Cette décision, qui a déjà été appliquée en 2024 et pourrait également l’être en 2026, divise les défenseurs de l’environnement et les professionnels de la pêche.
Des centaines de marins-pêcheurs temporairement au chômage technique. À partir de ce mercredi 22 janvier, et pour quatre semaines, la pêche est interdite dans le golfe de Gascogne afin de préserver les dauphins.
Cette mesure a contribué à diviser par quatre les captures accidentelles de petits cétacés l’hiver dernier. Depuis une dizaine d’années, le nombre de prises accidentelles de dauphins dans la zone dépasse le niveau soutenable estimé à 4.900 décès au maximum, selon le CIEM, organisme scientifique international de référence.
Sous le coup d’une procédure d’infraction de la Commission européenne et pressé d’agir par le Conseil d’État, saisi par des associations environnementales, le gouvernement avait ordonné à l’automne 2023 cette fermeture « spatio-temporelle » de la pêche pour l’essentiel des bateaux de plus de huit mètres en 2024, 2025 et 2026.
« On a des solutions »
Du Finistère à la frontière espagnole, environ 300 bateaux resteront à quai jusqu’au 20 février en bénéficiant d’une indemnisation gouvernementale à hauteur de 80% de leur chiffre d’affaires. Ce qui n’éteint pas la grogne de la profession, persuadée que des alternatives technologiques existent pour réduire ce phénomène.
« Ça ne sert à rien du tout », s’emporte auprès de BFMTV David Le Quintrec, pêcheur à Lorient et président de l’Union française des pêcheurs artisans.
« Nous on a des solutions pour éviter les captures accidentelles, comme par exemple l’effaroucheur, qui sert à écarter les dauphins quand on arrive sur nos zones de pêche. Il y en a d’autres, des cordes où il y a des lièges intégrés avec des billes dedans que les dauphins les entendent », souligne-t-il encore.
Pour sa part, toujours à BFMTV, Johnny Wahl, président du syndicat des pêcheurs professionnels Synadepa, l’assure, « personne n’est contre protéger les dauphins. »
« Mais on veut que ce soit avéré. Personnellement je n’ai jamais pêché un dauphin de ma vie, mes collègues non plus, certains sont morts, mais ils sont morts avant et le filet de pêche prend tout ce qu’il y a au fond », argue-t-il.
Des effets réels?
À la clé de cette mesure, une chute du nombre de morts de dauphins par capture accidentelle: 1.450 de décembre 2023 à mars 2024 sur la façade Atlantique et la Manche Ouest, contre 6.100 en moyenne entre 2017 et 2023, selon l’institut Pelagis qui coordonne le Réseau national échouages.
« C’est efficace, les chiffres le prouvent », souligne Jérôme Spitz, codirecteur de l’institut installé à La Rochelle, qui précise que « les dauphins communs sont capturés lorsqu’ils sont en train de s’alimenter ».
« Cette fermeture a été l’un des principaux leviers de la diminution des captures accidentelles, même s’il peut y avoir eu une conjonction de plusieurs mécanismes, parce qu’en dehors des périodes de fermeture, on n’a pas eu des niveaux de mortalité très élevés », ajoute-t-il.
Des chiffres contredits auprès de BFMTV par David Le Quintrec, qui pointe qu’en 2024, « il y a eu beaucoup plus d’échouages de dauphins par aux autres années quand les bateaux étaient en mer. Ce sont des chiffres vérifiables sur le site de Pelagis, on n’invente rien. »
« On ne comprend pas les chiffres que la ministre balance à tout va en disant que les captures ont diminué par quatre, c’est absolument faux », attaque-t-il encore.
Recherche de solutions alternatives
Jérôme Spitz se dit satisfait du « soutien de l’État pour poursuivre les indemnisations », avec une enveloppe de 20 millions d’euros également à destination des mareyeurs, il est surtout impatient de « pouvoir enfin développer des expérimentations à large échelle pour trouver des solutions alternatives à la fermeture, au travers notamment du test de répulsifs ».
Un peu plus de la moitié des 300 bateaux indemnisés sont déjà ou seront prochainement équipés des fameux effaroucheurs (« pingers ») ou de balises acoustiques destinées à éloigner ou avertir les dauphins du danger.
« Il faut maintenant montrer scientifiquement que ça fonctionne », a également déclaré vendredi la ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher, dont l’objectif est « la réouverture du golfe de Gascogne pour le mois de février 2027 ».
« Pour le moment, on n’a pas de solutions qui ont démontré une efficacité généralisée », prévient néanmoins le codirecteur de Pelagis. « C’est la combinaison de différentes solutions qui permettra la pérennité des mesures de gestion. »
Il souligne aussi l’utilité des caméras embarquées à bord des navires pour « mieux comprendre les circonstances des captures accidentelles ». « Pas mal d’animaux se décrochent avant d’arriver sur les bateaux, ce qui entraîne des écarts dans la perception du nombre d’animaux capturés par les professionnels et que les pêcheurs ne voient pas forcément. »
Indemnisations insuffisantes
Pour sa part, David Le Quintrec se dit « écoeuré » et dénonce un « flicage. » Autre raison de son ire: la trop petite indemnisation qu’il va toucher de la part du gouvernement. Par ailleurs, à partir de ce mercredi, son équipage est interdit de monter à bord de son bateau, sous peine de sanctions.
Jeudi 16 janvier, le pêcheur a déposé un recours auprès du Conseil d’État contre l’arrêté imposant ces caméras embarquées à une centaine de navires.
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