Pour des raisons économiques, politiques ou encore sociétales, plusieurs dirigeants proches de Moscou montrent des signes d’embarras à mesure que dure le conflit ukrainien.
Le constat d’Emmanuel Macron est extrêmement critique. Mercredi passé lors de son discours devant les Nations unies à New York, le président de la République avait martelé que la Russie de Vladimir Poutine était « de plus en plus isolée » depuis le début de l’invasion, par Moscou, de l’Ukraine le 24 février dernier. « Plus personne ne comprend aujourd’hui les choix qui sont faits par la Russie », avait-il également attaqué.
Lors de cette même incisive prise de parole, Emmanuel Macron avait également lancé un appel à tous les pays « qui sont restés dans une forme de neutralité à l’égard de cette guerre » à prendre une position ferme contre l’invasion, et ainsi éviter une nouvelle partition du monde en ne s’opposant pas aux pays occidentaux qui soutiennent Kiev à coup de sanctions financières contre Moscou et de livraisons de matériel militaire.
Les avertissements chinois et indiens
Mercredi passé encore, peu après la prise de parole de Vladimir Poutine au cours de laquelle celui-ci a annoncé une mobilisation partielle de 300.000 hommes, plusieurs nations restées en retrait depuis le début du conflit ont fait montre de leur désapprobation quant au déroulement du conflit ukrainien. Ainsi, la Chine a appelé à un « cessez-le-feu à travers le dialogue et la consultation » tandis que le Premier ministre indien Narendra Modi a rappelé que le temps n’était « pas à la guerre. »
Le début d’un retournement de veste diplomatique pour ces deux pays, historiquement proches de Moscou? Pas directement, indique auprès de BFMTV.com Arnaud Dubien, directeur de l’Observatoire franco-russe, qui rappelle toutefois que Pékin « n’a pas intérêt à une défaite stratégique de la Russie. »
« Il ne s’agit pas d’un lâchage de l’Inde et de la Chine, c’est ce qu’on voudrait croire en Occident. Mais leur position n’est pas très confortable. Poutine a dit vouloir mettre un terme rapidement à la guerre et ils sont désagréablement surpris, au fond, la Russie est peut-être plus faible qu’ils ne le pensaient », ajoute-t-il.
Surtout, les objectifs de ces deux pays sont bien loin des considérations militaires. Comme le rappelle Patrick Sauce, éditorialiste politique internationale BFMTV, « il ne faut pas prendre les Chinois et les Indiens pour les philanthropes qui se diraient ‘lançons un drapeau pour la paix.’ » Pour lui, ces deux puissances « ne se sont pas totalement détournées de la Russie, mais commencent à avertir de façon de plus en plus répétée qu’il va falloir trouver une solution », bien qu’elles n’aient pas non plus pris position pour l’Ukraine.
« Ça leur pose des problèmes sur le plan économique, mais aussi réputationnel puisqu’être associé à la Russie aujourd’hui ce n’est plus difficile. Il n’y a pas de prise de position contre la Russie mais c’est un signal que la guerre doit cesser or ça n’en prend pas le chemin », complète à notre antenne Sylvie Bermann, ancienne ambassadrice de France en Russie.
D’un point de vue strictement économique, Pékin ne peut donc se permettre de se mettre à dos encore plus les États-Unis, avec qui les tensions autour de Taïwan sont fortes, et l’Occident. Un équilibre à trouver avec les propos du dirigeant chinois Xi Jinping, qui en février dernier avant l’invasion, évoquait « l’amitié sans limites » avec Moscou.
L’ex-URSS joue sur l’équilibre
Sur la scène plus locale également, les soutiens s’essoufflent, y compris parmi les pays de l’ancien bloc soviétique, pourtant souvent considérés comme des « états-vassaux » sous contrôle moscovite. Ainsi, le Kazakhstan voisin a exclu toute implication dans le conflit et refuse d’envoyer des soldats. Le nouvel homme fort du pays, Kassym-Jomart Tokaïev, avait également prévenu qu’il ne reconnaîtrait pas les nouvelles républiques annexées par la Russie, où des référendums vivement critiqués se sont tenus.
« Il y a de l’eau dans le gaz, le Kazakhstan contrarie les Russes de longue date. On ressent au Kremlin une forme d’ingratitude, voire de déloyauté. Ce qu’on entend ici, c’est: ‘on leur a sauvé la mise début janvier et ils rechignent à nous aider' », ajoute Arnaud Dubien.
La prise de position est en effet forte pour ce jeune état qui avait bénéficié de l’aide russe pour « mater » les manifestations qui ont eu lieu en début d’année dans les principales villes du pays en raison de l’augmentation du prix du gaz. De par son appartenance à l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), ce même Tokaïev avait fait appel à l’armée russe pour réprimer les émeutes dans le sang. Ce mardi, le président kazakh avait encore pris ses distances en assurant son pays protégera les Russes qui fuient vers son pays pour échapper à la mobilisation militaire en cours.
Pour le Kazakhstan, comme pour l’Ouzbékistan qui a lui aussi montré des signes de distanciation vis-à-vis du Kremlin, les enjeux sont multiples. Dans une société en pleine mutation après de longues années de dictature, les gouvernements souhaitent se tourner vers l’Occident, s’émanciper, tout en n’oubliant pas l’influence russe qui y reste forte économiquement mais aussi socialement.
« Les Russes ont envoyé des signaux de mécontentement en coupant, au printemps, les exportations de brut du Kazakhastan transitant via le tube CPC », affirme Arnaud Dubien, comme un rappel du pouvoir qu’exerce encore Moscou dans la région.
Alliés de circonstance
Sur qui peut encore compter la Russie de Vladimir Poutine alors même que sur son territoire, la grogne se fait de plus en plus forte? D’un point de vue politique, et de soutien au conflit ukrainien, le Kremlin peut uniquement compter sur le soutien indéfectible du voisin biélorusse, devenu état vassal à part entière.
Pourtant, là aussi, des premiers signes de désaccords sont visibles. Le président Alexandre Loukachenko a réfuté toute mobilisation dans son pays et, en juillet passé, avait appelé à stopper le conflit afin d’éviter « la guerre nucléaire. »
Si l’avenir diplomatique et politique à l’échelle internationale semble bouché pour Vladimir Poutine, la Russie a semble-t-il encore un rôle majeur et un poids important au niveau économique.
« Si les flux pétroliers ne vont plus vers l’Europe, ils iront vers d’autres marchés: l’Asie, l’Afrique, l’Arabie Saoudite, etc. On l’observe déjà depuis que l’UE a annoncé vouloir instaurer un embargo sur les importations de brut russe à compter du 5 décembre », ajoute Arnaud Dubien auprès de BFMTV.com.
D’après les chiffres obtenus par L’Express, depuis le début du conflit ukrainien, les exportations d’énergies fossiles dont le brut ont rapporté à la Russie près de 168 milliards d’euros.
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