Cuisine, musique classique... En prison, quelles sont les activités proposées aux détenus?

Même s’ils ont l’obligation légale de pratiquer au moins une activité, les détenus français passent la majorité de leur temps derrière les barreaux, du fait de la surpopulation carcérale.

Diffusée ce week-end sur YouTube, la parodie de l’émission Koh-Lanta enregistrée à la prison de Fresnes (Val-de-Marne) a vivement fait réagir la classe politique. En cause, des images où l’on voit des détenus affronter des surveillants de l’administration pénitentiaire dans une course de karts, ou encore dans une épreuve de tir à la corde.

« Tout cela n’est pas responsable, qu’il y ait cette espèce de show, de compétition, de télé-réalité dans une cour de prison », a fustigé ce lundi sur BFMTV/RMC le député LR Éric Ciotti. « La réinsertion ça passe par le travail », a-t-il appuyé.

Le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti a lui-même pris la parole, dénonçant des « images choquantes », et a « ordonné une enquête pour que toute la lumière soit faite ». Mais comme l’a rappelé Dominique Simonnot, Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, les activités organisées à Fresnes dans le cadre de l’émission « Kohlantess » sont loin d’être une initiative isolée.

« Vous savez, il y a bien d’autres choses qui se passent à l’intérieur des prisons. D’autres activités. Du VTT, du cheval, de l’escalade, des matchs de foot détenus/surveillants… Simplement les images ne sont pas publiques. Et la France est un pays qui fait que quand cela se passe en cachette, tout va bien. Mais quand les choses deviennent publiques, elles se gâtent. Je trouve que c’est d’une particulière mauvaise foi », a-t-elle expliqué sur BFMTV.

Des activités obligatoires pour les détenus

Comme le souligne la Contrôleuse générale, les activités socio-culturelles et sportives sont loin d’être une exception en prison, et se caractérisent même par leur grande diversité. La loi pénitentiaire de 2009 les a d’ailleurs rendues obligatoires.

« Toute personne condamnée est tenue d’exercer au moins l’une des activités qui lui est proposée par le chef d’établissement et le directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation dès lors qu’elle a pour finalité la réinsertion de l’intéressé et est adaptée à son âge, à ses capacités, à son handicap et à sa personnalité », détaille l’article 27 de la loi. Il peut s’agir d’activités « d’enseignement, de formation, de travail et socioculturelles et sportives ou de détente », détaille le Code de la procédure pénale.

Selon l’Observatoire internationale des prisons (OIP), c’est avant tout le sport qui est prisé par les détenus, pratiqué entre une à trois heures par semaine. Des installations sportives sont présentes dans toutes les prisons. La scolarisation vient ensuite, et concerne un quart des prisonniers, tout comme le travail.

Au bon vouloir de l’administration pénitentiaire

Enfin, une multitude d’activités socioculturelles sont proposées, comme des ateliers d’écriture, des cours de théâtre ou de photographie… À Fresnes, un atelier d’initiation à la musique classique a même été mis sur pied au printemps dernier. Le projet, intitulé « Empreinte musicale » avait été monté en partenariat avec l’Orchestre philharmonique de Radio France. Une quinzaine d’hommes avaient été encadrés par la soprano Johanne Cassar. « C’est un moment hors de la cellule, assez joyeux, on a l’impression d’être dans une situation normale », avait à l’époque confié le pianiste Emmanuel Christien à nos confrères de 20 Minutes.

Ces activités sont toutes validées en amont par l’administration pénitentiaire, comme l’assure l’OIP, contacté par BFMTV.com.

« Les activités reposent sur la bonne volonté de l’administration pénitentiaire. Il n’y a pas de limites, de règles. C’est l’administration qui apprécie au cas par cas les activités qui peuvent être organisées au regard des risques et de la sécurité », indique Matthieu Quinquis, président de la section France de l’Observatoire internationale des prisons.

C’est donc cette même administration pénitentiaire qui a validé les différentes activités aujourd’hui dans la tourmente, proposées lors du « Kohlantess » de Fresnes. Comme l’a révélé BFMTV, un contrat avait d’ailleurs été signé entre la production et la prison, mentionnant la course de karts qui fait aujourd’hui polémique.

« Des cours de cuisine sont organisés au sein des prisons où des couteaux sont mis à la disposition des détenus. Il y a des activités de travail avec des outils industriels qui peuvent être dangereux », abonde Matthieu Quinquis.

Une infime minorité de prisonniers concernés

Cette diversité dans les activités proposées en prison ne doit pas cacher le fait qu’une infime minorité de personnes y ont accès. L’émission Kohlantess ne comptait qu’une dizaine de détenus, alors que la prison des Fresnes est peuplée de plus d’un millier de prisonniers.

Comme le souligne l’OIP, le quotidien des détenus français se caractérise d’ailleurs plus par des journées entières passées enfermées, que comme une suite d’activités divertissantes. Selon les chiffres de l’Observatoire, les personnes incarcérées dans l’Hexagone passent 22 voire 23 heures par jour dans leur cellule.

En cause, la surpopulation carcérale, qui rend impossible d’offrir à tous l’opportunité de se défouler ou de se cultiver. Selon les chiffres du dernier rapport de la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, le taux d’occupation des prisons françaises s’affichait à 135,8% en décembre 2021. Ce qui fait dire à Dominique Simonnot que le tir à la corde ou la course de karts vus dans « Kohlantess » sont loin de représenter la réalité des détenus français.

« Le vrai scandale, il est dans la surpopulation carcérale, et notamment à Fresnes, qui est un des établissements les plus vétustes de France, bourré de cafards, de punaises de lit, et où la vie est lugubre », comme elle l’a rappelé ce lundi sur BFMTV.

Jules Fresard, avec Justine Chevalier

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