le procès hors norme d'une infirmière au Royaume-Uni

Il y a dix jours, un procès attendu s’est ouvert devant la Cour royale de Manchester. Comparaît Lucy Letby, ex-infirmière au sein d’un service de néonatalité de Chester. Elle est accusée d’avoir tué sept nourrissons, et d’avoir tenté d’en assassiner dix autres, entre 2015 et 2016. La prévenue nie en bloc.

Elle est soupçonnée d’avoir tué sept bébés et d’avoir essayé – parfois à plusieurs reprises – de mettre un terme aux jours de dix autres nourrissons, entre 2015 et 2016. En tout, Lucy Letby, aujourd’hui âgée de 32 ans, est sous le coup de 22 accusations, qu’elle rejette en bloc.

Le procès de l’infirmière s’est ouvert le 9 octobre dernier devant la Cour royale de Manchester. Tandis que les magistrats s’efforcent de faire la lumière sur ces affaires, les circonstances des crimes affleurent peu à peu à la surface. BFMTV.com fait le point ce mercredi sur ce dossier hors norme.

Des affaires particulièrement scabreuses

Comme l’a notamment rappelé la BBC ici, les faits se sont déroulés entre 2015 et 2016 à l’hôpital de la comtesse de Chester – dans cette même ville du Cheshire – où cette infirmière affectée au service de néonatalité exerçait alors.

La première victime présumée s’est éteinte le 8 juin 2015. Les enquêteurs soupçonnent Lucy Letby d’avoir injecté de l’air dans la circulation sanguine du bébé. Le lendemain au soir, et toujours selon l’instruction, elle aurait essayé la même méthode sur la jumelle du petit défunt. Cette fois, heureusement sans succès.

Les meurtres allégués reprennent les 14 et 22 juin. Le 4 août, on enregistre encore la mort soudaine d’un nouveau-né. Lucy Letby est encore suspectée d’avoir voulu tuer le jumeau de ce dernier. Des éléments accréditent même l’idée que lorsque l’infirmière échouait dans sa tentative, elle n’hésitait pas à la réitérer. Ainsi, dans une affaire particulièrement scabreuse, elle s’y serait reprise à quatre fois avant de parvenir à assassiner une prématurée. Puis d’envoyer une carte de condoléances à son père et à sa mère.

Les messages de l’accusée au centre des débats

L’hécatombe est telle que le tribunal n’a pas encore pu examiner l’ensemble des dossiers incriminés. Il apparaît toutefois qu’une même méthodologie se dégage d’un cas à l’autre: c’est une injection d’oxygène ou éventuellement d’insuline dans le sang qui a, à chaque fois, précipité la mort des nourrissons.

La Cour royale s’intéresse aussi aux communications de l’accusée durant la période visée. Tout au long de l’équipée meurtrière qui lui est attribuée, comme le note encore le site de l’audiovisuel public britannique, Lucy Letby multiplie les messages à ses collègues, sur les réseaux sociaux où elle mène aussi des recherches au sujet des parents endeuillés.

Mardi, un message laissé à l’une de ses collègues qui s’était inquiétée de son état au lendemain de la mort du bébé le 8 juin 2015 a été diffusé à l’audience. On entend Lucy Letby dire: « Le papa était par terre, en pleurs. Il disait: ‘S’il vous plaît, ne m’enlevez pas mon bébé’, quand on l’a amené à la morgue. C’était à briser le coeur ». « C’est la pire chose que j’ai jamais faite. J’espère que la nuit prochaine sera meilleure », termine-t-elle. Quelques heures donc avant la tentative de meurtre sur la soeur jumelle.

Bien sûr, la profusion de ces morts mystérieuses finissent par trouver une résonance étrange dans les couloirs du service de néonatalité. Une infirmière s’en ouvre même à Lucy Letby: « Il y a quelque chose de bizarre dans cette nuit et pour les trois autres qui sont morts si soudainement ».

Le « dénominateur commun »

En ouverture du procès, le procureur Nick Johnson a d’ailleurs rappelé comment le faisceau des soupçons s’était finalement porté sur Lucy Letby, comme l’a rapporté ici le site d’ITV. Les consultants missionnés par l’hôpital pour enquêter sur les morts suspectes ont d’abord conclu à des cas d’empoisonnement. « Après en avoir cherché la cause, sans réussir à l’établir, les consultants ont remarqué que ces malaises et morts inexpliqués avaient bien un dénominateur commun: la présence de l’une des infirmières du service et que celle-ci était Lucy Letby ».

L’accusation s’est également nourrie de notes manuscrites débusquées au domicile de cette dernière lors de perquisitions. Car si Lucy Letby combat aujourd’hui le soupçon pesant sur elle, elle a écrit sur l’une de ces feuilles: « Je les ai tués intentionnellement… Je suis une personne horrible, mauvaise ». Ou ailleurs: « Je suis mauvaise, je l’ai fait ».

Le procès doit durer six mois

L’avocat de la défense, Ben Myers, a cependant estimé que ces quelques déclarations étaient des éléments trop légers pour étayer la culpabilité de sa cliente. Il a tâché de balayer l’effet produit par ces confessions, n’y voyant que le « déballage angoissé d’une jeune femme terrorisée et désespérée pour elle-même, au moment où elle se rend compte de l’énormité de ce qu’on dit d’elle ». Il a de surcroît pointé l’absence de preuve matérielle de la responsabilité de Lucy Letby dans ces morts, décrivant l’accusation comme une « théorie fondée sur des coïncidences ».

La justice aura le temps de départager les arguments et de se faire une opinion avant de formuler son verdict. Le procès doit en effet durer six mois.

Robin Verner Journaliste BFMTV

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