Nouveaux points d'eau, stockage en cuve... Comment la sécheresse oblige les pompiers à s'adapter

Des nappes phréatiques aux niveaux très bas, des restrictions voire un arrêt des prélèvements d’eau… Pour lutter contre les incendies, la sécheresse impose aux soldats du feu de nouvelles méthodes d’approvisionnement en eau.

Alors qu’une vingtaine de départements sont concernés par des mesures de réduction d’eau, que le niveau de deux tiers des nappes phréatiques est insuffisant, que la sécheresse s’annonce historique cette année et qu’avec le changement climatique, ces événements extrêmes seront de plus en plus fréquents, les sapeurs-pompiers doivent trouver de nouvelles solutions pour lutter contre le feu.

« L’enjeu est double », pointe pour BFMTV.com Olivier Cyprien, officier expert au service prévision du Service départemental d’incendie et de secours (Sdis) des Pyrénées-Orientales – la quasi-totalité du département est en situation de crise, plus haut niveau d’alerte.

« Il s’agit à la la fois de lutter contre les incendies mais aussi de préserver la ressource en eau potable pour la population », résume-t-il.

Car lorsque les sapeurs-pompiers se branchent sur un poteau d’incendie, c’est de l’eau potable – la même que celle qui sort du robinet – qu’ils prélèvent. « Notre volonté, c’est d’utiliser de plus en plus d’eau brute », poursuit Olivier Cyprien.

• La recherche de nouveaux points d’eau

Dans les Pyrénées-Orientales, une cinquantaine de nouveaux points d’eau naturelle ont ainsi été identifiés en plus de la centaine déjà connus. Des petits canaux, des petites rivières… Même démarche dans l’Hérault, département presque totalement en alerte renforcée. Quelque 300 nouvelles réserves d’eau ont ainsi été récemment cartographiées.

« Il s’agit d’étangs, de lacs, de tout point d’eau où un véhicule peut se rendre », explique à BFMTV.com Jérôme Bonnafoux, chef d’état-major des sapeurs-pompiers de l’Hérault.

De nouvelles cartes ont ainsi été réalisées, venant s’ajouter aux outils déjà existants. « C’est ce qu’on appelle les couches cartographiques », poursuit Jérôme Bonnafoux. « Nous avons différentes cartes: de la sécheresse, des poteaux incendie, des habitations, de la couverture naturelle, des précédents feux. Nous avons maintenant en plus celle des points d’eau naturels. »

Un véhicule spécifique a d’ailleurs été mis au point dans son département. Équipé d’une table traçante, il peut se rendre directement sur le terrain d’opération et imprimer les cartes du secteur.

Sauf que « certains points d’eau naturels, comme le lac du Broc (à côté de Saint-Martin-du-Var, quasiment à sec, NDLR) ne permettent plus aux Canadair d’écoper ou aux hélicoptères de se ravitailler », note Fabrice Gentili, chef du groupement fonctionnel prévision au Sdis des Alpes-Maritimes. « Il faut donc aller chercher l’eau plus loin, ce qui rallonge les délais d’intervention. »

• Le recours à l’eau de mer

Dans les Pyrénées-Orientales, les sapeurs-pompiers ont aussi de plus en plus souvent recours à l’eau de mer, jusqu’à présent utilisée en dernier recours. C’est ce qu’il s’est passé lors de l’incendie de Cerbère au mois d’avril – le premier grand incendie de l’année. « On remplit des piscines auto-gonflées d’eau de mer et grâce à des motopompes, les camions viennent s’alimenter », détaille Olivier Cyprien, chargé de la défense de la forêt contre l’incendie.

En moyenne, pour un incendie – bien que cela dépende de l’intensité du feu et des enjeux – le groupe d’intervention se compose de quatre camions citernes de 4000 litres. Soit un total de 16.OOO litres.

