AVIS D’EXPERT. Pour la première fois dans l’histoire de l’industrie automobile, un véhicule électrique s’est hissé en tête des ventes mondiales de voitures, c’est le Tesla Model Y. Au cœur de cette incroyable réussite, il y a un parti pris sur le design, comme Apple, comme l’explique Franck Cazenave, auteur du livre Tesla a tué la bagnole!.
En 1997, Steve Jobs, cofondateur d’Apple, est revenu à la tête de l’entreprise après des années d’absence et a changé radicalement de stratégie. Il a épuré la gamme et lancé l’ordinateur qui symbolise ce nouveau positionnement: l’iMac.
Ce bonbon géant était moins puissant que les PC sur le marché et peu de logiciels étaient compatibles avec l’univers Apple. Sa force résidait dans son look. L’ordinateur était simplement beau avec ses plastiques translucides et ses couleurs acidulées. Il était même possible de le voir fonctionner. Son « côté fun » détonnait dans l’univers austère de l’ordinateur, souvent beige, gris ou noir. En plus, il était compact et sans fil: l’unité centrale de l’ordinateur était directement logée derrière l’écran. Ce bonbon coloré ne ressemblait à rien de connu jusqu’alors… D’ailleurs, Steve Jobs n’hésitait pas à dire que l’arrière de l’iMac était plus beau que la face avant des concurrents. Derrière cette révolution, il y avait Jonathan Ive, un jeune designer britannique qui s’est imposé chez Apple grâce au soutien de Steve Jobs.
Ensuite, pour inventer un téléphone Apple, Jonathan Ive a repris les principes élémentaires du design en supprimant le superflu, en premier lieu le clavier adopté par tous les téléphones du marché, notamment le leader du smartphone à l’époque, BlackBerry. Son absence est rendue possible grâce à l’innovation de l’écran multitouch qui permet de naviguer en utilisant ses doigts directement sur la surface tactile. Lorsque l’iPhone sort en 2007, il instaure une rupture définitive avec le monde du téléphone portable. Les victimes seront Nokia, Ericsson, Motorola, Alcatel.
« Moins c’est plus »
Tesla a besoin de construire sa propre identité et à l’été 2008, Franz von Holzhausen quitte le constructeur nippon Mazda pour débarquer au sein de la jeune pousse californienne. Il est talentueux et, à 40 ans, il a envie de nouveaux défis. Au moment de l’annonce de son transfert, il a déclaré qu’il était enthousiasmé par la liberté qu’il obtiendrait afin de repousser les limites du design automobile chez Tesla, pour aider à faire apprécier les voitures électriques au grand public.
Pour les ingénieurs de Tesla, le modèle le plus proche de la berline qu’ils imaginent en termes de dimensions était la Mercedes CLS. Pendant qu’ils commençaient à la désosser et insérer tous les composants pour la chaîne de traction électrique, Franz von Holzhausen travaillait au design de la Model S. En trois mois, 95% du design extérieur étaient définis. Sur la base roulante modifiée de la Mercedes CLS, la carrosserie prototype pouvait être installée pour commencer la qualification du véhicule. Pour rivaliser sur ce segment des berlines haut de gamme et se démarquer, la Model S devait être « belle et séduisante, comme un papillon de nuit attiré par une flamme », selon Franz von Holzhausen.
Il précise dans son entretien avec le Los Angeles Times que le design Tesla est « basé sur l’idée du minimalisme, l’idée que moins c’est plus ».
Ainsi, il partage les mêmes concepts de design que Jonathan Ive, le maître en la matière chez Apple, à la même époque.
« C’est un bond en avant »
Dès le premier contact avec la Tesla Model S, l’expérience est différente de tous les autres véhicules: en s’approchant de la voiture, la poignée de porte sort de la carrosserie pour permettre l’ouverture. Pour Franz von Holzhausen, « lorsque vous vous approchez de la voiture pour la première fois, votre premier contact se fait par la poignée de porte. […] C’est une expérience mémorable. Il faut qu’elle suscite une émotion », rapporte le magazine Forbes.
C’est la marque de fabrique de Tesla: ne rien laisser au hasard dans l’expérience du client. Une fois à l’intérieur, la Model S est organisée autour d’un grand écran tactile central qui contrôle presque toutes les fonctions du véhicule. Il est même légèrement incliné vers le conducteur pour une meilleure visualisation. Aucun autre constructeur n’avait mis un écran aussi grand dans une voiture. Il est impossible de le rater une fois à l’intérieur du véhicule.
En 2013, le designer en chef de Tesla déclarait dans Green Car Design être « toujours fasciné par l’écran 17 pouces – je pense qu’il sera pertinent pendant longtemps. C’est un bond en avant, vous n’avez pas besoin de boutons. Avant de le lancer, nous étions un peu incertains si l’ancien monde manquerait à certains. Les clients adorent l’écran; c’est incroyable à quelle vitesse ils se familiarisent avec ».
Aucun bouton superflu sur la planche de bord, et ceux qui sont présents sont parfaitement intégrés. L’écran renforce automatiquement l’image « tech » de Tesla, avec une expérience unique pour le client. Tous les nouveaux véhicules après la Model S reprennent les mêmes codes, en particulier avec le Model Y.
Le Tesla Model Y, numéro un des ventes
En 2023, le Model Y a atteint des sommets avec 1,23 million d’exemplaires vendus. Il est le véhicule de Tesla le plus vendu au monde et sur trois continents: Chine, Europe et États-Unis. Surtout, le Model Y s’est imposé en tête du classement des véhicules les plus vendus dans le monde, devançant les Toyota RAV4 et Corolla.
C’est la première fois de l’histoire de l’industrie automobile qu’un véhicule à motorisation électrique est le plus vendu au monde. En outre, il est plus difficile pour le Model Y de se hisser en tête des ventes mondiales puisque le prix de la Toyota Corolla démarre à environ 20 000 euros. C’est la moitié du prix du Model Y, qui commence environ 40 000 euros. Tesla a réalisé cet exploit en seulement vingt ans d’existence.
L’ouvrage Tesla a tué la bagnole! sort le 20 mars aux Éditions Descartes & Cie.
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