Sébastien Bonnet a été condamné à 15 ans de prison pour « meurtre sur conjoint ». Il a usé de son droit de faire appel et a obtenu sa libération conditionnelle en attendant un nouveau procès. « Consternées », les sœurs de la victime font entendre leur « colère ».
« Il est libre et nous, on a pris perpétuité. » La colère se lit sur le visage de ces deux sœurs. Le 11 août, Sébastien Bonnet est sorti libre du centre pénitentiaire de Laon où il était incarcéré pour le meurtre de sa compagne Marie-José, petite sœur de Cécile et Isabelle Povoa. Condamné à 15 années de réclusion criminelle par la cour d’assises d’Amiens, l’homme a interjeté appel de cette décision et formulé une demande de mise en liberté.
« On ne comprend pas comment ça a pu être accordé, c’est insensé, inadmissible », s’insurge Cécile, la cadette de la fratrie. On a l’impression qu’on a passé trois jours dans une cour d’assises pour rien. On est revenu six ans en arrière », explique-t-elle à BFMTV.com.
Le 27 juin 2016, les gendarmes se rendent au domicile de Marie-José Povoa dans le cadre d’une enquête ouverte pour violences conjugales. Elle a déposé plainte contre son compagnon, Sébastien Bonnet, dénonçant ses excès répétés et son agressivité, entre les mois de janvier et juin. À 15h, les gendarmes sont accueillis par Sébastien Bonnet qui leur demande de repasser plus tard, Marie-José est sous la douche. Mais quand ils reviennent, à 17h35, les agents la découvrent morte étranglée dans sa chambre. Lui est fortement alcoolisé.
L’attente « insoutenable » du premier procès
En garde à vue, le suspect évoque une dispute à la suite de laquelle il a voulu « calmer » Marie-José, 48 ans, en lui « serrant les bras puis le cou ». « Il se revoyait la secouer d’avant en arrière avec les deux mains en lui serrant le cou mais précisait qu’il n’avait jamais voulu sa mort », retrace l’enquête. L’exploitant agricole revient ensuite sur ses aveux et nie avoir tué sa compagne. Il est toutefois mis en examen pour meurtre sur conjoint et placé en détention provisoire du 29 juillet 2016 au 6 octobre 2017.
« Première déception pour nous, après un an et demi d’incarcération, il obtient une libération conditionnelle en attendant le procès. Sauf que l’audience met six longues années à arriver… Une attente insoutenable. Entre temps, il continue à vivre normalement et nous on se dit: « Mais il se passe quoi? », lance Isabelle Povoa pointant des « dysfonctionnements de la justice ».
« Les investigations sont pourtant conduites rapidement, efficacement: on obtient des aveux qui correspondent aux résultats de l’autopsie et de l’expertise anatomo-pathologique. Donc on ne comprend pas pourquoi le procès en première instance n’a pas été programmé plus vite », abonde l’avocat des parties civiles, Me Fabien Arakelian.
« Il y a eu six expertises médicales successives, une trentaine de témoins ont été entendus », justifie auprès du Monde Brigitte Lamy, procureure générale de la cour d’appel d’Amiens. De plus, « le stock de dossiers d’assises en souffrance est de notoriété publique », complète Sandra Leroy, conseillère à la cour d’appel d’Amiens et déléguée régionale de l’Union syndicale des magistrats. À cela s’ajoute la crise du Covid-19 qui paralyse pendant plusieurs mois l’appareil judiciaire.
Des motivations « inentendables »
Après ce premier écueil, le procès de première instance soulage les proches de la victime avec une condamnation, le 29 juin dernier. Balayé un mois et demi plus tard par cette nouvelle libération conditionnelle prononcée par la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Amiens. Une décision que Me Arakelian juge « curieuse, inentendable, surtout dans sa motivation ».
Dans l’arrêt, que BFMTV.com a pu consulter, les magistrats s’appuient sur le premier contrôle judiciaire dont a bénéficié Sébastien Bonnet, estimant qu’il était « manifestement suffisant […] pour prévenir le renouvellement de l’infraction puisqu’il ne s’est rendu coupable d’aucun fait de même nature ».
« Comme il n’a tué personne pendant son premier contrôle judiciaire, on peut lui en accorder un autre », s’insurge l’avocat des parties civiles, soulignant que l’accusé a déjà été condamné en 2016 pour des violences conjugales sur sa compagne.
S’il est décrit par ses proches comme « gentil », « serviable » et « sensible », l’exploitant agricole est également en prise avec l’alcool depuis de nombreuses années, « faisant naître une certaine agressivité envers certains membres de son entourage », selon le rapport de personnalité. Ses deux précédentes compagnes font également état de violences physiques lorsqu’il est alcoolisé.
« On relâche donc un homme qui est susceptible de recommencer sur une autre personne. Mais le gouvernement nous dit qu’il fait des violences conjugales son cheval de bataille… », souffle Cécile, stupéfaite.
« La détention provisoire ne peut être que l’exception »
Reste que, « la liberté provisoire est le principe, la détention provisoire ne peut être que l’exception », rappelle la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Amiens. L’article 148 du Code de procédure pénale dispose en effet que « la mise en liberté peut être demandée en tout état de cause par toute personne mise en examen, tout prévenu ou accusé, et en toute période de la procédure ».
Par ailleurs, la libération de Sébastien Bonnet est encadrée par un contrôle judiciaire qui l’oblige à se présenter une fois par semaine au commissariat, ne pas quitter la France et ne pas entrer en contact avec les proches de la victime. Pas de quoi dissiper les craintes et la colère des sœurs Povoa.
« Combien de temps va-t-on encore devoir attendre pendant qu’il reste libre? », interroge Isabelle. « Il faut que la cour d’assises trouve une date d’audience rapidement, ça ne peut plus durer. Le problème c’est que les détenus incarcérés sont jugés en priorité… », souligne Fabien Arakelian. Contacté, l’avocat de Sébastien Bonnet, Me Busy, n’a pas souhaité s’exprimer sur l’affaire.
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