Mais le recours à l’eau de mer n’est possible que si le feu est relativement proche de la côte. Sans compter que cette eau salée et corrosive représente une contrainte supplémentaire, imposant de rincer le matériel à l’eau claire après intervention et de changer plus fréquent certaines pièces.

• Le stockage dans des cuves

Autre initiative mise en place dans plusieurs départements: le stockage de l’eau dans des cuves viticoles mises à disposition par des coopératives agricoles. Notamment de l’eau issue des vidanges de piscines collectives – parcs aquatiques, piscines municipales ou campings.

Dans l’Hérault, une vingtaine de cuves de 7000 à 20.000 litres ont ainsi été mises à la disposition des sapeurs-pompiers. Dans les Pyrénées-Orientales, sur les 19 cuves de 60.000 à 200.000 litres mises à disposition, 14 sont déjà remplies.

Fabrice Gentili, chef du groupement fonctionnel prévision au Sdis des Alpes-Maritimes, évoque également le maillage des citernes DFCI (défense de la forêt contre les incendies). Ce qui représente au total dans le département près de 400 citernes, de 30.000 à 120.000 litres chacune, décorellées au réseau d’eau potable.

La plupart sont alimentées par des sources naturelles. Certaines sont enterrées pour le ravitaillement des hélicopètres bombardiers, d’autres sont terrestres et peuvent alimenter les camions citernes.

• Des stratégies de lutte sans eau

Si les sapeurs-pompiers doivent trouver de nouvelles sources d’eau, l’ambition est aussi d’utiliser moins d’eau. Avec le développement d’autres stratégies de lutte, comme le contre-feu. « C’est une technique qu’on utilise de plus en plus », assure Olivier Cyprien, du Sdis des Pyrénées-Orientales.

« L’objectif, c’est de brûler une parcelle pour brûler le combustible », décrit-il. « Quand le feu arrive sur zone, il s’éteint de manière naturelle faute de combustible. C’est un feu contrôlé du début à la fin. »

Autre technique: l’usage de retardants – ce produit coloré qui freine la propagation de l’incendie. « C’est une sorte de revêtement entre le combustible et le feu qui permet de retarder l’inflammabilité des végétaux qui s’enflamment de façon moins virulente », explique Fabrice Gentili, du Sdis des Alpes-Maritimes. Des produits qui peuvent être largués par avion mais aussi projetés avec des moyens terrestres.

• L’usage de nouvelles technologies

L’économie d’eau pourrait aussi passer par de nouvelles technologies. Fabrice Gentili évoque ainsi l’arrivée d’une nouvelle lance à incendie – uniquement pour les feux urbains – qui permet d’économiser de l’eau.

Dite diphasique, cette lance pulse de l’air et fragmente les goutelettes d’eau, réduisant le débit de 500 litres par minutes à seulement 90 litres par minute. Soit six fois moins. Après des essais menés dans plusieurs départements, Fabrice Gentili espère sa généralisation à l’horizon 2024.

• Une meilleure sensibilisation de la population

Mais selon le représentant du Sdis des Alpes-Maritimes, la question de la lutte contre les incendies et de l’approvisionnement en eau ne concerne pas que les sapeurs-pompiers.

« Il faut impérativement développer une culture du feu », insiste Fabrice Gentili. Il cite certains gestes de prévention, comme le débrouillassage, le stockage du bois à distance des habitations ou encore l’abattage des résineux dont les branches surplombent les toitures, risquant ainsi de propager le feu aux maisons.

« On ne pourra pas éteindre de feu sans eau mais on ne pourra pas non plus mettre un pompier par maison. La lutte contre le feu, c’est l’affaire de tous. »

Les autorités mettent également en place à partir ce vendredi une « météo des forêts », « un outil de mobilisation collective » qui présentera à l’échelle départementale le degré de risque par un code couleur allant du vert (faible) au rouge (très élevé) en passant par le jaune (modéré) et le orange (élevé).

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