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Loin de l’image de « colonie de vacances » dénoncée par une partie de la classe politique depuis la polémique « Kohlantess », les conditions de détention au sein de la prison de Fresnes ont été jugées « indignes » par la justice française et européenne.

« C’est la prison, c’est pas un hôtel. » Ce détenu a participé au « KohLantess » ou « Koh-Lanta des cités » organisé le 27 juillet dernier au sein de la prison de Fresnes. Un événement au cours duquel trois équipes – celle des détenus, des surveillants et des habitants de la ville – se sont opposées lors d’épreuves en référence au jeu de TF1. Un événement à but caritatif qui suscite depuis ce week-end la polémique en raison de l’organisation d’une course de karting parmi les épreuves.

Loin de l’image donnée par l’événement de « colonie de vacances » dénoncée par Éric Ciotti, le député Les Républicains des Alpes-Maritimes, la maison d’arrêt de Fresnes reste l’une des prisons les plus « dures » de France avec un taux d’occupation de 144% au 1er juillet dernier, soit 1918 détenus pour 1330 places.

« Etre détenu à Fresnes, c’est se réveiller dans une cellule suroccupée, avec deux ou trois détenus par cellule quand théoriquement ce devrait être un encellulement individuel », détaille auprès de BFMTV.com Matthieu Quinquis, président de la section française de l’Observatoire international des prisons. « Être détenu à Fresnes, c’est se réveiller dans une cellule vétuste, dans laquelle il y a relativement peu d’air où la luminosité est altérée par les barreaux, une cellule aux murs humides, décrépis, une cellule à la vétusté extrême. »

Multiples condamnations

En 2000, la ministre de la Justice de l’époque, Elisabeth Guigou, annonçait une rénovation totale de l’établissement pénitentiaire du Val-de-Marne, le deuxième plus gros établissement pénitentiaire de France après Fleury-Mérogis. Une rénovation des bâtiments du XIXe siècle évaluée à 500 millions d’euros. « C’était il y a 22 ans et depuis, aucun plan d’envergure n’a été lancé », note Matthieu Quinquis. En 2018, le tribunal administratif de Melun, compétent pour la prison de Fresnes, avait enjoint l’administration pénitentiaire de rénover dans un délai de six mois les cours de promenade du quartier « hommes ».

La justice de l’époque ordonnait l’agrandissement des cours de promenades, alors que ces anciens box pour chevaux ne mesurent actuellement qu’une quarantaine de m², l’amélioration de leur équipement et de leur propreté, alors qu’elles ne disposent pas de toilettes, de bancs ou d’un abri pour la pluie ou le soleil, et le renforcement de la sécurité avec l’installation d’un dispositif de vidéosurveillance. Trois ans plus tard, c’est le Conseil d’État qui condamnait l’État pour ne pas avoir fait réaliser ces travaux. La cour européenne des Droits de l’Homme a elle-aussi condamné la France pour les conditions inhumaines et dégradantes dans cet établissement. De nombreux témoignages font état de la présence de punaises de lit, de cafards ou de rats dans les cellules.

« La situation des détenus à Fresnes ressemble très peu à ce qui est décrit ces derniers jours après l’organisation de l’événement », résume le président de la section France de l’OIP.

Une enquête lancée par la Chancellerie

Ce détenu est incarcéré à la prison de Fresnes. Le 27 juillet dernier, il a participé au « Kohlantess », une initiative qui visait à sensibiliser l’opinion publique à la question des détenus, mais aussi faire de la prévention, travailler sur la réinsertion des détenus et améliorer les relations détenus/surveillants dans cette prison où les rapports sont tendus voire violents selon la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté.

« La prison c’est pas un jeu, c’est réel. On est enfermé 22 heures sur 24 », explique sur BFMTV un détenu de Fresnes. « On n’a pas plus de promenades parce qu’il fait chaud, on n’a pas plus de douches parce qu’il fait chaud. On a trois douches par semaine, ce n’est pas le Club Med, c’est la prison. J’ai eu la chance, avec d’autres détenus, de participer à Kohlantess. On a pris une baffe quand on est retourné dans nos cellules, parce que c’était la réalité. Kohlantess ça nous a rappelé pendant quelques heures ce que ça faisait d’être ‘dehors’. »

Le ministre de la Justice a réagi à la polémique lancée par la droite et l’extrême droite en promettant une enquête administrative, jugeant les images de la course de kart « choquantes ». « La lutte contre la récidive passe par la réinsertion mais certainement pas par le karting! », a estimé Éric Dupond-Moretti, alors que ses services assurent que le ministère et le cabinet du ministre n’avaient pas été informés du détail des épreuves, bien qu’au courant de l’organisation de cet événement.

« En France on trouve tout à fait normal d’être condamné par la Cour européenne des Droits de l’Homme, on trouve tout à fait normal que des détenus vivent avec des piqûres de punaises de lit et des cafards sur le corps, et avec des rats qui risquent de leur transmettre des maladies, mais on trouve tout à fait anormal de s’amuser une journée », déplore Dominique Simmonot, la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté.

Comme elle, Matthieu Quinquis dénonce « l’hypocrisie » du garde des Sceaux qui, pour sa première visite en tant que ministre avait choisi la prison de Fresnes en juillet 2020 au cours de laquelle il s’était dit « préoccupé par la liberté, par les conditions de détention, par les conditions de travail du personnel pénitentiaire ». « Ces images de détenus s’amusant ne doit pas plus nous choquer que les conditions indignes de détention », conclut le président de la section France de l’OIP.

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