Une outarde canepetière.

La cour administrative d’appel de Bordeaux a jugé ce mercredi 18 décembre que l’autorisation délivrée à quatre réserves d’irrigation du Poitou « est illégale faute de prévoir une dérogation ‘espèce protégée' ».

Petit à petit, l’oiseau a fait son nid. La cour administrative d’appel de Bordeaux a déclaré illégales ce mercredi 18 décembre quatre « bassines » contestées, dont celle de Sainte-Soline -où le chantier avait donné lieu à des affrontements en mars 2023 entre opposants et forces de l’ordre- car elles menacent la survie d’une espèce d’oiseau protégée: l’outarde canepetière.

L’autorisation accordée à ces retenues d’eau est suspendue « jusqu’à la délivrance éventuelle » d’une dérogation à la législation sur les espèces protégées.

Les bassines ne sont donc pas mises à l’arrêt pour les problématiques de partage des ressources et d’accaparement de l’eau dénoncées, la cour estimant que le projet ne nuit pas à l’équilibre de la ressource en eau dans le Marais poitevin. C’est finalement un petit oiseau d’une quarantaine de centimètres qui a fait capoter le projet.

Un déclin de 94% en vingt ans

« On se satisfait de cette décision même si ce n’est pas une victoire totale, parce qu’on a bien vu que la cour administrative n’avait pas retenu l’aspect hydraulique », a déclaré à l’AFP Julien Le Guet, porte-parole du collectif Bassines Non Merci.

Pour la cour, les quatre réserves concernées sont « de nature à détruire tout ou une partie de l’habitat » de l’outarde canepetière, cette espèce d’oiseaux de plaine protégée devenue la mascotte des opposants.

Dans ces zones, dont celle située à Sainte-Soline, « l’autorisation délivrée est illégale faute de prévoir une dérogation ‘espèces protégées' », a conclu la cour. Dans l’attente de « la délivrance éventuelle de cette dérogation », elle a donc suspendu les mises en chantier et les futurs remplissages en eau des quatre ouvrages.

L’outarde canepetière est classée comme étant en danger selon la liste rouge des espèces menacées de l’UICN. Le Centre-Ouest accueille la dernière population migratrice de l’espèce en Europe. Environ 80% de la population se reproduit dans les plaines céréalières classées en zones de protection spéciale, visant à assurer leur survie à long terme. Selon la LPO, elle a subi un déclin de 94% entre 1978 et 2000.

Une outarde canepetière. © Creative Commons / Pierre Dalous

Elle ne vit que dans trois régions de grandes cultures: Poitou-Charentes (400 mâles), Centre (40-50 mâles) et Pays de la Loire (20 mâles).

Agriculture intensive

« Les principales menaces qui pèsent sur l’espèce sont l’intensification agricole (disparition des jachères, fauches fréquentes et rapides des prairies, pesticides…) et l’aménagement du territoire », indique la LPO. Selon les défenseurs de l’outarde, les méga-bassines pérennisent un système d’agriculture intensive responsable du déclin de la biodiversité et mettant en danger les populations d’espèces menacées comme l’outarde canepetière.

Considérant que leur construction est de nature à détruire tout ou partie de son habitat et lui porte atteinte, la cour suspend les autorisations pour ces quatre réserves jusqu’à l’obtention, si elle se révèle justifiée, de la dérogation.

Autrefois largement répandue, l’outarde canepetière s’est éteinte dans une vingtaine de pays depuis la fin du 19e siècle.

Menacée par le dérèglement climatique

Au sol, l’outarde passe souvent inaperçue, raconte la LPO, notamment car elle est craintive des humains. Elle possède brun clair sur le dos alors que le ventre est entièrement blanc.

« Pendant la période de reproduction, le mâle en plumage nuptial, se reconnaît aisément à sa coloration contrastée. Sa tête prend des reflets gris-bleu et son cou présente un collier noir entrecoupé de deux bandes blanches dont l’une forme un anneau horizontal assez large à la base du cou et l’autre, plus fine, dessine un ‘V' », écrit la LPO.

Selon l’ornithologue Étienne Debenest auprès de Reporterre, en raison du réchauffement climatique, les oiseaux migrent de moins en moins, nos hivers leur étant de plus en plus favorables.

Il explique également que l’intensification de l’agriculture menace l’outarde canepetière notamment car elle a de moins en moins d’insectes pour se nourrir ou encore car les fauches menacent son habitat et l’éclosion des œufs. L’outarde bénéficie d’un troisième Plan National d’Actions (PNA) qui vise à protéger et à conserver l’espèce.

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