. « Effectivement on peut se dire que ce n’est pas si grave car c’est une toute petite matière qui va se déposer de manière ponctuelle dans l’environnement. Mais c’est précisément cette accumulation de plastique qui pose problème, surtout qu’on parle là de produits commercialisés en masse », développe Kako Naït Ali.

Le problème est d’autant plus important que le vêtement est fragile. « La façon dont les sequins sont cousus entre eux fait que ça part très rapidement, en particulier en ce qui concerne les enseignes de fast fashion où la qualité est plus faible », note Éloïse Moigno, du label écoresponsable SloWeAre. « Vous tirez ou arrachez un fil et vous en perdez toute une floppée qui se détâchent. »

Laver ce type de vêtements à la machine à laver, c’est ainsi prendre le risque de voir ses sequins disparaître dans l’eau de lavage. Les machines à laver européennes n’étant pas encore dotées de filtres (les nouvelles machines le seront à partir de 2025), ces déchets plastiques se retrouvent systématiquement dans les stations d’épuration.

« Ce sont des vêtements faits pour être lavés à la main… voire pas lavés du tout », déplore-t-elle. « Ils sont suffisamment peu onéreux pour être portés une ou deux fois puis être laissés de côté… »

« Le plus cynique, c’est ça: pas besoin qu’ils soient solides, puisqu’ils sont remplaçables à moindre coût », commente-t-elle.

À l’hiver 2019, une étude réalisée par l’ONG Oxfam au Royaume-Uni estimait que les Britanniques comptaient acheter 33 millions de vêtements et accessoires à sequins en vue des fêtes de fin d’années. Or selon cette même, ces tenues ne sont portées que 5 fois en moyenne avant d’être mis de côté par leurs propriétaires. Et parmi ceux-là, 5% ont même reconnu avoir l’habitude de les jeter une fois après les avoir portées.

Quel avenir pour le petit disque en PVC?

Bon nombre de marques de prêt-à-porter interrogées se disent « bien conscientes » de cette problématique, d’autant que les alternatives respectueuses de l’environnement sont à ce jour quasimment inexistantes. Les enseignes se voient vite limitées lorsqu’il s’agit de trouver des fournisseurs « verts », l’option « recyclable » n’étant pas envisageable à un coût raisonnable.

Kiabi a tout de même opté pour quelques pièces faites à base de sequins recyclés, issus d’autres plastiques comme des bouteilles en plastique par exemple.

« On a cherché des alternatives auprès de nos fournisseurs mais aujourd’hui on est très limités », assure Lindsay Wattrelos, leader style chez Kiabi.

Kiabi, comme Promod ou d’autres, assurent donc faire le choix de « réduire volontairement la voilure sur leur nombre de pièces à sequin », dans une optique de limiter leur impact environnemental. Compliqué, toutefois, de complètement s’en passer aujourd’hui. D’ailleurs les géants de la fast fashion tels que Zara ou Mango, qui y ont massivement recours chaque fin d’année, ont préféré ne pas répondre à nos sollicitations sur ce sujet.

Les innovations proposées par l’industrie du luxe, elles, restent à la marge. Avec sa robe faite de biosequins présentée en 2023, la styliste britannique Stella McCartney a laissé entrevoir un avenir plus vert pour le sequin. Mais dans les faits, cette robe réalisée à base de cellulose végétale et sans colorant n’a jamais été commercialisée. Et l’expérience, coûteuse, n’a à ce jour pas été reprise par d’autres.

* L’étude Holiday Report 2022 de Klarna a été réalisée en octobre 2022 en collaboration avec l’institut de recherche Dynata. Elle recueille les réponses de 17.540 participants âgés de 18 à 75 ans provenant de 17 pays occidentaux, dont la France.

Jeanne Bulant Journaliste BFMTV

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